mars 2006 : la question sociale

21/03/2006, classé dans

Réponses à la question sociale

Avec un chômage de 10% au mois de janvier 2005, avec plus d’un million de titulaires de revenus minima, avec une demande d’augmentation, sans nul doute légitime, du pouvoir d’achat de la part des salariés, la France n’en finit pas  » de bénéficier  » à la fois du  » meilleur modèle social du monde  » et d’afficher les performances parmi les plus médiocres de l’OCDE en matière d’emploi.

Le moment est venu de s’interroger sur le modèle social élaboré progressivement dans les années quatre-vingt, modèle en vertu duquel la lutte contre le chômage et l’exclusion passe prioritairement par la distribution d’allocations et d’aides. .

Le constat est pourtant affligeant : le chômage n’est jamais descendu au-dessus de 8 % ces vingt dernières années tout comme la pauvreté n’a jamais été réduite. Le constat est d’autant plus inquiétant que nos principaux partenaires obtiennent de meilleurs résultats que nous.

Notre échec est patent en matière d’emploi. Le niveau élevé du chômage coïncide, en effet, en France, avec une redistribution sociale très importante et en croissance permanente ; redistribution représentant plus de 30 % du PIB, niveau que seule la Suède dépasse de peu. Pour l’emploi, les allocations et les aides représentent en 2005 25 milliards d’euros , la moitié du déficit de notre pays sont consacrée à l’emploi ! un record !

Depuis près d’un quart de siècle, notre pays s’enfonce dans la spirale d’une politique inefficace et coûteuse. Longtemps, la force de notre économie, la richesse naturelle de la France ont permis de masquer les effets pernicieux de cette politique ; mais aujourd’hui, l’intendance ne suit plus. Pour s’en convaincre, il suffit, année après année, de suivre la courbe de progression ininterrompue de la dette publique, 1066 milliards d’euros en 2004, 17 000 euros par Français, cadeau empoisonné que nous léguons aux actifs de demain, actifs qui auront à financer les retraites, les dépenses de santé et celles liées à la dépendance. Pris en tenaille entre ce service, les dépenses de fonctionnement et les dépenses sociales, l’Etat n’a comme solution que de couper dans les dépenses d’investissement. L’investissement public représente 4 % du PIB contre 6 % il y a vingt ans.

Le signe manifeste de l’erreur économique dans laquelle nous évoluons bien souvent à notre corps défendant, c’est notre faible taux de croissance. Depuis 1990, le taux moyen dépasse à peine 1,6 % ce qui nous place au 25ème rang de l’OCDE. Pour le PIB par habitant, nous sommes au 19ème rang au sein de l’OCDE. Les retours de la croissance sont toujours trop courts pour assainir les finances publiques et pour réduire le chômage.

Notre seule satisfaction est d’avoir doublé nos amis allemands, maigre satisfaction surtout que nous oublions qu’ils ont, depuis quinze ans du remettre à niveau les ex-länder de l’Allemagne de l’Est. L’unification absorbe chaque année de 3à 5 % du PIB de nos voisins d’Outre-Rhin.

En France, les fameuses marges de manœuvre qui permettent de financer des allocations, des créations d’emplois dans la fonction publique, de relancer l’économie n’existent plus. Les prélèvements obligatoires sont jugés par tous comme excessifs ; le coût du travail du fait des charges et de la réglementation figure parmi les plus élevés de l’OCDE.

Il est nécessaire et urgent de tirer les conséquences de l’échec de la philosophie qui sous-tend les politiques économiques et sociales mises en œuvre depuis plus de vingt ans.

Trois constats simples doivent être faits :

Sans croissance économique forte, pas de réponse possible aux problèmes de chômage et aux défis sociaux.

Cette affirmation, objet d’un apparent consensus, est rarement mis en œuvre ; cependant, les ingrédients de la croissance économique potentielle d’un pays sont connus : c’est la combinaison la plus élevée possible de la quantité globale de travail, du niveau du capital investi et de l’intensité de l’innovation.

Depuis un quart de siècle, nous tournons autour du problème sans nous attaquer à son cœur, c’est-à-dire comment relancer durablement la création de richesses dans notre pays, c’est-à-dire la croissance. Nous rêvons tous au retour des Trente glorieuses sans nous en donner les moyens.

L’économie et le social ne sont pas antinomiques comme le prouve l’histoire économique ; il convient simplement de les replacer dans le bon ordre ; favoriser l’économie pour financer le social et non l’inverse.

Favoriser le potentiel économique de la France devrait nous conduire à renoncer aux politiques qui dissuadent de travailler, d’investir ou d’innover et nous inciter à :

- Encourager le travail :
 il faut réduire les freins à l’embauche par la création d’un unique contrat de travail lié à l’activité en sécurisant dans le même temps le parcours professionnel (suppression des CDD et des stages précaires)
 il faut donner à chaque jeune la chance d’un premier emploi et à chaque senior la possibilité de cumuler emploi et retraite.
 il faut pouvoir négocier librement la durée du travail dans l’entreprise, au plus près des réalités économiques et dans le respect des directives européennes.
 il faut pouvoir favoriser l’accès de nouveaux acteurs dans les professions réglementées à l’extrême.

- Stimuler l’investissement
 il faut éviter de surimposer le capital et aligner sa taxation sur la moyenne européenne aussi bien en matière de patrimoine que de succession, d’imposition sur les entreprises ou les personnes physiques.
 cela passe par une réforme d’ensemble de la fiscalité (simplification du barème de l’impôt sur le revenu, fusion avec la CSG)

- Dynamiser l’innovation
 il faut élargir le crédit impôt recherche pour assurer les fondements d’une croissance forte.

Sans une véritable politique de rétablissement de l’égalité des chances, la distribution des seules allocations ne peut suffire à résoudre le problème de l’exclusion.

Distribuer de nouvelles chances dans la société française, tel doit être l’objectif :

- en matière d’école, de formation et d’accès à l’emploi pour les jeunes (autonomie des établissements scolaires et universitaires, assouplissement de la carte scolaire).

- en matière d’accès au logement (cession des parcs HLM)

- en matière de mobilisation des actifs de plus de 55 ans  » les seniors  » (notamment dans toutes les fonctions d’accompagnement et de parrainage des créations d’entreprises)

Sans revenu familial garanti lié à la variation de l’activité, il n’y a pas de retour possible à une situation de dignité. L’instauration d’un véritable impôt négatif, ajustable et privilégiant l’intégration dans le monde du travail est une priorité

Ces orientations de croissance, d’égalité des chances et de filet protecteur sont la marque des pays gagnants dans la compétition mondiale. La France dispose d’atouts indéniables, des infrastructures de premiers plans, des conditions de vie renommées et une qualité de formation satisfaisante, qu’elle gâche en recourant à des politiques inadaptées, malthusiennes. Il est temps aujourd’hui que la société française instaure  » un nouveau contrat social  » pour relever avec succès les défis du XXIème siècle.

Partagez