A la recherche d’un nouveau paradigme

23/10/2011, classé dans

Comme le soulignait à juste titre Jean-Marc Vittori dans un article publié le 19 octobre 2011 dans le quotidien « Les Echos », les économistes ont du mal à appréhender globalement l’économie en ce début de 21ème siècle. Adam Smith, Léon Walras, Vilfredo Pareto, John Maynard Keynes et Milton Friedman cherchent leurs successeurs. La science économique n’a pas échappé au processus de spécialisation avec à la clef une dévalorisation des approches globales. La multiplication des données statistiques mais aussi l’intégration de facteurs psychologiques ainsi que le recours à la probabilité ont, avec la tentation de la mise en équations mathématiques des raisonnements économiques, ont sans nul doute concouru à la fragmentation de la science économique.

La perte de vision globale est également imputable à la financiarisation de l’économie et à son accélération par l’intégration des outils de communication et d’information numérique. La sphère financière a connu, en effet, une expansion à partir des années 80.

Les Etats ont été les premiers responsables de l’essor de la finance. Ils ont été les acteurs de la dérégulation afin de financer des déficits publics croissants. La mutation des marchés financiers français intervient, en France, à compter de 1985, quand la France enregistre ses premiers déficits publics de plus de 3 % du PIB.

Cette envolée de la sphère financière s’est également nourrie de la fin du système de Bretton Woods et de l’instauration des changes flottants à compter de 1976. Les besoins de couverture des risques de change se sont alors fortement accrus. Il faut également citer les deux chocs pétroliers, par les déséquilibres commerciaux qu’ils ont générés, ont conduit à d’importants flux en capitaux.

La révolution technologique a profondément modifié le métier de la finance. Jusqu’aux années 80, les bourses ouvraient quelques heures par jour, Paris fermait à 17 heures ; elles n’étaient pas interconnectées. Le nombre de supports était fortement réduit.

Multiplication des flux de capitaux, besoin croissant des Etats, innovations technologiques, tels sont les bases de la finance moderne qui est devenu un pan entier de l’économie. Face à cette croissance, les critiques pleuvent. Les marchés sont accusés de tous les maux et, en premier lieu, de la crise actuelle. Or, s’il y a crise, c’est avant tout du fait de la progression de la dette publique, progression qui a permis d’acheter de la croissance à crédit et de reporter à plus tard certaines décisions. Des candidats à l’élection présidentielle demandent la nationalisation des banques, de la mise hors-jeu des marchés. Certains sont même à considérer qu’il suffirait de demander à la Banque de France de financer la dette. Il est vrai que les assignats voire l’hyperinflation allemande des années sont de l’histoire ancienne. Certes, nul n’a envie de reconnaître que les marchés ont permis aux Etats de s’endetter à faibles coûts plus que raison. Si les marchés financiers n’avaient pas connu leur expansion, ce sont les ménages français qui auraient dû prendre sous forme d’impôts ou d’obligations à leur charge la progression ininterrompue les dépenses publiques. Les marchés financiers ne sont perçus, surtout en France, sous l’angle de la spéculation. Les Français comptent parmi les plus critiques vis-à-vis du marché et de la mondialisation. Les marchés ne sont pas appréhendés pour ce qu’ils sont, un lieu devenu de plus en plus virtuel où se rencontre une offre et une demande et pour lequel un prix d’équilibre est établi. Il n’en demeure pas moins que l’élargissement de l’économie de marché à de nouveaux acteurs ainsi que l’autonomisation du secteur financier ont ébranlé le processus de traduction de l’économie en équations, processus engagé avec l’émergence de la macro-économie reposant sur des données statistiques de plus en plus nombreuses.

Les probabilités avec la loi des grands nombres devaient permettre de poser des règles intangibles et de mettre en face des problèmes des moyens mais force est de constater que l’économie est allée plus vite que la science économique, que les moyens informatiques ne suffisent pas pour analyser le comportement d’un nombre croissant d’acteurs. L’interdépendance et la multiplication des facteurs variables ont cassé les certitudes.

Au-delà des inconnus liés à l’interconnexion des problèmes financiers avec ceux liés aux changes, de financement de la sphère publique en passant par les problèmes commerciaux et de compétitivité, il y aussi que le système d’intervention publique apparaît au mieux trop limité voire contre-productif face aux évolutions de l’économie mondiale de ces dernières années. Contrairement aux idées reçues, nous sommes loin d’un système libéralisé. Les taux de change des monnaies des pays émergents dont celle de la Chine n’obéissent pas aux règles du marché ne facilitant pas le retour à l’équilibre des échanges commerciaux. Les tentations protectionnistes se font jour et prennent des formes diverses (normes sanitaires, réglementation…).

Depuis Keynes, l’économie et le social sont intimement liés. En réduisant les inégalités, les gouvernements luttent contre le sous-emploi et favorise la croissance. L’Europe et la France ont, depuis plus de cinquante ans, appliqué cette règle avec une rare constance. Ainsi, les dépenses de redistribution représentent un tiers du PIB en France. Les dépenses publiques captent plus de la moitié de la richesse nationale. Le résultat a été la baisse du taux de pauvreté qui s’établit à 13 % et l’écart entre les 10 % les plus riches et les 10 % les plus pauvres n’a jamais été aussi faible (seul l’écart entre les 10 % les plus pauvres et les 0,1 % les plus riches réaugmente).

Néanmoins, la politique économique bute, depuis une vingtaine d’années, sur un épuisement des gains de productivité et sur un manque de mobilité interne, le recours à l’endettement a permis de masquer ces deux problèmes.

Les pouvoirs publics comme de nombreux économistes se focalisent sur les enchainements macro-économiques et tout particulièrement sur la demande au détriment de l’offre et des fondamentaux qui la portent.

L’objectif du keynésianisme était de fournir de l’emploi à tous or aujourd’hui, l’Etat providence distribue sans générer de l’emploi car la demande finale n’est pas une source d’emplois. Dans un monde concurrentiel, il faut revenir à l’offre et inverser les logiques qui ont cours depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

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