60 ans, le mur de Berlin des Retraites

07/10/2009, classé dans

En 2010, pour la première fois, le déficit de l’assurance vieillesse dépassera les 10 milliards d’euros. La dégradation plus rapide que prévue est liée s’explique tout à la fois par la crise qui pèse sur la masse salariale et donc sur les cotisations mais aussi sur le nombre très élevé de départs à la retraite, plus de 650 000 par an. Malgré les demandes répétées des pouvoirs publics, les actifs partent à la retraite autour de 60 ans. Le taux d’emploi des 55/65 ans qui est de 38 % est loin de l’objectif fixé par l’Union européenne de 50 %. En outre, ce taux tombe à 17 % pour les plus de 60 ans.

Il y a un consensus social sur l’âge de retraite à 60 ans. Les employeurs ont intégré les souhaits de leurs salariés pour gérer leurs effectifs et leurs coûts. Un salarié âgé est réputé moins productif et coûte plus cher. En outre, dans l’inconscient collectif français, l’idée qu’un retraité de plus, c’est un chômeur de moins est une règle d’or même si toutes les études la contredisent.

La problématique de la retraite est connue ; le nombre de retraités augmente du fait de l’allongement de la durée de la vie. En 2030, l’espérance de vie dépassera 82 ans pour les hommes et 87 ans pour les femmes. Toujours en 2030, le nombre de retraités pourrait être supérieur à celui des actifs.

Face à ce constat, jusqu’à maintenant, les gouvernements ont opté pour une dégradation insidieuse du taux de remplacement, c’est-à-dire du montant de la pension versée par rapport au dernier salaire reçu. En retenant les simulations du Conseil d’Orientation des Retraites, d’ici 2050, la chute, avant même l’adoption de nouvelles réformes, serait de 10 à 20 points. Cette diminution de ce taux est accepté car non perceptible pour les actifs d’aujourd’hui. Par ailleurs, les retraités de 2009 disposent d’un pouvoir d’achat, en prenant en compte leur situation patrimoniale, équivalent voire supérieur à celui des actifs. Ils ne sont pas enclins à protester vis-à-vis de réformes qui ne les concernent que marginalement. La baisse du taux de remplacement s’explique essentiellement par le prise en compte des 25 meilleures années au lieu des dix et par le mécanisme de désindexation. Désormais, les droits accumulés durant la vie active comme la pension ne sont réévalués non pas en fonction des salaires mais de l’indice INSEE hors tabac. Il en résulte un décalage croissant entre le montant des pensions et des salaires. L’allongement de la durée de cotisation risque de peser sur le montant des droits pour ceux qui voudront partir avant d’avoir une retraite à taux plein qui est toujours accordé à 65 ans.

Une autre raison de la baisse du taux de remplacement est la diminution du rendement des régimes complémentaires qui reposent sur des systèmes par points. Ainsi, la valeur d’achat des points durant la période de constitution des droits à la retraite ne cesse d’augmenter quand la valeur de rachat, la valeur des points au moment de la liquidation de la retraite ne cesse de diminuer.

Depuis 1993, début des travaux d’Astérix en matière de refonte de notre système de retraite, les pouvoirs publics ont joué sur plusieurs curseurs : les modalités de calcul, la durée de cotisation passée de 37,5 à 41 ans, la désindexation, l’alignement des régimes spéciaux sur le régime général….

Il n’en demeure pas moins que du fait que la durée de la retraite a que doublé en cinquante ans et que l’entrée dans la vie active s’effectue de plus en plus tardivement, le mur des déficits liés à la retraite se rapproche à très grande vitesse.

Le curseur de l’âge légal de départ à la retraite n’a été évoqué que récemment car les fameux 60 ans sont considérés comme un acquis social jusqu’à maintenant non négociable. De toute façon pourquoi repousser cet âge quand le chômage s’accroît et que les entreprises licencient en priorité les seniors. Est-il nécessaire de transférer des caisses de retraite aux caisses de chômage le coût de l’inactivité ?

Néanmoins, ne faut-il pas s’interroger sur le bienfondé de cette exception française ? Tous nos partenaires européens ont porté l’âge légal de départ à la retraite à 65 ou e 67voire 69 ans pour tenir compte de l’allongement de la durée de la vie.

En conservant 60 ans, implicitement, les pouvoirs publics considèrent que dès 55 voire 50 ans un salarié est âgé. Le recul de la borne constituera un signal d’autant plus que les entreprises se doivent d’avoir des plans seniors à défaut de quoi elles acquitteront à compter du 1er janvier 2010 une contribution équivalente à 1 % de leur masse salariale.

Le passage à 62 voire 65 ans serait un signe fort adressé tout à la fois aux salariés et aux employeurs. D’autre part, ce serait tourner le dos aux thèses malthusiennes en vertu desquelles le départ des vieux salariés profite à l’emploi des jeunes. De toute façon, il apparaît opportun de reculer cet âge butoir compte tenu que la durée de cotisation a été allongée à 41 ans. Il faut savoir que l’âge moyen d’entrée sur le marché du travail est de 22 ans.

Les simulations démontrent que le passage à 62 ans permettrait de réduire de près de 6 milliards d’euros le déficit de l’assurance-vieillesse.

Ce report à 62 ans de l’âge légal ne doit pas être considéré comme un recul social quand dans le même temps nous gagnons, chaque année, un trimestre d’espérance de vie. Il faudrait également s’interroger à terme sur la nécessité de repousser à 66 ou 67 ans l’âge à partir duquel la retraite à taux plein est accordée aux salariés.

L’équation est simple, soit nous acceptons une baisse du pouvoir d’achat des futurs retraites, soit pour le maintenir, nous acceptons, salariés et employeur, de prolonger la vie professionnelle au-delà de 60 ans.

Comment la France pourra-t-elle casser e fameux mur des 60 ans ? Les syndicats conditionnent le début d’éventuelles négociations sur le sujet par l’accord du patronat de prendre en compte la pénibilité du travail pour déterminer l’âge à partir duquel le salarié a le droit de toucher une pension. L’échec de la négociation sur la pénibilité en 2007 est, en partie, liée au refus de réinstaurer des régimes spéciaux et sur la définition même de la pénibilité.

Les conditions de travail évoluent en permanence. En outre ce qui est pénible à 50 ans ne l’est pas obligatoirement à 30. Par ailleurs, des facteurs extérieurs (vie privée, transports…) peuvent rendre plus ou moins pénible un emploi. Enfin, les actifs occupent un nombre croissant d’emplois durant leur vie. Une prise en compte de la dureté du travail est donc de plus en plus complexe surtout dans le système actuel de mode calculs. Il n’en demeure pas moins que les inégalités en matière d’espérance de vie sont en partie liées aux emplois occupés.

Le passage du régime général en système par points sur le modèle des régimes complémentaires permettrait une prise en compte fine de la pénibilité, un salarié exposé bénéficiant d’un surcroît de points.

De toute façon, le mur des 60 ans est une chimère coûteuse, intenable. Compte du montant de la dette publique, il convient d’éviter que son poids ne soit supporté que par une frange de plus en plus réduite de la population d’autant plus que derrière la question des retraites, il y a celle de la dépendance et de l’assurance-maladie…

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