La guerre TikTok aura-t-elle lieu ?
Le 13 mars dernier, la Chambre des représentants américaine a adopté un projet de loi interdisant aux magasins d’applications (App store, Google Store, Windows Apps -Microsoft Store), et aux fournisseurs d’accès Internet de distribuer des « applications contrôlées par des adversaires étrangers ». L’objectif est d’interdire l’accès à TikTok, une application de courtes vidéos téléchargée par plus de 170 millions d’Américains. Ces derniers l’utilisent, en moyenne, près d’une heure par jour. TikTok, société localisée à Los Angeles et à Singapour est une filiale de ByteDance, un entreprise chinoise.
TikTok dans le collimateur des autorités américaines
Depuis plusieurs années, les autorités américaines craignent que le gouvernement chinois utilise cette application pour espionner les citoyens américains ou pour manipuler l’opinion publique. TikTok a nié tout ingérence du gouvernement chinois dans ses activités et a fait appel à Oracle, pour verrouiller les données des utilisateurs américains sur des serveurs locaux et inspecter son code source. Par ailleurs, les responsables de TikTok soulignent que des fonds américains comme Carlyle et General Atlantic, comptent parmi les principaux actionnaires de ByteDance. Si le projet de loi aux États-Unis est définitivement adopté, ByteDance serait contraint soit de vendre les activités américaines de TikTok dans un délai de six mois, soit de les fermer. L’entreprise chinoise a été prise au dépourvu, face à la rapidité avec laquelle le législateur américain a réagi, mettant en avant la désinformation pratiquée par la plateforme et les contenus antisémites après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier en son sein. Les pressions de TikTok pour bloquer l’adoption du projet de loi ont été contreproductives. Elles ont incité, au contraire, de nombreux membres de la Chambre des Représentants à voter en faveur du texte. Celui-ci a été ainsi adopté par 352 voix contre 65. Le passage du texte au Sénat risque d’être houleux. Si Joe Biden est favorable au texte, Donald Trump ne l’est pas ou, plutôt, ne l’est plus. En 2020 quand il était encore Président des États-Unis, il avait essayé de forcer ByteDance à vendre TikTok. Il a depuis changé d’avis considérant qu’une telle vente favoriserait Meta qui possède Facebook et Instagram, deux applications qui ont supprimé ses comptes après l’invasion du Congrès par ses militants en janvier 2021. Donald Trump serait, par ailleurs, proche de certains fonds ayant des participation dans ByteDance. Les Républicains du Sénat pourraient ainsi se rallier à la position de leur candidat à la Présidence des États-Unis. Même si la loi est définitivement adoptée et signée par le Président Joe Biden, elle sera contestée devant les tribunaux pour atteinte à la liberté d’expression et à la liberté d’entreprendre. En cas d’échec de ces recours, TikTok serait sans nul doute amené à disparaître aux États-Unis, le gouvernement chinois ayant indiqué qu’il était opposé à une vente. Ce dernier entend ne pas se soumettre au diktat américain et ne s’interdit pas de prendre des mesures de rétorsion. Il a déclaré que le projet de loi était une atteinte à la libre concurrence et le signe d’une volonté hégémonique des États-Unis. Il estime enfin que TikTok a les moyens de survivre sans le marché américain. Néanmoins, un TikTok américain concurrencerait au sein des pays occidentaux l’entreprise chinoise. Enfin, une des autres raisons pour lesquelles le gouvernement chinois est opposé à une vente de TikTok est liée à la gestion des données que cette application génère. La cession de l’algorithme constituant le cœur de TikTok poserait un problème. La disparition de TikTok aux États-Unis obligerait les annonceurs à déplacer leurs budgets publicitaires. Les grands gagnants seraient Facebook, Instagram et YouTube. 82 % des utilisateurs de TikTok ont un compte sur Facebook et sur Instagram. 78 % regardent YouTube ; en revanche, ils ne sont que 53 % à utiliser X et 35 % Snapchat.
Un rachat à quel prix ?
En cas de changement de position du gouvernement chinois, le rachat de TikTok aux États-Unis sera complexe. Meta et Google n’auraient pas la capacité juridique de le faire en raison du risque de position dominante. En revanche, Microsoft, Apple, Netflix ou Amazon sont potentiellement intéressés. L’entreprise de supermarchés « Walmart » avec un objectif de diversification serait également sur les rangs. Le prix de la transaction est un écueil de poids. La valeur de TikTok dépasse sans nul doute la cinquantaine de milliards de dollars, ce qui limite la liste des acheteurs potentiels.
Le statu quo, une voie possible !
Compte tenu des enjeux financiers et politiques, les États-Unis et la Chine ont peut-être intérêt à opter pour le statu quo. Depuis qu’il est accusé de manipuler l’information, TikTok a adopté des mesures visant à accroître sa transparence et pour éviter la diffusion de contenus illicites. L’entrée au capital de nouveaux acteurs américains serait une solution à la fois pour éviter la fermeture qui serait préjudiciable tant aux consommateurs qu’à l’image des États-Unis et pour éviter la cession, source de perturbations au sein du secteur de l’information et de la communication.
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