A nouvelles activités, nouvelle fiscalité !
Les impôts ne sont que le reflet du niveau de développement économique et des activités humaines. Ainsi, afin de remplir les caisses de l’État, les responsables publics ont taxé le sel, indispensable à la conservation des aliments avant que ne soit inventé le réfrigérateur. Par ailleurs, à défaut d’avoir des outils de contrôle suffisants, les pouvoirs publics, pour mesurer l’état de richesse des contribuables et donc mesurer leurs facultés contributives ont longtemps eu recours à des valeurs en relation avec les logements ou les terres détenus. C’est ainsi qu’est né l’impôt sur les portes et fenêtres. Un contribuable ayant de nombreuses portes et fenêtre était censé être riche. Dans les régions peuplées de contribuables portés à l’avarice, il était de bon ton de limiter le nombre des fenêtres et des portes.
Le développement du salariat s’accompagnant d’un salaire fixe, versé pour une durée déterminée de travail, a facilité la généralisation de l’impôt sur le revenu. La Sécurité sociale a également eu recours à cette assiette facile et en expansion que représente la masse salariale. La mise en place d’une administration fiscale dotée de moyens de contrôle a également contribué à la multiplication des impôts à fort rendement.
La montée en puissance de la consommation a incité les pouvoirs publics à abandonner les vieilles taxes en cascade sur le chiffre d’affaires au profit de la TVA. Les consommateurs sont ainsi devenus des contribuables de première importance. En allant faire leurs courses le samedi dans les super et hypermarchés, ils font preuve de solidarité publique.
Le système de prélèvements actuels a prouvé son efficacité en arrivant sans coup férir à récupérer plus de 43 % du PIB. Néanmoins, il montre des signes évidents de faiblesse.
Le collaboratif et la fiscalité ne font pas bon ménage
La mondialisation et le développement du digital sapent les assiettes des grands impôts et celles des prélèvements sociaux. La mondialisation des activités économiques facilite l’optimisation fiscale des grands groupes quand les plateformes collaboratives créent une zone grise au sein des Etats.
Uber, Airbnb, Abritel, Blabacar, ebay, leboncoin.fr multiplient les espaces de création de revenus pour les ménages. L’économie collaborative représentait, en 2014, 15 milliards de dollars et pourrait atteindre en 2025 plus de 355 milliards de dollars. En France, plus de 276 plateformes sont actives dont 80 % ont été créées depuis 2008. Ces plateformes opèrent sur 17 activités : la vente, la location, les échanges, le financement, les dons, le covoiturage, l’auto-partage, le partage de biens et de services, l’emploi, les achats groupés… Le chiffre d’affaires a été évalué à 2,5 milliards d’euros pour 2015. 13 000 emplois dépendraient de ce secteur. 5 % des Français tireraient 50 % de leurs revenus grâce à l’économie collaborative.
Des fuites dans les assiettes fiscales
Ces plateformes posent plusieurs problèmes majeurs. Par leur effet disruptif, elles remettent en cause l’équilibre de secteurs d’activités traditionnels comme l’hôtellerie, le secteur des transports (taxis, trains), la location de voiture… La perte de chiffre d’affaires de ces secteurs provoque une baisse des recettes fiscales et des licenciements synonymes de surcoûts sociaux.
Ces plateformes si elles génèrent des bénéfices importants sont rarement imposées dans le pays de réalisation du chiffre d’affaire. Par ailleurs, les particuliers ayant recours à ce type de plateforme omettent fréquemment de déclarer les revenus issus des prestations réalisées. Le manque de moyens de la part de l’administration fiscale pour débusquer les revenus non déclarés et la faible remontée d’information en provenance des plateformes ont permis le développement d’une zone de non-droit.
Nouveaux comportements, nouveaux impôts ou rapiéçage des anciens
Le principe de base en matière de fiscalité est que tout revenu doit être taxé. Une licence est admise pour les biens revendus d’occasion sous condition que cette activité ne soit pas professionnelle.
Le rapport du Conseil national du numérique a dans le cadre d’un rapport rendu public au mois de juin 2015 proposait que les prestations de service entre pairs provenant de plateformes collaboratives soient taxées au 1er euro. Cela concernerait par exemple les locations sur Airbnb
La vente d’usage, comme un trajet via Blablacar, serait fiscalisée si le prix de vente dépasse le coût d’usage. Ainsi, si pour le covoiturage, le prix de vente est supérieur aux coûts kilométriques, la différence serait imposable.
La vente de biens entre pairs serait imposable à partir du moment où le vendeur dégagerait un chiffre d’affaire supérieur à 2000 euros sur trois mois.
L’instauration d’un taux forfaitaire pour l’imposition des revenus issus des plateformes a été envisagée. Cette piste a été abandonnée au nom de l’égalité de traitement.
Le recours à des seuils est problématique car il risque de favoriser le développement de pratiques de dissimulation. Par ailleurs, l’imposition suppose une traçabilité complète des opérations ce qui est loin d’être le cas actuellement.
L’autre moyen serait d’obliger les plateformes opérant sur le territoire national d’y localiser leurs activités, d’y payer les impôts liés à leurs activités nationales et de déclarer les revenus de leurs adhérents. Elles pourraient être amenées à acquitter les impôts de leurs adhérents-clients ce qui sera d’autant plus logique que devrait s’e généraliser en 2018 la retenue à la source pour l’impôt sur le revenu.
Au cours de la discussion au Sénat du projet de loi numérique, des amendements sur la fiscalisation des revenus tirés des plateformes collaboratives ont été adoptés. Les sénateurs ont ainsi prévu d’autoriser les communes de plus de 200 000 habitants de rendre obligatoire l’enregistrement de locations ponctuelles réalisées par l’intermédiaire de sites Internet. Ils ont également adopté un amendement qui instaure une franchise de 5 000 euros sur les revenus réalisés par les particuliers du fait de leurs activités sur les plateformes collaboratives. Les revenus supérieurs à cette franchise seraient soumis au barème de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux. Par ailleurs, les sociétés en charge des plateformes devront transmettre à l’administration fiscale toutes les données concernant leurs clients. Ces dernières devront aussi vérifier, pour celles qui interviennent dans le domaine des locations, que les utilisateurs ne louent pas plus de 120 jours par an leur résidence principale. Le Gouvernement a émis un avis défavorable à certains de ces amendements jugés anti-plateformes. Une commission mixte paritaire doit prochainement se réunir afin d’établir un texte commun à l’Assemblée nationale et au Sénat avant qu’il ne soit adopté de manière définitive.
Le développement des plateformes pose un problème de protection sociale. En effet, les activités concernées sont peu ou pas soumis aux cotisations sociales et n’ouvrent pas droit en tant que telles à une protection sociale. Certes, certains acteurs des plateformes collaboratives se déclarent comme autoentrepreneurs mais les droits de ces derniers restent assez limités surtout en ce qui concerne la retraite.
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