Conférence sur les retraites en Russie
Avec les gouvernements confrontés à des déficits de plus en plus élevés et le vieillissement rapide des populations, une remise en cause des systèmes de retraite est attendue depuis longtemps. Mais il y a une forte résistance politique à l’évolution des systèmes.
1) Face au vieillissement de la population, comment les sociétés doivent-elles s’adapter ? Pourquoi la hausse l’âge de la retraite est-elle si difficile à modifier ?
Que signifie vieillissement ? La part des plus de 60 ans augmente du fait de l’allongement de la durée de vie. Nous sommes passés d’une espérance de vie de moins de 30 ans au 18ème siècle à plus de 70 ans au 20ème.
Nous atteindrons d’ici 2070, près de 90 ans. Du quart à plus du tiers de la population sera âgé de plus de 60 ans contre moins de 20 % au 20ième siècle.
Ce vieillissement intervient au moment où l’humanité devrait connaître son pic de population : 8,5 milliards d’habitants en 2050.
Cette situation est le symbole d’importants progrès économiques, sociaux et sanitaires.
Le vieillissement de la population est un phénomène mondial. Il concerne en premier lieu les pays européens mais aussi les pays émergents comme la Chine. Les plus de 65 ans étaient 506 millions en 2008, Ils seront 1,3 milliard en 2040.
Certains pays ont commencé à diminuer : l’Allemagne, plusieurs pays d’Europe central, la Russie…
La stabilisation de la population, un phénomène sans précédent :
Nous sommes entrés dans une nouvelle ère : celle de la stabilisation voire du déclin de la population avec une rapide dégradation du rapport inactifs/actifs. Hors épidémie et guerres, il n’y a pas de précédent dans l’histoire de l’humanité. La stabilisation de la population interviendra à l’échelle mondiale entre 2040 et 2050. Elle sera précédée d’une baisse de la population active.
• Il y a 50 000 ans, la population humaine se comptait en centaine de milliers. • En – 40 000 avant Jésus Christ : un million d’êtres humains.
• 400 ans avant Jésus Christ, environ 150 millions d’humains. • En 1400, la population a plus que doublé pour atteindre 374 millions. • En 1700, la planète porte 682 millions d’êtres humains, • En 1800, 968 millions.
Il aura fallu 40 000 ans pour atteindre le premier milliard d’habitants. Il faudra 200 ans pour multiplier la population par six et 250 ans pour la multiplier par 9.
De 1950 à aujourd’hui, la progression de la population humaine a été de 150 % ; elle ne devrait augmenter que de 50 % d’ici 2050. Au 1er octobre 2009, la population humaine était évaluée à 6,8 milliards d’habitants.
La Russie a du gérer le problème de la diminution de sa population dès 1992. La population russe a connu près de 20 ans de baisse du fait d’un faible taux de fécondité et du fait de gains réduits en matière d’espérance de vie ainsi que des conséquences de la seconde guerre mondiale.
Il faut souligner qu’en 2009 grâce à la refonte de la politique familiale, la Russie a réussi à enrayer son déclin démographique ce qui prouve qu’il n’y a pas en la matière de fatalité.
Il faut aussi souligner que tout comme l’Allemagne la Russie a réussi à concilier ce déclin démographique avec une forte croissance dans les années 2000.
Mais logiquement le déclin de la population a un effet récessif sur le plan économique. Elle impose une gestion intelligente des ressources.
Le vieillissement de la population, c’est plus de dépenses sociales et moins de forces de travail.
Moins de ressources et plus de charges d’où le risque de blocage du système.
Le modèle de ces 50 dernières années est remis en cause.
Jusqu’à maintenant, les fruits de la croissance ont permis une réduction du temps de travail.
Au début de la vie avec l’allongement des études (avant on travaillait à 14 ans ou à 16 ans ; aujourd’hui, en moyenne après 22 ans). Il s’agit d’un investissement de la société qui permet d’améliorer la productivité à venir des futurs travailleurs.
En diminuant le nombre d’heures : ex les 35 heures….On est passé de plus de 2500 heures à 1400 heures de travail en un siècle
En partant plus tôt à la retraite 60 ans en France en 1982 (65 ans avant)
Avec les gains d’espérance de vie, ce scénario n’est plus tenable. Il faut revoir la clef de répartition.
