Russie entre Occident et Orient

15/10/2010, classé dans

Un pont au-delà de l’Oural

Bien au-delà de l’Oural, en pleine Sibérie, du 6 au 9 septembre dernier, j’ai eu la chance de participer au Forum économique international de Baïkal à Irkoutsk auquel assistaient de nombreux responsables économiques et politiques chinois, coréens, japonais et russes ainsi que de trop rares responsables européens de l’Ouest. A première vue, il apparaît surréaliste de réunir un colloque international à des milliers de kilomètres à l’Est de Moscou mais c’est oublié que le lac Baïkal est la principale réserve mondiale d’eau douce, source d’énergie et de vie. Cette région a, par ailleurs toutes les chances de devenir, demain, un carrefour stratégique majeur dans les prochaines décennies, à la confluence de la Chine, du Japon de la Corée, de l’Inde et la Russie. Durant trois jours, des chefs d’entreprises, des chercheurs, des hommes politiques, des investisseurs ont débattu sur l’avenir des nouvelles technologies, sur l’évolution du secteur de l’énergie et sur le rôle que jouera demain. Les Européens de l’Ouest semblent ignorer que le monde multipolaire est déjà une réalité et que le monde ne s’articule plus exclusivement autour du couple qu’ils formaient avec les Américains.

Le continent européen a changé

Le mur de Berlin est tombé il y a déjà plus de vingt ans. Depuis l’Europe semble pourtant balbutier avec son histoire en refusant d’admettre que nous ne sommes plus en 1947. L’époque n’est plus à panser les plaies entre la France et l’Allemagne ou à endiguer le danger communiste mais à reconstruire un modèle de croissance. L’Union européenne qui en voulant trop étreindre en passant de 15 à 27 a perdu en force et en destin. Depuis de trop nombreuses années, l’Europe subit plus qu’elle ne bénéficie de la mondialisation. Engluée dans ses problèmes d’organisation interne, elle a négligé le rôle et l’apport, à ses frontières, de la Russie qui est une puissance incontournable du fait de ses richesses énergétiques, de ses capacités technologiques et de son positionnement. Or, comme l’a souligné le Président de la République à l’occasion du 13ème Forum économique international de Saint-Pétersbourg au mois de juin, « il n’y a plus de nuage entre la France et la Russie ». Notre pays a un rôle à jouer pour renforcer les liens entre les deux parties du continent européen afin d’éviter qu’un fossé économique ne remplace le mur et cela en notre défaveur.

Nous sommes partenaires bien plus que concurrents

A la différence des relations de concurrence que nous pouvons entretenir avec de nombreux pays des autres continents, nos intérêts avec la Russie sont complémentaires comme le prouvent déjà les nombreux contrats signés à l’occasion du Forum de Saint-Pétersbourg. Les complémentarités entre la France ainsi que les Etats de l’Union européenne et la Russie sont évidentes dans l’efficacité énergétique le développement durable, la recherche, les transports, les liaisons routières et ferroviaires, l’aviation ou l’espace. Nous partageons un grand de nombres de valeurs concernant l’organisation du système financier mondial.

La Russie dont la superficie est 31 fois celle de la France et avec sa population de 141 millions d’habitants est une grande puissance disposant d’importantes réserves de matières premières et d’énergie, ce dont a besoin cruellement l’Europe de l’ouest. La Russie possède également de grandes entreprises de dimension internationale et maîtrisant de nombreuses technologies de pointe. La France dont le savoir faire est reconnu dans les domaines des transports, de la réalisation et de la gestion des infrastructures, des partenariats publics-privés se doit tout comme la Russie de s’adapter à la nouvelle donne mondiale. Elle a pour cela un besoin impérieux de capitaux, besoin d’autant plus important que nos déficits publics captent une part non négligeable de notre épargne. Les fonds souverains en Russie qui pèsent déjà plusieurs centaines de milliards de dollars sont et seront des acteurs clef du développement de ce pays mais ils doivent être également des catalyseurs de croissance pour l’ensemble du continent. La Russie a, en effet, dans ses priorités de préparer l’après pétrole et l’après gaz en valorisant au mieux ses excédents commerciaux issus de la rente énergétique. A court et long terme, nos destins sont liés.

Dépasser nos vulnérabilités respectives

La crise de 2008 nous amène à réfléchir sur notre vulnérabilité. Cette crise n’est pas née en Europe mais ce sont les Etats européens et la Russie qui ont été les plus touchés. Les Etats-Unis, par l’importance de leur marché intérieur mais aussi avec l’ALENA à laquelle participent le Canada et le Mexique, ont mieux résisté. De même, en Asie, un espace de coopération économique prend forme, avec l’ASEAN ainsi qu’autour de la Chine, du Japon et de la Corée du Sud.

Dessinons l’Alliance Economique Euro-Russe

La Russie a, par son positionnement géographique, le choix de ses alliances. Elle peut se tourner vers l’Asie en privilégiant ses liens avec la Chine, la Corée voire le Japon, essayer de créer un quatuor avec les Etats-Unis, la Chine et l’Inde ou renouer avec son statut de grande puissance en partenariat avec l’Europe. Stratégiquement, culturellement, économiquement, tout porte la Russie a opté pour cette dernière solution à condition que la France et les Européens soient disposés à jouer cette carte. C’est pourquoi à la veille de la présidence française du G 20, il serait important que nous puissions initier avec la Russie une véritable alliance économique Euro-Russe permettant tout à la fois de faciliter les échanges commerciaux et technologiques ainsi que les transferts de capitaux.

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