Septembre 2006 : Entre espoirs et enfer
Une croissance faible depuis trop longtemps, des déficits récurrents malgré une politique apparente de rigueur, une inflation plus que
contenue. La France se complait dans une atonie générale gérant en retraité son économie. Le syndrome de la France, pays de rentiers, finançant ses administrations via l’épargne, semble se répéter près de 75 ans après la crise des années trente. Une fois de plus, c’est la politique du repli qui l’emporte, c’est la politique du plus petit dénominateur commun qui s’impose à tous. La France, c’est avant tout l’Etat. Si l’Etat privilégie le court terme, le fonctionnement, la facilité, l’ensemble de la société l’imite, les particuliers comme les entreprises. La
mondialisation, l’internationalisation des grandes entreprises, pourtant bien présentes, s’impose mais ne s’admet pas ; fait réel mais nié en permanence par les élus et une partie des intellectuels. La France assimile, avec retard et bien souvent avec excès, les modes
américaines. Il en a été ainsi avec la frénésie Internet ; il en est de même, aujourd’hui, avec la recherche par les entreprises du plus fort taux de rendement par rapport au capital investi. Notre pays aime à souligner sa différence tout en succombant aux modes anglo-saxonnes.
Si la France joue à la « midinette américaine », elle n’en a pas
malheureusement le profil. L’économie française souffre tout à la fois d’un mauvais positionnement de son outil productif qui se traduit par d’importants déficits, d’une mauvaise allocation de son épargne et d’un
système d’Etat providence coûteux. La question de la compétitivité est à la fois centrale car elle explique une partie de nos déboires, mais la compétitivité est un concept relatif et évolutif. Etre compétitif, c’est l’être
par rapport à quelqu’un d’autre et sur un terrain donné. En changeant de terrain, il est possible à tout à chacun d’être plus compétitif
qu’auparavant et de trouver des adversaires prenables. Cette absence de prise en compte de la valeur relative et évolutive de la
compétitivité qui est à la base des échanges commerciaux, participe au développement du sentiment anti-mondialiste en France. Le goût
français pour l’immobilisme et la réécriture permanente du passé ne facilite pas l’intégration dans le nouveau jeu de
l’économie mondiale, jeu qui repose sur l’innovation et l’adaptation permanente.
Le meilleur critère du déclin français, c’est celui du PIB par habitant, la richesse nationale produite en une année divisée par le nombre d’habitants. Or, d’année en année, le montant du PIB par habitant recule, signe d’un réel appauvrissement.
Il n’y a pas de fatalité en économie. L’Espagne quels que soient les gouvernements en place n’en finit pas de réduire son retard au point d’afficher un excédent budgétaire et un chômage inférieur au nôtre. Le Royaume-Uni est redevenu une puissance économique ; les Anglais disposent d’un pouvoir d’achat supérieur à la moyenne européenne. Notre lot de consolation consiste à mettre en avant que les Allemands rencontrent également des problèmes ce qui n’est pas tout à fait vrai. En effet, notre voisin accumule des excédents commerciaux pendant que nous, malgré notre faible croissance, nous enregistrons des déficits. En outre, quel serait l’état de la France si nous avions dû intégrer les Länder de l’Est ?
En matière de croissance, la zone euro fait moins bien que l’Union européenne.
Depuis 1994, la France n’a de son côté derrière elle que l’Italie et l’Allemagne. De 1994 à 2004, la croissance moyenne de la France, en termes réels, a été de 2,3 % au 24ème rang de l’OCDE sur 30 pays. Sur la même période, l’Irlande a enregistré un taux de croissance de 7,9 % ; le Luxembourg de 4,8 % ; l’Espagne de 3,6 % ; les Etats-Unis de 3,3 %.
Les années 2003, 2004 et 2005 figurent au palmarès de tous les temps pour le taux de croissance. Or, la France comme une grande partie de la vieille Europe est restée à l’écart. Le souffle de la croissance mondiale n’a pas touché les cotes françaises. La France s’enlise dans la morosité au moment même ou la grande partie du monde connaît un cycle de prospérité sans précédent. L’envolée du cours du baril en est l’illustration la plus criante. L’économie mondiale tourne à plein et supporte sans trop de difficulté un baril à plus de 60 dollars.
Les échanges mondiaux progressent rapidement, les déplacements de personnes également, comme en témoignent la commande de plus de 2000 avions à l’échelle mondiale en 2005.