Partir à la retraite est synonyme de libération par rapport au monde du travail, du lien de subordination.
Il n’y a pas la perception du fait qu’avoir 60 ans en 2010 ne correspond pas à avoir eu 60 ans en 1950. L’espérance de vie était alors de quelques années quand elle est de 20 ans aujourd’hui.
Il nous faut nous adapter mais ne pas être paralysé. Il faut chercher de nouvelles sources de productivité, des investissements et non pas se limiter à un comportement de rentiers stériles.
Il est important que les fonds souverains facilitent la transformation de ressources de court terme en ressources de long terme.
• Il y a un effet retard dans la perception du problème (le problème du vieillissement est connu depuis des décennies mais myopie et diktat du court terme
• Il y a un effet horizon, tous les acteurs se calent sur l’âge légal de départ à la retraite. Plus il est bas, plus les salariés souhaitent partir tôt, plus les employeurs souhaitent se débarrasser tôt de leurs employés.
• Il y a un effet panique aujourd’hui du fait de l’accumulation des crises et de la nécessité de les gérer conjointement
2) La crise des régimes de retraite peut-elle contribuer à la faillite des pays ? Quelles sont les économies les plus concernées ?
Nous sommes entrés dans une période d’incertitudes économiques et financières.
Nous vivons tout à la fois :
• une révolution démographique, • une révolution énergétique et des matières premières
• une révolution économique avec une recomposition rapide de l’économie mondiale.
Les pays de l’OCDE ont acheté la croissance des dernières décennies à crédit ; or il n’y a pas de crédit illimité. Il faut soit trouver de nouveaux gisements de croissance, soit ajuster le système social aux ressources.
Aujourd’hui, il y a concomitamment :
• Excès d’épargne à l’échelle mondiale (réserves de la Chine, des fonds souverains..)
• Excès de dettes publiques
• Excès de liquidités • Insuffisance d’investissements à long terme
Le modèle économique mis en place après 1945 est en bout de course.
Sans croissance, sans gain de productivité, les systèmes d’Etat providence développés par les Etats européens depuis 1945 ne sont pas viables.
La question de la retraite se surajoute à celui des dépenses en faveur de l’emploi, de santé, de dépendance…
En Europe, c’est l’argent public qui maintient le vélo debout. Aux Etats-Unis c’était la dette privée qui depuis 2008 a été relayé par l’argent public.
Comme toujours, les intérêts des débiteurs et des créanciers sont liés. La banqueroute d’un des grands Etats provoquerait un tsunami.
La retraite est un des problèmes mais seulement un des problèmes. Les dettes publiques de l’OCDE frôlent les 100 % du PIB en moyenne ; la retraite en représente aujourd’hui moins de 5 % ; demain 10 %.
Mais l’effet le plus dangereux est l’impact économique. L’ONU a indiqué que le vieillissement de la population freinerait le développement de l’Union européenne de près de 6 points de PIB d’ici 2050.
• Les pays les plus concernés sont les pays de la vieille Europe : population vieillissante, déficits déjà importants et pas de fonds de souverains pour financer les investissements et les dépenses sociales.
• Les Etats-Unis bénéficient d’un fort taux de natalité et d’un potentiel de croissance élevé.
• La Russie a le potentiel de croissance et les réserves de matières premières et d’énergie.
La France est dans une situation intermédiaire du fait de la bonne tenue de sa natalité (vieillissement plus lent que celui de ses partenaires) mais son potentiel de croissance est faible. En revanche, la France demeure un des principaux pays d’accueil des investissements internationaux (le 2ème).
Mais, il n’y a pas de seuil absolu de mise en danger des Etats par rapport à leurs dettes et à leurs engagements sociaux.
Il faut, en effet, prendre en compte :
• Le niveau des dettes (publiques, privées)
• Le niveau des prélèvements
• L’efficacité de l’administration à lever des impôts
• Le niveau du taux d’épargne
• Le niveau de la croissance
Le Japon supporte aisément une dette publique de 200 % du PIB quand la Grèce est au bord de la faillite avec une dette de 135 % du PIB.
