A gauche, tous les pouvoirs ? A droite, le temps de la reconstruction ?
Pour la première fois depuis 1958, les partis de la droite et du centre ne disposeront plus, après le 17 juin si les législatives confirment la présidentielle, d’aucun centre de pouvoir. En effet, toutes les grandes villes sauf Marseille, Bordeaux et Nice sont gouvernés par le parti socialiste, toutes les régions sauf l’Alsace tout comme deux tiers des départements sont également dirigés par des coalitions de gauche. Traditionnellement quand la gauche détenait l’exécutif, la droite disposait de bases-arrières au Sénat et dans les collectivités territoriales. Ce ne sera pas le cas en 2012. Seul le Conseil constitutionnel restera durant quelques années majoritairement composé de membres issus de l’ancienne majorité.
La droite et tout spécialement l’UMP paient les défaites aux élections locales, depuis 2002, défaites qui ont asséché ses structures et qui ont freiné le renouvellement des élus. Le PS possède désormais d’un grand nombre de structures relais pour faire passer ses idées, pour placer ses femmes et ses hommes et pour se constituer des réserves financières. Depuis 10 ans, l’UMP a géré l’Etat en délaissant le terrain local ; elle risque maintenant d’en payer les conséquences. La reconstruction en sera d’autant plus difficile d’autant que le nombre de députés élus au mois de juin sera faible. Compte tenu des triangulaires avec le Front national et le blues d’après défaite, le nombre de députés pourrait être inférieur à 180, soit une centaine de moins qu’aujourd’hui.
La gauche disposera donc de tous les pouvoirs. Elle pourrait, cependant, ne pas avoir les trois cinquièmes exigés pour réviser la constitution en passant par le Congrès. Le nouveau pouvoir pourrait s’affranchir de ce léger problème en recourant au référendum. En revanche, la gauche pourra aisément modifier le mode de scrutin en y instillant la proportionnelle.
Cette concentration est un avantage pour développer en toute tranquillité une politique durant cinq années ; en revanche l’absence de contre-pouvoirs peut mener à tous les excès et à l’impopularité par arrogance ou suffisance. Les vieux démons de 1981 peuvent rapidement reprendre le dessus. Certes, en 2014, les élections municipales, européennes et éventuellement cantonales (en fonction de la réforme des collectivités locales) constitueront un indicateur de l’état de l’opinion publique. Il est à noter qu’en 2016 devraient se dérouler les élections régionales qui marqueront le début de la future campagne présidentielle.
D’ici là, pour la droite, il y a un réel risque de chemin de croix. Le parti ou les partis ainsi que les groupes parlementaires seront les lieux obligés de reconstruction. La tentation de l’éclatement est limitée par les règles de financement des partis politiques. Le financement comporte deux parts, la première est liée aux résultats obtenus au premier tour de la législative, la seconde est liée au rattachement individuel des parlementaires (Assemblée et Sénat). La première qui est la plus importante suppose que les candidats mentionnent leur rattachement au moment du dépôt de candidature. Ce mode de financement favorise les partis structurés. En cas de défaite lourde aux législatives, l’éclatement serait suicidaire surtout du fait de la concurrence du Front national.
Le renouveau de la droite passera par une refondation de sa pensée qui après 10 ans de pouvoir s’est étiolée. Du fait d’un basculement de l’opinion public à gauche et de la tentation des élus, le dirigisme l’a progressivement emporté sur le libéralisme ou la politique de l’offre.
Il y aura certainement un débat sur l’orientation à donner à la politique économique avec un risque de dérive vers des idées populistes, le protectionnisme… L’augmentation de la concurrence avait été jetée aux orties
Face aux contraintes, la droite n’a pas pu réformer le système fiscal. L’instauration de l’imposition à la source a été oubliée comme la simplification des impôts.
Sur les sujets de sociétés, la droite devra éviter d’être marginalisée par le FN. Avec un centre qui semble vouloir s’autonomiser mais qui n’a pas de leader et une partie de l’UMP qui écoutent les sirènes de l’extrême droite, la voie sur ce sujet est étroite et pavée d’embuches.
En 1986 tout come en 1993, la droite avait gagné après avoir mené un important de réflexion. La première cohabitation de 1986/1988 avait permis l’application d’un programme libéral qui avait très bien réussi économiquement mais qui avait débouché sur la défaite de Jacques Chirac. Depuis, surtout au niveau économique, la droite est prudente voire timorée ; ce fut le cas sous la seconde cohabitation et après les grandes grèves de 1995 qui avaient mis un terme au réformisme chiraquien.
De 2007 à 2012, Nicolas Sarkozy a du faire à la crise abandonné son réformisme libéral au profit d’un pragmatisme. Les partis au pouvoir ressemblent progressivement à l’administration qui fournit les études, les expertises et les projets. Coupée de cette superstructure qui fondamentalement ne lui est pas acquise, l’UMP doit retrouver le chemin des réseaux de la vie civile et des thinks-tanks. Une partie des futures victoires dépendent de cette capacité à capter et à diffuser de nouvelles idées. En 1993, les élus UDF et RPR de l’époque pensaient être dans la majorité pour une vingtaine d’années compte tenu de la défaite historique du PS qui avait moins de 60 députés. Quatre ans après, Lionel Jospin était Premier Ministre. Comme quoi en politique, rien n’est certain et surtout pas les prévisions.
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