Du lièvre et de la tortue la fable appliquée au Brexit !
Le Brexit a eu au moins comme avantages de nous faire prendre conscience que l’Europe ne se résume pas aux 30 000 fonctionnaires de Bruxelles et de redonner du lustre à l’idée européenne. En une semaine, nous nous sommes aperçus que depuis 1957, l’Europe avait envahi notre vie quotidienne et de manière plutôt positive.
Ce référendum a révélé que l’institution européenne ne savait pas communiquer. A force de vouloir être une institution en creux, elle est devenue un bouc émissaire facile. Les gouvernements ont eu tendance d’imputer à Bruxelles la responsabilité de leurs politiques impopulaires.
L’Europe s’est toujours construite dans l’ombre des Etats. C’est un pari fou de quelques hauts fonctionnaires que des dirigeants politiques éclairés ont laissé faire afin de contourner le conservatisme de la classe politique et plus globalement des élites. L’échec de la Communauté Européenne de la Défense en 1954, la politique de la chaise vide du Général de Gaulle, les foucades britanniques ont conforté qu’il fallait avancer masqué. Au fur et à mesure des progrès de la construction européenne, cette savante discrétion s’est retournée contre les partisans européens accusés de déployer leur projet fédéraliste contre l’intérêt des peuples.
Quand le Britannique joue à la tortue !
Gagner du temps afin de dépassionner les débats, telle est la devise de David Cameron. Il a obtenu de ses ex-collègues européens de n’évoquer l’article 50 du Traité de l’Union européenne qu’au mois de septembre. D’ici là, il faudra constituer un nouveau gouvernement et empêcher l’éclatement du Royaume. Compte tenu du rapport de force au sein des Communes, très majoritairement « pro-remain » et du peu d’empressement des partisans du Brexit pour occuper le poste de Premier Ministre, une dissolution de la chambre basse n’est pas à exclure ce qui ralentirait d’autant le processus de sortie. Les élections législatives pourraient se faire sur le thème des modalités de départ de l’Union européenne mais voire sur les conditions permettant d’y rester. Les « pro-remain », outre-manche, espèrent que l’Europe fera un geste sur la question des migrants facilitant un enterrement de première classe du référendum.
Les Britanniques se doivent de gagner du temps car en cas d’application de ‘article 50, la liste des questions à régler est très longue.
Le Royaume-Uni sera contraint de renégocier avec l’ensemble des Etats les traités commerciaux et financiers. Aujourd’hui, il bénéficiait du cadre européen. Par ailleurs, il devra également adopter des normes pour les échanges, un cadre social pour les migrants ressortissants de l’Union…. C’est en tout 8000 textes à établir en toute hâte.
Les Britanniques risquent de prendre conscience qu’au niveau international, 67 millions d’habitants pèsent moins que 507 millions. De ce fait, leur pouvoir de négociation sera moindre. Il est fort probable que le Royaume-Uni obtienne des conditions moins avantageuses que l’Union en ce qui concerne les traités commerciaux. Aujourd’hui, les Britanniques arrivaient à imposer leurs normes via l’Union. Il est peu probable qu’ils y réussissent aussi bien seuls.
Jouer la montre pour obtenir des concessions de la part de leurs partenaires
Les Britanniques pensent qu’avec la dissipation de l’onde de choc provoqué par le référendum, des négociations pourront s’établir de manière plus sereine avec leurs anciens partenaires. Ils tendront à obtenir un accord commercial aussi proche que possible du Marché Unique. Si pour le moment, la fermeté est de mise chez les Européens, les Britanniques espèrent que les intérêts commerciaux des Etats membres, et en premier lieu de l’Allemagne, faciliteront la négociation d’un traité. En effet, un marché de 67 millions d’habitants plus jeunes que la moyenne européenne et à fort pouvoir d’achat ne peut pas être négligé. Ils peuvent compter sur quelques grands groupes comme Airbus qui n’ont pas intérêt à ce que les échanges avec le Royaume-Uni soient soumis aux simples règles de l’OMC. Certes, la participation du Royaume-Uni à un espace de libre échange pourrait donner lieu au versement d’une participation au budget européen en compensation de la suppression des droits des douanes. Les Britanniques dont la contribution nette au budget européen était de 6 milliards d’euros pourraient être amenés à payer une soulte annuelle de 1 à 3 milliards d’euros pour intégrer le club. Pour le Royaume-Uni, la conclusion d’un bon accord est cruciale pour éviter son implosion.
Comment se prémunir des effets dominos ?
Les Européens ne veulent pas ouvrir la boite de Pandore. Ils veulent éviter les surenchères de tout ordre et l’éclatement d’Etats.
Quels sont les pays qui pourraient être tentés de jouer leur partition en solo ? Les pays d’Europe du Nord pourraient être tentés de changer d’espace. La Suède, la Finlande voire le Danemark qui plus proche de l’Allemagne pourraient rejoindre la constitution d’un nouveau club. Plusieurs pays d’Europe de l’Est pourraient être tentés par l’aventure.
La Suède est en première ligne car c’est le pays le plus proche économiquement du Royaume-Uni. Un millier de filiales suédoises et 100.000 Suédois y sont installés. 66 000 emplois en Suède dépendent, plus ou moins directement, des exportations vers le Royaume-Uni.
La dévaluation de livre sterling pénalise les exportations des pays d’Europe du Nord. En outre, il y a un risque d’assèchement des investissements britanniques dans ces pays. La Ministre des Finances de Suède, Magdalena Andersson, a affirmé que son pays se positionnera en faveur d’une négociation aussi rapide que possible avec le pays sortant afin de créer un cadre favorable aux échanges. L’Allemagne n’est pas loin de penser de même.
L’effet de contagion porte sur les idées. Les responsables des pays d’Europe du Nord étaient assez en phase avec ceux du Royaume-Uni. Ils se retrouvaient sur les thèmes du libre-échange et sur l’anti-Bruxelles. Le départ des derniers affaiblit politiquement le poids de ces pays.
L’effet domino pourrait concerner des pays d’Europe de l’Est comme la Hongrie ou la Slovaquie voire la Pologne. Néanmoins, compte tenu des aides européennes reçues, un départ serait suicidaire et poserait le problème des relations avec le grand voisin russe. Les pays d’Europe de l’Est et d’Europe Centrale dépendent économiquement de l’Allemagne. Leur départ de l’Union serait donc fortement préjudiciable.
L’effet domino joue évidemment au sein de la classe politique des différents Etats membres. Les partis anti-européens représentent de 15 à 30 % des voix au sein de nombreux pays. Comme en Autriche, en Slovaquie, aux Pays-Bas ou en France, ils réclament l’organisation de référendum afin de valider l’appartenance de leur pays respectif à l’Union.
Partagez