Le sujet de la retraite est explosif car il touche tous les étages du système économique et social :
• Redistribution entre générations
• Nombre d’actifs/inactifs
• Dépenses sociales (retraite, santé, dépendance)
• Les populations âgées sont plus sécuritaires et moins portées aux risques et aux investissement à risques
3) Les turbulences sur les marchés financiers réduisent la confiance de l’opinion à l’égard des régimes privés de retraite. Les systèmes privés sont-ils des alternatives viables aux régimes de retraite du gouvernement ?
Les systèmes par répartition sont tout aussi voire plus impactés par la crise que les systèmes par capitalisation. Les ressources de la répartition sont assises sur la masse salariale. La masse salariale française s’est contracté plus de 5 points en 2009 générant une perte de plusieurs milliards d’euros de recettes.
Il ne s’agit pas d’alternative mais de complément. Il y a une logique d’associer aux côtés de la répartition de la capitalisation.
Une façon de financer les dépenses de retraites, c’est de bénéficier des produits des investissements réalisés à l’intérieur et à l’extérieur des pays. L’économie mondiale croît de plus en plus grâce aux pays émergents. Il est indispensable que l’épargne contribue au développement de nos pays, des pays émergents et in fine aux retraités
Aujourd’hui, nous sommes dans une situation d’excès d’épargne et de sous-investissement à long terme.
Les Etats européens et surtout la France viennent de prendre conscience que l’excès de réglementation peut aboutir à fragiliser l’ensemble du système économique. Ainsi Solvency II et Bale III peuvent au nom de la sécurité a réduire le montant des investissements en actions et en private equity.
La réglementation vient en aide, dans un premier temps, aux Etats qui auront accès à des ressources à moindre coûts mais pénalise la croissance, les entreprises et in fine les épargnants et les futurs retraités.
Tout le monde crie au long concernant la déréglementation financière. Mais le processus a été lancé au milieu des années 80 pour faciliter le financement des déficits des Etats (USA, France…, les fameuses OAT). La déréglementation a été instituée en France par Pierre Bérégovoy et le PS.
4) Comment peut concilier la consommation, la croissance et le financement des systèmes de retraite ?
La logique de faire reposer la croissance sur la consommation a vécu. Ce modèle qui a été celui choisi par les Etats-Unis depuis 20 ans mais aussi par l’Union européenne s’est traduit par un développement de la dette privée et de la dette publique.
La croissance du 21ème siècle repassera par l’investissement.
Nous sommes obligés de franchir un gap technologique.
• Indispensable pour l’environnement
• Indispensable pour compenser la diminution inévitable du nombre d’actifs
• Indispensable pour faire face aux dépenses sociales (retraite, santé…)
Les fonds de pensions et les fonds souverains ont par construction une logique de long terme.
Aujourd’hui, nous avons trop de liquidités de court terme. Il faut recycler l’épargne sur le long terme et casser les enchainements spéculatifs.
Il est indispensable de trouver de nouveaux équilibres :
• Actifs/inactifs par le report de l’âge légal de départ à la retraite
• Consommation/investissement
• Revoir les modalités du retour sur investissement
Nous avons des enseignements à tirer de l’expérience russe qui a réussi à réformer son système de retraite entre 2002 et 2008 avec la mise en place de 3 piliers.
La Russie dispose d’atouts importants : les matières premières et une population active importante pouvant générer des gains de productivité et de la croissance.
Il y a une obligation d’améliorer entre des Etats ayant la même culture et ayant des intérêts communs, des synergies.
Il y a une communauté de destin qui lie la vieille Europe avec la Russie.
L’Europe a toujours été multipolaire et c’est sa source de richesses. L’Europe, c’est Londres, Paris, Rome, Berlin Vienne mais aussi Saint Petersburg et Moscou. L’Europe de Brest à l’Oural de Brest à Vladivostok.
La Russie est tout à la fois arrimée aux anciens pays industrialisés mais aussi un pays émergent. C’est une chance pour l’ensemble du continent qu’il ne faut pas gâcher.
Dans la recherche du nouveau paradigme économique, la Russie doit être un acteur clef en tant qu’investisseur de long terme en Europe et à travers la création de partenariats solides entre les sociétés russes et les sociétés européennes.
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