Les entreprises françaises en phase avec le commerce mondial enregistrent de très bons résultats. La langueur, ce mal français, est incrustée dans l’esprit des Français.
LE PIB PAR HABITANT, JUGE DE PAIX DU DECLIN
Avec l’Italie et le Portugal, la France enregistre, ces dernières années, un recul de son PIB par habitant qui est inférieur à celui de la moyenne des pays de la zone euro. Avec une base 100 pour l’Union à 25, la France a un indice de 110 en 2004 contre 112 en 2003, l’indice de la zone euro étant stable à 107. Le même indice est de 151 aux Etats-Unis et 117 au Royaume-Uni.
Les Luxembourgeois, avec les Danois, les Autrichiens et les Hollandais, sont toujours les plus riches avec un indice de 227. Les Belges, avec un indice de 119, sont eux-aussi au-dessus des Français. Avec 98, les Espagnols rattrapent à grandes enjambées les Français du fait de leur taux de croissance annuelle de plus de 3 %.
La France est en fin de peloton. D’ici quelques années, les Coréens pourraient être plus riches que les Français. Le Royaume-Uni démontre que toute situation est réversible. Après avoir connu un déclin dans les années soixante et soixante dix, les Anglais figurent au troisième rang des grandes nations et au dixième rang de l’OCDE. Ils occupent le 16ème rang de l’OCDE pour le PIB par habitant. Les Irlandais sont au 4ème rang derrière la Norvège, les Etats-Unis et le Luxembourg.
En gage de consolation, la France dépasse d’une place l’Allemagne mais qui ne l’oublions pas a intégré l’Allemagne de l’Est.
La faute aux baby-boomers, aux immigrés, à l’augmentation de la population, les excuses, les reproches de plus ou moins bon goût s’accumulent ; ils ont en commun de se
DEFICITS COMMERCIAUX, LE RETOUR
La France n’a jamais été un pays vedette de la balance commerciale. Pendant les Trente Glorieuses, le déficit commercial récurrent était la preuve du dynamisme de notre économie qui faisait appel à l’extérieur. Il a fallu plusieurs années de désinflation compétitive à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix pour enregistrer des excédents commerciaux.
De toute façon, le déficit commercial n’est pas, en soi, un critère de déclin ; les Etats-Unis en fournissent la meilleure preuve. Mais il y a plusieurs types de déficits : Il y a le déficit des économies en construction ou en croissance (importation de biens d’équipements), le déficit des économies achetant des biens ou des services qu’ils ont conçus (l’exemple type est les Etats-Unis qui innovent mais font fabriquer ailleurs) et le déficit des économies déphasées (importations de produits sophistiqués et de matières premières, exportations de produits soumis à la concurrence des pays émergents).
La France est confrontée à ce troisième type de déficit avec un aspect qui concerne à la fois l’offre et la demande.
LE DEFICIT D’OFFRE OU LE SOUS-INVESTISSEMENT FRANÇAIS
Notre pays est en panne d’investissements et en panne d’innovations. La sortie du tunnel exige une relance de l’investissement mais pas dans n’importe quels secteurs et dans n’importe quelles conditions.
Le sous-investissement s’exprime sur deux axes, un axe quantitatif et sur un axe qualitatif.
L’axe quantitatif
L’investissement des sociétés non financières, celui des entreprises des administrations publiques et des ménages, tourne autour de 19 % de la valeur ajoutée depuis plus de dix ans. En 2002 et 2003, la formation brute de capital fixe a même diminué (- 2,7 % en 2002, – 1,8 % en 2003). Depuis 2004, une légère reprise est constatée mais insuffisante pour créer un élan.
La France, terre d’inventeurs, s’est étiolée. Elle est absente sur les secteurs porteurs d’avenir. Pour les secteurs de pointe, il y a Alcatel, EADS, Avantis Sanofi, mais aussi le nucléaire. En revanche, dans les biotechnologies, l’informatique, les logiciels grand public, les nanotechnologies, les entreprises françaises sont rares.
L’échec de la recherche à la Française
La recherche en France est, avant tout, une recherche d’origine publique. Le CEA, le CNRS… sont les grands centres de recherche. Il y a toujours eu un problème de connexion entre la recherche fondamentale et la recherche développement. Jusqu’à une date récente, la France maintenait ses positions en matière de recherche fondamentale. La faiblesse des crédits publics et la bureaucratisation des instituts de recherche publics ne permettent plus de faire illusion.
