Eurofiction ou pourquoi je suis contre le fanatisme de l’apocalypse
Que signifierait la fin de l’euro ?
L’éclatement de la zone euro pourrait prendre plusieurs formes. La sortie d’un ou plusieurs pays ou le retour à la situation de 1999.
Il pourrait se recréer de petites zones. Les Pays-Bas, le Luxembourg, la Suède, l’Autriche pourraient rester associés. La France pourrait également chercher des alliés.
L’autre solution serait le délestage dangereux d’un ou plusieurs pays avec un risque de jeu de domino. Le départ de la Grèce risquerait d’être suivi par le Portugal, l’Espagne, l’Italie et ainsi de suite.
Pas obligatoirement de conversion !
La fin de l’euro se manifesterait par la circulation de plusieurs monnaies au sein de l’ancienne zone euro et du retour des taux de change. Il n’y aurait pas obligatoirement une opération de conversion telle que nous l’avons connue en 1999. Il est peu probable que nous revenions à la parité du franc de 1999 en divisant par 6,55957. Ce taux de conversion correspondait à la situation de 1999 et en aucun à celle de 2011. A l’époque, il fallait fusionner et opter pour un étalon commun aux pays membres de la zone euro.
De nouveaux billets et de nouvelles pièces ?
Même si l’on conservait l’unité de compte actuellement en vigueur, il serait néanmoins nécessaire de réimprimer des billets et des pièces couvrant la France ou les pays qui choisiraient de s’arrimer à nous. Le nom de la monnaie pourrait être l’euro sauf si l’Allemagne demandait à le conserver pour sa propre zone ; il pourrait s’agir de « l’eurofranc » ou du « nouveau, nouveau franc ».
Quel taux de change ?
Le taux de change serait celui du marché. Il s’établirait en fonction des parités de pouvoir d’achat. Il y aurait la prise en compte des variations des coûts de production au sein de l’ancienne zone euro, des déficits commerciaux et aussi de la situation économique et financière du ou des pays concernés.
En l’état actuel, la France subirait une dépréciation de 20 à 30 % hors effet spéculatif par rapport à l’Allemagne. Mais, la situation serait très instable du fait de l’impact économique et financier lié à l’éclatement de l’euro. L’incapacité de rembourser les dettes, les menaces sur le système financier pourraient faire plonger la monnaie avec une dépréciation sans rappel de plus de 50 % voire plus.
Les conséquences macro-économiques
L’éclatement de l’euro ne pourrait se faire que dans le cadre d’un vaste plan négocié afin d’éviter une banqueroute généralisée privée comme publique.
Eviter la banqueroute par tous les moyens
La sortie de l’euro poserait la question de la gestion des dettes publiques. Les dettes publiques sont fortement internationalisées. La dette française est possédée à 70 % par des non-résidents. En cas d’éclatement de la zone euro, la dette sera-t-elle exprimée dans la nouvelle monnaie ou dans celle de l’Etat à monnaie forte ? Dans ce dernier cas, la dette sera majorée par le taux de déprécation monétaire avec un risque non négligeable d’insolvabilité. Dans le premier cas, les créanciers perdraient une partie de leurs avoirs avec comme conséquence un refus de prêter à nouveau ce qui entraînerait également un problème de liquidités.
La capacité d’emprunt des Etats sortants serait très diminuée voire nulle sans intervention de la communauté internationale. L’augmentation des taux d’intérêt rendrait très coûteux l’endettement.
La sortie de l’euro serait accompagnée par la mise en place de plans de rigueur et de plans d’appui du FMI pour éviter une trop forte dépréciation et un cercle vicieux dépréciation/récession. Elle obligerait à prendre des mesures très fortes pour tenter d’entraver la spéculation à la baisse. Le retour d’un contrôle des changes serait inévitable.
Eviter l’inflation
Quand les monnaies nationales existaient dans le cadre du Système monétaire européen, chaque dévaluation donnait lieu à la mise en place de plans de rigueur pour limiter les effets inflationnistes et améliorer la compétitivité de l’économie. Ce fut le cas en 1983 avec l’application de la politique de désinflation compétitive par Pierre Bérégovoy.
La dépréciation entraînerait l’augmentation des prix des produits importés or la France est fortement dépendante de l’extérieur pour l’énergie et pour de nombreux biens industriels. Cette augmentation des produits importés diminuerait le pouvoir d’achat des Français et grèverait les coûts des entreprises.
L’Etat serait contraint de prendre des mesures pour entraver la dérive inflationniste, mesures qui pourraient prendre la forme d’un gel des prix et des salaires.
Quel impact pour le commerce extérieur ?
La France est déficitaire depuis 7 ans. Retrouverait-elle un excédent avec le changement de monnaie ?
