Quand la Chine déçoit

21/12/2024, classé dans

Selon le Conseil pour la promotion du commerce international de la Chine, organisme contrôlé par l’État, 90 % des entreprises étrangères jugent leur expérience dans le pays satisfaisante. Cependant, les dirigeants de ces entreprises sont de plus en plus nombreux à douter de la rentabilité de leurs investissements. Selon une enquête récente de la Chambre de commerce américaine de Shanghai, moins de la moitié des personnes interrogées ont déclaré être optimistes quant aux perspectives de leur activité en Chine au cours des cinq prochaines années, un niveau historiquement bas. Le 4 décembre dernier, General Motors (GM), un des plus grands constructeurs automobiles américains, a annoncé la dépréciation de la valeur de ses entreprises communes avec le constructeur chinois SAIC et la fermeture de certaines de ses usines dans le pays. Le 9 décembre dernier, le gouvernement chinois a ouvert une enquête sur des pratiques anticoncurrentielles de Nvidia, le producteur de microprocesseurs destinés à l’intelligence artificielle.

Les ventes en Chine des sociétés américaines et européennes cotées en bourse ont atteint un sommet en 2021 à hauteur de 670 milliards de dollars. Ces ventes représentaient alors 15 % du chiffre d’affaires total de ces entreprises. En 2023, ce montant n’était plus que de 650 milliards de dollars. Pour 2024, il devrait être encore plus faible. La moitié des entreprises auraient enregistré, cette année, une baisse de leurs ventes. C’est le cas notamment d’Apple, de Volkswagen, de LVMH ou de Starbucks. Parmi les rares entreprises accroissant leur chiffre d’affaires en Chine figurent le laboratoire pharmaceutique Lilly et la chaîne de magasins de vente au détail Walmart.

Le recul des ventes des entreprises occidentales en Chine s’explique par le ralentissement de la demande, par une concurrence accrue et par une exacerbation du nationalisme. La crise immobilière, qui conduit à une baisse du prix des logements, a amené les Chinois à réduire leur consommation. Malgré les plans de relance du gouvernement, la demande demeure peu dynamique. La pression déflationniste nuit à toutes les entreprises chinoises et étrangères. À la fin du mois d’octobre, 27 % des entreprises industrielles chinoises accusaient des pertes. L’offre excédentaire dans divers secteurs, des véhicules électriques aux matériaux de construction, provoque une guerre des prix féroce, pesant sur le chiffre d’affaires. Les entreprises occidentales ont, par ailleurs, de plus en plus de difficultés à rivaliser avec leurs homologues chinoises. Starbucks a ainsi cédé des parts de marché à Luckin Coffee, un concurrent local moins cher qui comptait 21 000 magasins dans le pays en septembre, soit environ trois fois plus que la chaîne américaine. Brian Niccol, le nouveau PDG de Starbucks, pourrait décider de céder ses implantations en Chine à un partenaire local.

Dans de nombreux secteurs, les entreprises occidentales ne bénéficient plus de l’avantage technologique qu’elles avaient autrefois sur leurs rivales chinoises. Les producteurs chinois de robots industriels approvisionnent désormais près de la moitié du marché local, contre moins d’un tiers en 2020. Apple est de plus en plus concurrencée sur le créneau du haut de gamme par les nouveaux smartphones tape-à-l’œil de Huawei. Les véhicules électriques produits par BYD, NIO et d’autres constructeurs automobiles chinois sont non seulement moins chers que ceux des constructeurs occidentaux, mais également mieux équipés, notamment en matière d’intelligence artificielle.

Les entreprises occidentales sont également confrontées à la montée des tensions commerciales entre leurs pays d’origine et la Chine. Le 2 décembre dernier, les États-Unis ont instauré de nouvelles restrictions sur la vente d’équipements de production de microprocesseurs à certaines entreprises chinoises. Cette mesure pénalise les fabricants américains tels qu’Applied Materials, Lam Research et KLA, ainsi qu’ASML, un fabricant néerlandais d’outils de lithographie avancés. Elle pourrait donner lieu à des sanctions par rétorsion. Quatre associations industrielles chinoises ont réagi en appelant à réduire les achats de puces américaines. En réaction aux droits de douane majorés à l’encontre des véhicules électriques en provenance de Chine, L’Union européenne voit les autorités de ce pays menacer de prendre des sanctions contre Rémy Cointreau et Pernod Ricard, accusés de dumping.

En novembre, Uniqlo, un détaillant japonais de vêtements, a fait l’objet d’attaques de la part d’internautes chinois après avoir annoncé la non-utilisation de coton du Xinjiang, une région de Chine en proie à des allégations de travail forcé. Le ministère chinois du Commerce pourrait imposer des restrictions aux activités locales de PVH, le propriétaire américain de Tommy Hilfiger et Calvin Klein, pour avoir respecté une loi américaine interdisant l’utilisation de coton provenant de cette région. Si Donald Trump met à exécution sa menace d’augmenter les droits de douane sur les produits chinois à hauteur de 60 %, voire 100 %, les autorités chinoises pourraient compliquer le quotidien des entreprises américaines installées en Chine. Certaines entreprises ont décidé, pour cette raison, de s’installer dans d’autres pays asiatiques comme le Vietnam ou la Thaïlande, mais Donald Trump a prévenu que ces pays pourraient également être concernés par la majoration des droits de douane. Par ailleurs, avec 1,3 milliard d’habitants, la Chine demeure un marché important pour de nombreuses entreprises occidentales.

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