La recherche développement, un sujet d’éternelle déception
La recherche développement représente moins de 3 % du PIB soit moins de ce qui était prévu lors du sommet de Lisbonne. Les Etats européens qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux qui consacrent le plus d’effort à la recherche développement.
Faute d’avoir donné la priorité à la recherche, à l’innovation, la France vit sous la dictature des coûts. Une recherche efficace offre des marges de manœuvre, des espaces.
En matière de recherche industrielle, la France fait pale figure. Les firmes allemandes sont citées à 12 reprises parmi les 100 entreprises qui dépensent le plus pour la recherche contre ; seules 7 entreprises françaises sont mentionnées. La France est très peu présente sur les secteurs à forte intensité technologique comme l’informatique ou l’électronique.
Notre pays est avant tout représentée par des groupes liés directement ou indirectement à l’automobile (Peugeot, Renault, Michelin). Seul Sanofi-Avantis est présent dans les vingt premières entreprises mondiales citées pour leur effort de recherche. Cette absence française dans les secteurs des nouvelles techniques de l’information s’explique par la volonté des pouvoirs publics de maintenir pour des raisons électorales et du fait de l’existence de bastions syndicaux des activités faiblement orientées vers la recherche développement ou dont le cycle de développement dans les pays occidentaux était arrivé à terme (textile, sidérurgie, machine outil).
Les nationalisations des années quatre-vingt ont permis de sauver, temporairement des entreprises peu rentables ; elles ont accaparé un volume important de crédits qui auraient été plus utiles ailleurs.
Selon le rapport de l’OCDE « Objectif croissance 2006 », la France est à la traîne tant en matière de la recherche dans les entreprises que dans les instituts de recherche publics. Faute de conditions favorables et faute d’efforts financiers suffisants, la France n’exploite pas son potentiel de recherche. Or, selon cette étude, l’évolution du PIB dépend de plus en plus des gains de productivité et des dépenses consacrées à la recherche et aux dépenses universitaires.
Mauvais positionnement de l’économie française
La France perd des parts de marché faute d’un bon positionnement économique. Le recul des exportations est net ; les importations progressent, le ratio importations sur demande intérieure est passé de 20 à 30 % de 1994 à 2004.
A l’opposé, l’économie américaine est en permanente mutation tant sur un plan structurel que sur un plan géographique. Chrysler est aujourd’hui la propriété de Mercedes, Ford est en faillite et General Motors n’est plus numéro un. Les usines sont de moins en moins dans le Michigan et de plus en plus dans le sud des Etats-Unis. La force de l’économie américaine se trouve dans sa capacité de renouvellement. Elle demeure en pointe sur les secteurs à fort potentiel de croissance (industrie pharmaceutique, informatique, nanotechnologie, biotechnologies….). L’Europe, quant à elle, tente de maintenir des secteurs en déclin, voire développe des activités déjà arrivées à maturité comme L’automobile, secteur mature dans son mode de production. Certes, le changement de carburant pourrait modifier la donne… On pourrait imaginer un découplage entre fabrication des moteurs et assemblage, suivant le modèle en vigueur dans l’informatique. L’avenir de l’industrie automobile en Europe, c’est à dire comme industrie ayant des usines en Europe passe par le franchissement d’un gap technologique.
En résumé, des mesures fortes et rapides en faveur de l’investissement sont nécessaires.
LE DEFICIT DE DEMANDE, SOUS-EMPLOI, FAIBLE PROGRESSION DES SALAIRES ET CONSOMMATION HESITANTE
Le sous-emploi chronique
La croissance française ne tient aujourd’hui que par la consommation. Or, celle ci est sous contrainte du fait que la masse salariale n’évolue que faiblement. Le sous-emploi, c’est le cancer de la France. Faible activité jusqu’à 25 ans, très faible activité à partir de 55 voire 50 ans. La vie active se limite à vingt ans, intervalle dans laquelle les périodes de chômage sont d’autant plus élevées que le niveau de diplôme est faible.
La faible progression des salaires
De 1998 à 2001, les salaires ont progressé en moyenne de 1,2 % par an. En 2002, la hausse n’a été que de 0,2 %. En 2003, ils ont baissé de 0,3 % avant de réaugmenter de 0,4 % en 2004. Globalement, les salaires stagnent depuis plus de cinq ans. Les trente cinq heures ne justifient pas, à elles seules, cette situation.
