A la recherche des conteneurs
Depuis les années 1990, la mondialisation repose sur l’éclatement des chaînes de production, sur la réduction des stocks et sur la livraison en temps réel. La crise sanitaire a fortement mis à mal ce système en désorganisant les chaînes d’approvisionnement. La mise en œuvre de plans de relance ne facilite pas le retour à la normale. Des goulets d’étranglement se multiplient dans le transport de marchandises. Le nombre de conteneurs n’est pas suffisant pour faire face à la demande. Ils ne sont surtout pas basés au bon endroit. Les ports chinois ont, par ailleurs, de plus en plus de problèmes de logistiques en raison du niveau très élevé de la demande internationale.
Au cours des sept premiers mois de 2021, les volumes de fret entre l’Asie et l’Amérique du Nord ont augmenté de 27 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie. Si le commerce avec l’Europe est stable, le vieux continent souffre également de la pénurie de conteneurs qui ont pris la direction de la côte ouest américaine. Les retards d’acheminement s’accumulent avec 8 millions de conteneurs bloqués chaque jour dans les ports ou en attente de déchargement, soit une hausse de 10 % par rapport à 2020. Le délai moyen d’expédition porte-à-porte pour le fret maritime est passé de 41 jours, il y a un an, à 70 jours. Fin août, plus de 40 porte-conteneurs étaient ancrés au large de Los Angeles afin d’éviter d’engorger les ports qui manquent à leur tour de trains ou de camions pour transférer les marchandises vers des entrepôts.
La forte demande de produits chinois et la désorganisation des transports entraînent une hausse du coût moyen d’expédition d’un grand conteneur standard (une unité équivalente à 40 pieds). En juillet, ce dernier dépassait les 10 000 dollars, soit quatre fois son montant de 2019. Le prix au comptant pour le transport d’un conteneur de Shanghai à New York est ainsi passé de 2 500 dollars à 15 000 dollars. Un transfert entre la Chine et la côte Ouest américaine peut atteindre jusqu’à 20 000 dollars. L’augmentation des coûts de transports n’a pas été intégralement répercutée sur les clients. 60 % ont été pris en charge entre les producteurs et les compagnies de transports qui dans le cadre de contrats pluriannuels maintiennent les anciens prix.
Face aux problèmes d’acheminement par bateau, des entreprises ont décidé d’opter pour le fret aérien mais les capacités de ce dernier sont limitées notamment du fait de la faiblesse des liaisons internationales. D’autres entreprises recourent aux trains ou aux camions pour traverser l’Asie afin de trouver des ports disposant de bateaux disponibles en Europe.
Le retour à la normale n’est pas attendu avant le début de l’année 2022. Les transports maritimes, par leur complexité, sont très sensibles aux blocages. La grève des dockers sur la côte ouest des États-Unis en 2015 avait occasionné des problèmes d’acheminement durant six mois. La normalisation de la situation dépendra de l’évolution de la demande et en particulier de celle des consommateurs américains. Les ventes de détail, au moins de juillet, malgré leur recul, restaient supérieures de 18 % à leur niveau d’avant pandémie. Les entreprises outre-Atlantique, dans la perspective des fêtes de fin d’année, réalisent d’importantes commandes qui devraient contribuer à maintenir l’engorgement des transports de marchandises.
Les entreprises métallurgiques et navales peinent à répondre à la demande de conteneurs et de porte-conteneurs. Avant la crise, la demande était plutôt étale entraînant des fermetures de chantiers navals dont le nombre, à travers le monde, ne dépasse plus 120, contre 300 en 2008. Les armateurs s’attendent à un commerce plus régionalisé et privilégient l’acquisition de navires plus petits pouvant contenir entre 13 000 à 15 000 conteneurs. Ce choix qui ressemble à celui effectué par les compagnies aériennes qui acquièrent des monocouloirs est également dicté par les difficultés d’accueil et de gestion des méga-navires.
L’augmentation des coûts de transports maritimes pourrait donc perdurer et cela d’autant plus que les normes environnementales deviennent de plus en plus contraignantes. Responsable de 2,7 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone, le secteur est de plus en plus dans le collimateur des autorités et des associations de défense de l’environnement. Si les prix poursuivaient leur progression, une remise en cause de certaines importations pourrait intervenir, en particulier celles concernant des objets lourds et volumineux à faible valeur ajoutée comme les meubles. Le surcoût pour l’envoi d’un canapé de Chine à Los Angeles pourrait atteindre 1 000 dollars. Néanmoins, pour un très grand nombre de produits, les frais d’expédition ne représentent qu’un faible pourcentage du coût global. Même le recours à des carburants moins polluants ne devrait pas grever le coût des importations de produits textiles et de chaussures.
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