Le commerce extérieur, une ardente obligation
En France, la tentation protectionniste est prégnante. Le commerce extérieur est perçue comme une contrainte et non comme un atout pour la croissance. La théorie des avantages comparatifs de Ricardo, en vertu de laquelle chaque pays trouve avantage de se spécialiser dans les domaines où il est le moins mauvais, est étrangère à l’esprit français. L’Etat a toujours été un régulateur et un acteur des échanges internationaux que ce soit par la création de compagnies nationales sous Colbert, l’adoption de tarifs douaniers dissuasifs ou par son interventionnisme avec la négociation de grands contrats. La vision française du commerce extérieur demeure mercantiliste. Les échanges avec l’étranger ne sont pas appréciés comme un moyen d’accroître la croissance et de réaliser des gains de productivité, mais comme un moyen d’équilibrer des importations, d’augmenter le stock de devises. Dans le passé, il y avait deux moyens pour trouver les ressources qui manquaient : les importations payées en or et la conquête ou le pillage de territoires extérieurs.
La population française est dans sa globalité assez averse aux échanges internationaux. Les fondements sont multiples : la crainte des destructions d’emplois, celle de la perte de souveraineté et, depuis peu, la défense de l’environnement. La mondialisation est accusée de tous les maux et notamment d’avoir entraîné le déclin de l’industrie française. Plusieurs études ont eu beau souligner que le lien n’était pas évident, la corrélation est admise de toutes et de tous. Les succès allemands en matière de commerce extérieur ne sont pas recevables. Le rejet du commerce mondial est avant tout un aveu de faiblesse, un manque de confiance collectif et une certaine forme de nationalisme. Le déficit commercial de plus de 80 milliards d’euros en 2021, la diminution de ses parts de marché et le déclin du poids de son industrie semblent prouver l’incapacité du pays à faire face à la concurrence internationale. L’érosion commerciale du pays repose sur de multiples facteurs : le mauvais positionnement de ses productions, trop gamme moyenne et pas assez haut de gamme, la sous-capitalisation de ses entreprises, la faiblesse de la formation, le poids des prélèvements sur les entreprises, etc. Se résigner, refuser la concurrence amène inéluctablement la décadence. Aucune fatalité en la matière n’existe comme le soulignent les succès récents de la Chine ou de la Corée du Sud. Par ailleurs, des secteurs comme le luxe prouvent que des entreprises françaises exploitent parfaitement la théorie des avantages comparatifs en jouant le haut de gamme, le savoir-faire et la tradition. L’aéronautique avec Airbus ou Dassault constitue la preuve qu’en visant l’excellence les résultats sont au rendez-vous. Compte tenu des coûts de production, des besoins sociaux du pays, le choix pour la France est assez simple ; elle ne peut que se spécialiser dans les productions de pointe. Tout choix inverse serait une régression en termes de croissance et de pouvoir d’achat pour les ménages. Les échanges extérieurs permettent une amélioration du niveau de vie de part et d’autre. Depuis une trentaine d’années, des centaines de millions d’habitants issus de pays dits émergents ont intégré la classe moyenne. Contrairement à quelques idées reçues, les classes moyennes des pays occidentaux ont continué à améliorer leur situation malgré la mondialisation, grâce notamment à la baisse des prix générée par les échanges.
Avec la crise sanitaire, le souverainisme économique est redevenu un thème porteur. Les Etats sont appelés à rapatrier les productions dites sensibles sur leur territoire. Le problème est de déterminer la liste des produits dits sensibles. Tout peut être jugé essentiel à un moment ou un autre. Le prix à payer risque d’être élevé avec, à la clef, un affaiblissement de la croissance mondiale. Le sujet n’est pas le souverainisme pour le souverainisme mais la dépendance à un seul fournisseur, c’est le respect des règles fixées par la communauté internationale au niveau des échanges. Par ailleurs, il ne faudrait pas que la transition énergétique serve à un regain de protectionnisme. La fixation de normes visant à protéger l’environnement peut se comprendre mais exclure des échanges des pays en développement générera de la pauvreté et de l’instabilité.
Punir les pays pauvres qui ont une faible responsabilité dans les émissions des gaz à effet de serre passées serait une réelle injustice. Après la Seconde Guerre mondiale, grâce aux accords du GATT, les alliés ont réussi à éliminer de nombreux obstacles aux échanges internationaux. Il y avait la volonté tout à la fois de favoriser la croissance et d’éviter par les échanges la réédition de conflits dévastateurs. Cette libéralisation a été un des moteurs clefs des Trente Glorieuses. Malgré de nombreuses réticences, la France en avait accepté les règles. Le Général de Gaulle a même agréé le marché commun européen, sachant que la place de la France dans le concert des nations dépendait de sa puissance économique. En 2022, le choix du commerce international et de l’ouverture sur l’extérieur demeure une ardente obligation pour garantir à la population française des emplois de qualité et bien rémunérés.
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