La progression du chômage et cette stagnation des salaires auraient débouché sur une récession si les Français n’avaient pas puisé dans leur abondante épargne. L’Etat vit à crédit et les Français utilisent leur bas de laine. Ce n’est pas le tableau d’une France dynamique surtout que la baisse du taux d’épargne a permis de financer des dépenses de consommation courante.
Une consommation hésitante mais principal soutien
Principal moteur de la croissance française, la consommation progresse de manière hésitante au gré des améliorations du chiffre du chômage et de la confiance depuis 2004. Son ralentissement se traduit immédiatement en terme de croissance du fait de la stagnation de l’investissement et de la contribution négative du commerce extérieur. La consommation des ménages progresse de 1,7 à 2,7 % l’an sur ces quatre dernières années ce qui n’est pas suffisant un niveau correct de croissance.
La croissance française est plombée par cette sous-activité, conséquence du sous-investissement et d’une protection forte des salariés ayant un emploi. Le marché du travail est trop fermé.
Les 35 heures ont en un effet brutal car elles sont intervenues au moment où la croissance s’affaiblissait. Leur impact a été en réalité plus psychologique qu’économique, les entreprises ayant absorbé le surcoût par un durcissement de la politique salariale et par des gains de productivité. Il faut souligner que le taux de marge des entreprises n’a guère baissé.
En revanche, les 35 heures ont accru la marche à franchir pour entrer sur le marché du travail ; l’entrant se doit d’être d’autant plus productif et rentable que le temps de travail est court.
Plus de cinq ans après leur application, l’effet négatif des 35 heures tend à s’atténuer. Il n’en demeure pas moins qu’elles ont porté atteinte à la valeur travail et modifier le rapport à la notion de réussite sociale.
L’absence de revalorisation salariale est d’autant plus frappante que la valeur des actifs immobiliers a progressé forçant les Français à s’endetter à plus long terme pour acquérir leur logement. Pour maintenir leur niveau de consommation, les Français ont réduit leur taux d’épargne ce qui n’est pas en soi un mal. Le taux d’épargne français figure parmi les plus élevés. En outre, l’allocation de cette épargne laisse à douter du fait de la sur-représentation des placements courts ou des placements en obligations.
De toute façon, le réservoir de l’épargne n’est pas inépuisable. Les mesures relatives au déblocage de l’épargne salariale ont un effet limité. Elles ont profité plus à l’assurance-vie qu’à la croissance.
UNE EPARGNE A L’IMAGE DE L’ECONOMIE, MAL UTILISEE, MAL ORIENTEE
La mauvaise allocation de l’épargne française
Trop d’épargne tue l’économie d’autant plus si cette épargne finance les déficits. Avec un taux d’épargne avoisinant 15 % du revenu disponible brut, les Français jouent à la fourmi. La peur du lendemain est telle que le placement fétiche du Français est le Livret A même s’il ne rapporte que 2 % l’an… Drôle de pays qui dispose d’un des systèmes de protection sociale comptant parmi les plus développés et dont les habitants n’en finissent pas de se réfugier dans les placements à court terme de façon à disposer de disponibilités en cas de coup dur.
Au mois de mai 2006, la presse a titré sur l’endettement excessif des ménages français, reprenant une note éditée par la Banque de France.
Ainsi, le niveau d’endettement des ménages français représentait, en 2005, 64% du revenu disponible brut. « Ce niveau est le plus élevé jamais observé en France », souligne la banque de France.
En 2005, la dette des ménages s’élève à près de 435 % de l’épargne brute, dépassant largement son niveau des années 1980, période du dynamisme des prêts à l’habitat et de l’envolée des prix immobiliers.
L’endettement s’accélère ; 10,5 %, en 2005 contre 9,9 % en 2004. Les crédits nouveaux moins les remboursements qui concernent essentiellement l’habitat, s’élèvent à 69,5 milliards d’euros, contre 51,8 milliards en 2004.
Ces chiffres doivent être relativisés. En effet, il est absurde de comparer le niveau d’endettement qui correspond à un stock, avec le montant de l’épargne qui est un flux. Certes, c’est l’épargne qui permet de rembourser les emprunts mais il serait plus juste de mentionner le montant du patrimoine détenu par les ménages, montant qui a fortement progressé du fait de la valorisation des actifs mobiliers et immobiliers. Plus un ménage détient un patrimoine important, plus sa capacité d’endettement s’accroît. De ce fait, il est exagéré de s’alarmer d’un endettement élevé des ménages.