Le premier effet de la dépréciation serait une détérioration des termes de l’échange. Les biens français vendus à l’étranger perdraient en valeur quand les prix des produits importés augmenteraient. Il en résulterait une aggravation du déficit commercial. Si grâce à la diminution des prix et à la capacité de l’appareil de production de répondre à la demande (si elle existe), les exportations pourraient progresser plus rapidement (courbe en J liée à la dévaluation). Il n’en demeure pas moins qu’il faut prendre en compte les surcoûts liés à l’inflation importée et le fait que le facteur prix n’est pas le seul élément pris en compte dans es échanges internationaux. L’Allemagne réussit à dégager des excédents de 150 milliards d’euros en jouant bénéficiant des gains liés à l’appréciation monétaire.
Quelles conséquences pour les particuliers ?
Au moment de la chute de la zone euro, les particuliers ne ressentiraient que l’angoisse du précipice, du vide. Ce n’est que dans un second temps que le réveil pourrait être plus difficile.
Pour les salaires, un encadrement serait institué avec à la clef une perte de pouvoir d’achat. Les vacances à l’étranger coûteraient plus chères avec, en outre, un possible retour du contrôle des changes.
Afin de rassurer les créanciers et éviter une dépréciation sans fin de la monnaie, des plans d’assainissement avec augmentation des impôts devront être adoptés.
L’augmentation des taux d’intérêt freinerait la capacité d’emprunt des ménages.
La dépréciation des monnaies en renchérissant les produits importés (non substituables pour un grand nombre) pèserait sur les dépenses de consommation.
Pour l’épargne, la situation serait fonction des mesures prises par les pouvoirs publics et de la capacité des Etats à rembourser leurs créances. L’intervention du FMI avec des plans de rigueur à la clef est fort probable avec un objectif, éviter l’implosion de la sphère financière.
Le patrimoine immobilier pourrait être impacté du fait des difficultés à accéder au crédit. Il y aurait un premier effet « valeur refuge » avec des sorties au sein des placements financiers puis un second effet « baisse des prix » du fait des conditions de crédit. Néanmoins, les étrangers auraient une capacité d’achat accrue du fait de la dépréciation monétaire.
Quel impact pour les entreprises ?
Moins d’investissement, risques de contrôle des prix et des salaires, augmentation des charges, la sortie de l’euro auraient plus d’inconvénients que d’avantages.
Les entreprises intervenant sur le marché international subiraient une dégradation des termes de l’échange avec l’espoir de pouvoir vendre plus.
L’accès au crédit serait encore plus difficile.
Les actifs détenus à l’étranger seraient en revanche revalorisés en fonction de la dépréciation.
Pour les entreprises étrangères, les actifs français seraient dépréciés.
Quelles conséquences pour les investisseurs ?
La sortie de l’euro aurait un impact psychologique important. Les investisseurs se détourneraient de la France. Un attentisme généralisé est à craindre. Par ailleurs, la dépréciation monétaire provoquerait une perte de valeurs pour tous les acteurs et en premier lieu pour les institutions financières.
Le financement de l’économie serait complètement administré. Des mesures au niveau mondial devraient être instituées afin d’éviter une implosion de la sphère financière qui devrait encaisser d’importantes moins-values.
La sortie de l’euro devrait pour plusieurs années se traduire par moins de croissance. L’impact dépendrait des plans mis en œuvre par le FMI, l’Union européenne.
La croissance serait freinée par le recul de l’investissement (incertitudes, augmentation des taux d’intérêt) et par la consommation (augmentation des prix des produits importés et gel du pouvoir d’achat).
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Les scénarii de sortie de l’euro sont délicats à réaliser car ils dépendent des modalités de sortie. Un éclatement incontrôlé mènerait inévitablement à la catastrophe économique et financière. Une sortie organisée signifierait sans nul doute la mise sous tutelle des Etats concernés par le FMI avec des mesures d’accompagnement pour éviter l’implosion financière. En cas d’éclatement incontrôlé, les tentations protectionnistes et les pratiques non coopératives pourraient provoquer une série de chocs. En revanche, en cas de politiques concertées et de réintroduction d’un système monétaire européen, l’impact sans être nul pourrait être lissé dans le temps.
Il faut prendre en compte les effets cumulatifs de la sortie de l’euro avec interdépendance des facteurs. Les curseurs qui joueraient contre la croissance en France comme dans les autres pays seraient nombreux. L’Allemagne serait la première victime en raison de sa dépendance au commerce extérieur. La destruction de la zone euro la priverait de son premier marché, l’Europe. Il en est de même pour la Chine. La France premier fournisseur et client de l’Allemagne serait impactée par les difficultés de son voisin et inversement. Le risque de l’enclenchement d’une spirale non maîtrisée n’est pas nul. De toute façon, la sortie de l’euro entrainerait un appauvrissement de la France. Pour ces différentes raisons, il est important de sauver la monnaie commune.
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