Vive le disruptif par Stephanie MacKenzie – artiste peintre

26/09/2025, classé dans

La France aime la culture. Elle la célèbre, la finance, l’institutionnalise. Paris demeure l’une des capitales mondiales de l’art, mais un paradoxe s’impose, notre pays est davantage le conservateur du passé que le laboratoire de l’avenir. Nous construisons et rénovons des musées magnifiques qu’ils soient privés ou publics, nous sanctuarisons les œuvres patrimoniales, nous applaudissons les expositions « événement » De Paris au moindre village, nous ne pouvons échapper à notre patrimoine, à leur richesse, à leur diversité, à leur beauté. Mais il sent de plus en plus la naphtaline. Nous peinons à offrir un espace de visibilité, et parfois de scandales à la création contemporaine. Le Café de Flore ou les Deux Magots sont devenus des lieux touristiques, les débats philosophiques d’après-guerre ayant disparu depuis longtemps. Le Centre Pompidou, fermé pour travaux jusqu’en 2030, en est un symbole paradoxal. Une rénovation à la hauteur de son statut est engagée, mais en attendant, la scène parisienne du contemporain se délite. Elle s’est institutionnalisée. Le Grand Palais accueillera au mois d’octobre, Art Basel Paris, un rendez-vous d’importance, certes, mais qui reflète surtout un marché global dominé par quelques galeries internationales. Le triomphe médiatique de la réouverture de Notre-Dame illustre également cette tendance. La France se réjouit à juste titre de restaurer un joyau gothique, mais elle consacre bien moins d’attention à la vitalité de ses ateliers, de ses friches, de ses créateurs en quête de reconnaissance. Le transgressif n’a plus droit de cité. Où sont les nouveaux Niki de Saint Phalle, les nouveaux Christo, les nouveaux Matisse ? Certes, il existe des initiatives comme POUSH à Aubervilliers ou les Ateliers Médicis à Clichy-sous-Bois, mais elles demeurent limitées et méconnues. Les commandes publiques de sculptures ou de peintures contemporaines sont rares et trop peu visibles du grand public. À l’heure des réseaux sociaux, les débats et les polémiques ont été étouffés par la segmentation de la pensée. Chacun reste enfermé dans son couloir d’opinion, avec ses certitudes. Les rares controverses récentes – Jeff Koons et son Bouquet of Tulips pour la commémoration des attentats, ou encore les querelles autour de certaines installations éphémères au Palais-Royal ou place Vendôme – restent anecdotiques et se réduisent à de simples polémiques médiatiques.

Le monde culturel ressemble à notre économie, il vit sur des acquis qui s’effritent. Or, les grandes périodes artistiques de l’histoire – la Renaissance, le Grand Siècle, le Paris du XIXᵉ ou l’après-guerre – ont toujours coïncidé avec un renouveau économique. La création économique répondait à la création culturelle, et inversement.

Aujourd’hui, l’art en France est à l’image de l’économie atone. L’envie demeure, mais elle est sans relief, en voie d’attrition. Le pays est en quête d’un nouvel élan, d’une dynamique. L’art pourrait être cette bouffée d’air. L’art contemporain devrait réinvestir l’espace public, provoquer de nouveaux débats, réveiller l’esprit créatif. Comme l’économie, il ne doit pas être consensuel et aseptisé. Il faut investir dans la production, pas seulement dans la conservation. Favoriser le choc esthétique, l’irruption de l’imprévu, les controverses qui dérangent, afin de renouer avec les grandes périodes artistiques de la France et de générer du plaisir, des idées. L’art contemporain ne cherche pas à plaire : il doit provoquer et questionner. La vitalité artistique est un ferment de confiance collective. Une société sans création vivante est une société qui se regarde vieillir, au lieu d’inventer son avenir.

Stephanie MacKenzie

https://www.stephanie-mackenzie.com

Instagram : @stephaniemackenzieartist

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