Selon une étude de l’Insee parue le 6 janvier 2005, le patrimoine national des ménages, des entreprises et des administrations a augmenté de 73%, avec une forte progression du patrimoine des ménages de 82% entre 1995 et 2003. L’étude révèle que le patrimoine national, défini comme celui des résidents sur le territoire, s’élevait à 8 244 Milliards d’euros fin 2003 et que les ménages en détenaient 77%.
La forte progression du patrimoine des ménages est due, selon l’Insee, à la hausse de l’immobilier. La part des actifs immobiliers dans le patrimoine des ménages français atteint, selon la Banque de France, près de 58% à la fin 2003.
Depuis le 3 janvier 2006, les Français peuvent acheter et vendre en direct des Obligations Assimilables du Trésor. Cette nouveauté n’est pas une bonne nouvelle. Les Français, sont champions de l’obligation d’Etat dont regorgent les contrats d’assurance vie (plus de 900 milliards d’euros d’actifs) et qui devient encore plus facilement accessible.
Dans ces conditions, le taux de pénétration des non-résidents dans le capital des entreprises françaises ne pourra que s’accroître. Il est passé de 9 à 22 % de 1977 à 2003 contre 4 à 10 % aux Etats-Unis. L’absence de l’épargne retraite explique également la prise de pouvoir des fonds étrangers sur nos entreprises. A défaut d’avoir des fonds de pensions français, on a des fonds de pension étrangers.
LES ESPOIRS OU LA VICTOIRE DE L’ECONOMIE EN MOUVEMENT
Le mouvement est roi en économie. Les vérités d’hier se muent en erreurs en quelques années. Ainsi le Japon, ce dragon des 70’s et des 80’s semblait vouer à un marasme sans fin. Le système japonais, vanté pour son efficacité, était condamné car inadapté au monde si mobile d’Internet. Après une cure décennale, le Japon est reparti ; Toyota est leader mondial pour l’automobile, les entreprises japonaises d’électronique et d’informatique se sont transformées en centre de recherche et d’études, laissant le soin aux ateliers chinois de fabriquer les écrans plats, les ordinateurs et autres produits.
De même, les pays d’Europe du Nord, connus plus pour leur Etat providence que pour l’efficacité de leur économie, ont réussi une mutation économique en pariant et en gagnant sur les nouvelles technologies. Ericsson, Nokia et bien d’autres sont les nouveaux porte étendards de ces économies scandinaves.
Le déclin relatif de la France n’est donc pas une fatalité. Le pays dispose d’atouts indéniables comme la qualité de ses infrastructures, de la formation ou la créativité dont elle fait preuve malgré les pesanteurs administratives.
Contrairement aux idées reçues, la mondialisation est acceptée par la très grande majorité de la population qui surfe sur Internet, qui utilise à longueur de journée son téléphone mobile ou qui passe des heures sur des consoles de jeu.
La France bien que son PIB progresse lentement est un des pays où le progrès technique se diffuse le plus rapidement en Europe. De même, les grandes entreprises participent à la compétition mondiale ; réalisent une part substantielle de leur chiffre d’affaires à l’étranger, achètent et vendent des participations sur tous les continents. La France vit à l’heure mondiale ; les campagnes accueillent avec bienveillance les Anglais et les Néerlandais qui achètent des maisons secondaires, des gîtes et des maisons d’hôte. Les jeunes partent de plus en plus effectuer une partie de leur scolarité à l’étranger.
Le taux d’épargne malgré le chômage et la stagnation des salaires s’élève à plus de 15% du revenu disponible brut. Le Français est un angoissé ; plus ça va mal, plus il épargne afin de se prémunir des risques. De ce fait, il est possible de réorienter l’épargne vers des placements ou vers des dépenses plus productifs.
La France est un pays attractif ; la preuve, il arrive au deuxième rang pour l’accueil des capitaux internationaux. Les investisseurs étrangers optent pour la France du fait de sa position géographique, de la qualité des infrastructures et du niveau de formation des salariés. Ce n’est pas un hasard si Toyota a choisi Valenciennes pour installer une usine et bientôt une seconde.
