Le Louvre : un cas d’école !

22/12/2025, classé dans

En quelques semaines, le Louvre, autoproclamé plus grand musée du Monde, a connu un cambriolage rocambolesque mettant en évidence une sécurité défaillante, une fermeture d’une aile menacée d’effondrement, une inondation endommageant plusieurs centaines d’ouvrages rares, une grève des gardiens contraignant à sa fermeture quelques jours avant Noël. Le Louvre prend l’eau de toute part, victime de son succès, de l’insuffisance des fonds publics, des erreurs de gestion et de choix stratégiques discutables.

Comment un musée créé en 1793, connu aux quatre coins de la planète, a-t-il pu en arriver là ? Le Louvre symbolise à l’extrême les errements de la France de cette première partie du XXIᵉ siècle : un refus d’épouser son temps, un rejet des lois du marché, une propension au gaspillage des ressources.

Le Louvre a toujours été un Palais maudit que les souverains n’aimaient pas. Marie de Médicis le considérait comme un lieu de deuil, d’isolement, de soupçon et de mépris de la noblesse française à son égard. L’incendie des Tuileries en 1871 et le départ du ministère des Finances pour Bercy dans les années 1980 marquent la fin du rôle politique de ce palais, mais pas celle de ses ennuis.

Dès sa création, le musée manque de moyens et est confronté à des problèmes de conservation des œuvres. Depuis des siècles, les bâtiments sont peu ou mal entretenus. La création du Grand Louvre, dans les années 1980, à l’initiative de François Mitterrand, redonne quelques lustres au musée avec la construction notamment de la pyramide. Mais l’embellie est de courte durée. Avec plus de 8 millions de visiteurs, la gestion des entrées et des flux devient de plus en plus difficile, d’autant plus que le musée s’étale sur un grand nombre d’ailes et de niveaux. Conçu comme un centre de pouvoir, le Louvre apparaît peu adapté à sa mission de musée devenu l’un des premiers centres touristiques français.

La France est le premier pays d’accueil pour les touristes étrangers, mais elle les traite souvent avec désinvolture. La conséquence est des recettes bien plus faibles qu’en Espagne. Le Louvre symbolise à la perfection cette incapacité à exploiter les atouts naturels et historiques de la France. Le plus grand musée du monde n’est pas un lieu de vie. Le Louvre se mérite : les entrées sont masquées. Autour et au sein même du jardin des Tuileries, il est peu fait mention du musée. Aussi étrange que cela puisse paraître, la principale boutique du musée est en sous-sol et peu accessible. Or, dans tous les grands musées, la vente de livres et de produits dérivés constitue un complément de ressources non négligeable. De même, le Louvre comporte peu de lieux de restauration, accessible à toutes et à tous. Une fois fermé, à la nuit tombée, le musée se transforme en un lieu fantôme sans activité, où déambulent, un peu perdus, des touristes et des passants. L’éclairage extérieur des bâtiments est aléatoire et a une coloration digne de l’URSS de la grande époque. La magnifique cour Carrée n’est exploitée que par les grandes marques de luxe lors de la Fashion Week.

Le Louvre devrait être une marque mondiale dont le logo devrait être aussi célèbre que celui des Rolling Stones, ou du moins s’en rapprocher… Placé au cœur de Paris, il devrait être un lieu d’événements. Or aujourd’hui, c’est la fête foraine dans les jardins des Tuileries qui, le soir venu, attire le chaland…

Le Louvre est un monument culturel. Il est légitime que les conservateurs aient leur mot à dire sur la gestion des œuvres mais le musée, par son importance, par son emplacement au cœur de la ville, est également un lieu qui doit être pensé comme un espace économique. La Fondation Cartier, désormais installé à quelques encablures, démontre qu’il est possible de combiner art et ouverture sur la cité.

Le Louvre résume bien la situation de la France : des atouts indéniables, mais peu ou mal exploités. La France devrait mieux tirer profit de ses richesses naturelles et culturelles en cassant certaines barrières idéologiques et en permettant une plus grande autonomie aux structures publiques. Notre-Dame de Paris a prouvé que la mobilisation du public et du privé pouvait déboucher sur un miracle : la reconstruction de la cathédrale en à peu près cinq ans. L’incendie, perçu comme une catastrophe, a permis de gagner de précieuses années pour un monument qui menaçait ruine en bien des endroits.

Le malaise du Louvre n’est pas un accident. Il traduit un système à bout de souffle. Les grands musées internationaux — du Metropolitan Museum à la Tate Modern — ont compris, eux, qu’il n’y avait pas d’opposition entre exigence scientifique et logique de valorisation, entre conservation patrimoniale et attractivité économique.

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