La dette publique plébiscitée, notre plus dangereuse amie
Pour contrecarrer la crise, les Etats ont opté pour un accroissement des dépenses publiques directes ou indirectes (prises de participation dans le capital d’entreprises en difficulté ou prêts) qui aboutit à une envolée de la dette. Certes, le taux d’endettement des Etats est loin de celui du Royaume-Uni durant le blocus napoléonien, 300 % du PIB, mais plus de vingt Etats ont des dettes publiques supérieures à 60 % du PIB. Cette situation est sans précédent en période de paix. Les Etats ont, en règle générale, aucune difficulté pour placer leurs titres compte tenu qu’en période de crise ils disposent d’une signature bien meilleure que celle des entreprises et qu’en outre l’épargne est abondante. Les ménages comme les entreprises augmentent leur épargne pour faire face à d’éventuels problèmes. Ainsi, le taux d’épargne des ménages américains est passé de 0 % en 2007 à plus de 4 % du revenu disponible brut au premier trimestre 2009. Le taux d’épargne de l’Union européenne dépasse 15 % du revenu disponible brut. Les épargnants échaudés par la crise boursière privilégient les placements d’Etat tout comme les fonds de pension et les fonds souverains.
Un cercle vicieux peut, de ce fait, établir l’argent public servant à financer la dette publique et non à relancer l’économie.
Gary Becker, le prix Nobel d’Economie de 1992, a souligné dans un article publié dans son blog qu’il était parfaitement logique que les banques ne prêtent plus du fait que leurs responsables n’ont aucune vision de la sortie de crise.
Le secteur privé peut souffrir d’un évident effet d’éviction. Les sources de financement de l’économie réelle s’assèchent au fur et à mesure de l’augmentation de la dette publique. Aujourd’hui, un des problèmes majeurs de l’économie est que les Etats peuvent s’endetter très facilement. Tout concourt à la dette publique : faible taux d’intérêt, méfiance vis-à-vis des acteurs privés. Cette situation n’incite pas à la rationalisation des dépenses publiques, ni à la mise en œuvre de réformes structurelles. En outre, la règlementation vient au secours des Etats en durcissant les conditions d’acquisition des actions pour les institutionnels. En effet, le cadre prudentielle, Solvency II (la directive a été adoptée par le Parlement européen le 22 avril dernier) impose aux assureurs d’accroître leur couverture s’ils acquièrent au titre de leurs gestion d’actifs, des actions.
Or si la crise a pris forme avec l’explosion de la bulle financière, c’est oublié que les faibles gains de productivité, ces dernières années, ont miné l’offre. Si les investisseurs ont joué avec les prêts immobiliers, les matières premières… il y au moins trois raisons : les faibles taux d’intérêt de 2001 à 2006, un marché des changes faussé, la stagnation des gains de productivité en occident. Les délocalisations ont également masqué la crise de l’offre qui est lié, par ailleurs, par une moindre valorisation des dépenses de recherche développement. L’économie mondiale vit la fin d’un cycle de croissance fondé sur la vulgarisation des techniques informatiques et de celles de la communication. L’innovation financière avait remplacé l’innovation technique comme source d’expansion.
Il y aura une sortie de crise mais la question n’est pas de savoir non quand mais comment ; elle est de savoir si ce sera une accalmie ou l’entrée dans une nouvelle phase de croissance.
Les Etats sont jusqu’à maintenant restés timorés sur les projets porteurs d’avenir. Les annonces ont concerné les infrastructures, mais pas de projets mobilisant les scientifiques à la différence de ce qui avait prévalu sous la présidence Reagan. Il ne faut pas oublier que les Etats-Unis en 1980 sortaient de plus de quinze ans de recul par rapport à leurs partenaires. Le PIB par habitant des Français était quasi-identique à celui des Américains. Aujourd’hui, il y a un écart de 30 points en notre défaveur. Or, le succès de Reagan a reposé sur de fortes baisses d’impôt et sur l’accroissement des dépenses de recherche.
Il conviendrait de retenir le pragmatisme reaganien pour éviter de rentrer dans la spirale sans fin de l’endettement public.
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