Plus une économie est développée, plus l’importance de la productivité, de la recherche, des facteurs immatériels est forte dans la croissance. La France demeure malgré tout une grande puissance en matière de recherche. La création récente de pôles de compétitivités sur le modèle des « clusters » anglo-saxons constitue un point de départ pour une mobilisation du pays en faveur de la recherche. Car au-delà des incitations publiques, il faut un créer un élan en faveur de la Recherche Développement et en faveur des nouvelles technologies. « L’Etat ne peut pas tout » pour paraphraser un ancien Premier Ministre mais il donne l’impulsion, l’exemple. De ce fait, il convient que des capitaux français et étrangers s’investissent plus massivement dans les secteurs de pointe.
Dans une économie tertiairisée, la confiance constitue un facteur de plus en plus important. La France souffre d’un manque d’ambition, d’un projet unificateur. Dans un pays centralisé où, même si du fait du processus de libéralisation engagé depuis plus de vingt ans les pouvoirs publics ont perdu de nombreux moyens d’action, il n’en demeure pas moins qu’ils y jouent un rôle supérieur que dans la plupart des autres pays occidentaux. La réduction du nombre de morts sur les routes démontre qu’un gouvernement peut influencer les comportements. Il peut en être de même en économie à condition d’avoir un message clair et qui dure dans le temps. Les changements incessants de politique budgétaire, fiscale et sociale nuisent à leur efficacité ; la population devenant sceptique face à toute mesure ou annonce.
La France dispose de potentiels de croissance. L’avenir est peut-être aux banlieues. Face aux villes engorgées et fossilisées (refus de construction de tours, limitation de la circulation routière), face aux villes aux prix prohibitifs en matière immobilière, les banlieues peuvent devenir un eldorado. Le coût du foncier y est moindre, les voies d’accès s’améliorent et la population y est plus jeune et aussi moins chère.
De grandes entreprises quittent ainsi Paris pour s’installer dans le 9-3 comme Generali ou Arcelor ; de nombreuses PME se créent dans des anciennes usines ou dépôts à Clichy, à Saint-Denis ou Issy-Les-Moulineaux.
De même, une économie de tourisme rural se développe avec la multiplication des chambres d’hôtes et de gîtes. Le tourisme autrefois limité aux vacances scolaires est désormais étalé sur toute l’année avec les 35 heures et le vieillissement de la population. Il convient de mieux exploiter ces gisements en améliorant la formation des jeunes et en mettant en valeurs les succès locaux.
La France dispose d’un atout par rapport à ses voisins ; c’est son accroissement démographique plus soutenu. Avec un taux de fécondité de 1,90 pour mille, la France fait beaucoup mieux que les Allemands ou les Italiens. La population française devrait atteindre 70 millions en 2050. Cette relative bonne santé démographique est porteuse de croissance.
Les Etats, comme l’économie, traversent des cycles. Depuis la révolution, la France a connu des phases d’absence, de repli et des décennies heureuses. Nicolas Baverez a qualifié la période actuelle « les trente piteuses » en comparaison avec les « trente glorieuses » chères à Jean Fourastier, mais aucune fatalité ne peut nous conduire à atteindre les quarante !
La France a les moyens d’entrer dans une nouvelle phase d’expansion. Il convient sans nul doute de repenser les modes de régulations sociales ; le système d’organisation impersonnel que l’on pourrait qualifier d’administra-matriciel et qui s’applique à toutes les grandes entités apparaît comme déresponsabilisant. Pour éviter le royaume du « petit chef » et pour mettre en sourdine les conflits internes, tout en limitant la pression sur les cadres dirigeants, un mélange de modèle américain et de modèle administratif sert de base au mode d’organisation des grandes entreprises. Nul n’est sous la coupe d’un chef unique ; les équipes sont éphémères pour éviter la création de féodaux dans l’entreprise. Si l’objectif est louable, les résultats apparaissent décevants : démotivation des cadres, peu de liens internes, pas d’adhérence aux valeurs de l’entreprise.
Aux Etats-Unis, l’attachement des salariés à leur entreprise atténue le caractère anonyme de ce type de mode d’organisation. Il faut recréer des liens sociaux.
Le projet de loi sur l’épargne salariale qui a été présenté au mois de juin en Conseil des Ministres, en créant un intéressement par projet, tire les enseignements des dysfonctionnements du mode d’organisation actuelle.
Il apparaît indispensable de redonner du sens au travail pour motiver davantage les salariés et de ce fait générer un cercle vertueux de croissance.
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