Le toboggan français du déclin a-t-il une fin ?

30/07/2014, classé dans

Le toboggan du déclin a-t-il une fin ?

La France est sur un toboggan qui n’en finit pas ; sa production industrielle glisse, sa compétitivité n’en finit pas de s’éroder et son emploi de se dégrader. La crise est mortifère ; l’âme française a besoin de gloire et de victoires. Les Français ne font pas dans la demi-mesure. Nous sommes capables de porter aux nus une équipe de football après une ou deux victoires même faciles avant de la jeter dans la fosse du mépris en cas de déconvenue. Nous faisons de même avec les gouvernants qui passent, en quelques jours, de la situation de dieux vivants à celle de minables. Nous rejetons nos échecs, nos frustrations sur nos voisins et sur nos responsables publics accusés de tous les maux. Nous nous tous les meilleurs sélectionneurs de l’équipe de France de football. Nous avons tous ou presque une idée sur la composition de l’équipe. Il en est de même pour la gestion du pays ; nous sommes tous convaincus que nous serions moins mauvais que les dirigeants actuels mais nous considérons que ce sont aux femmes et aux hommes politiques de prendre leurs responsabilités. Nous sommes des spectateurs engagés devant nos postes de télévision ou nos tablettes et nous aimons jouer à Tatie Danièle.

Face au déclin du pays, face à l’érosion de son économie et au début de déconstruction des structures publiques, nous sommes à la fois révoltés et passifs. Il n’y a pas de force de rappel, de ressorts capables de rassembler les énergies pour créer un choc, un élan… La résignation de la décadence l’emporte sur l’esprit de révolte, sur la volonté de réaliser des efforts. En réglé nos impôts, nous considérons que nous avons rempli notre contrat. A ce titre, nous jugeons tous que compte tenu du service offert, nous payons trop, que nous payons pour les autres. Nous voulons  sauver notre peau avant de participer à un élan collectif de reconstruction. Nous pensons que la dette publique, c’est les autres. Nous refusons d’admettre que chacun d’entre nous a une part de responsabilité dans le déficit public. Par nos choix électoraux, par nos aspirations, nous creusons notre propre tombe. Chaque tentative de réforme entraîne une montée aux extrêmes des oppositions. Les reculs fréquents de l’Etat face aux demandes des corporatismes incitent, il est vrai, ces derniers à bloquer tout projet de réforme. Nous condamnons l’inertie des pouvoirs publics, inertie que nous entretenons par nos comportements. Nous remettons en cause la légitimité des ministres, des élus tout en appelant, en permanence, au secours l’Etat, les collectivités locales pour résoudre tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Devant une inondation, face à une canicule, vis-à-vis d’une fermeture d’une usine…, l’Etat se doit d’intervenir, d’être omniprésent, d’être omniscient. L’absence de corps intermédiaires, de forces représentatives conduit à cette remontée au sommet de tous les maux. Nous avons décidé de déléguer à l’Etat notre vie tout en déclarant que ses représentants, fonctionnaires ou élus sont des incompétents. Nous accusons ces derniers d’être des seigneurs ou des aristocrates mais dans les faits, les serfs que nous sommes, nous jouons le rôle de guillotineur. Nous rêvons toujours à 1789, au grand soir, à la Saint Barthélémy des élites. L’histoire ne donne pas forcément tort à ceux qui pensent qu’il faut de temps en temps secouer le cocotier. En deux cents ans, nous avons usé plus d’une dizaine de régimes. Le passé de la France est fait de révolution et de coups d’Etat qui sont plus ou moins heureux avec une tradition, celle de l’effacement des bienfaits des régimes renversés. Certes, ces coups d’Etat, ces changements de régime ont souvent permis l’avènement d’une nouvelle classe de dirigeants ou une recomposition des élites publiques. Les citoyens ont rarement été les gagnants des redistributions de pouvoirs mais le sentiment révolutionnaire hante notre imaginaire. La 3ème République a réécrit l’histoire pour rendre nul et non avenu les apports du Second Empire. La 5ème République a fait de même avec la précédente en l’affublant de tous les maux. Force est de constater que le système de 1958 s’essouffle ou plutôt que les femmes et les hommes qui le portent n’arrivent plus à retrouver le chemin de la gloire indispensable pour les Français qui ne se gouvernent pas comme des Allemands, des Italiens ou des Anglais.

De désillusion en désillusion, nous risquons d’arriver au terme du processus de déliquescence au bord du précipice qui prendra la forme d’une élection potentielle de la Présidente du Front National ou de la constitution d’une majorité intégrant ce parti. Au fil des scandales et des échecs, la route est tracée. Que feront les partis de Gouvernement ? Que fera l’armée ? Faudra-t-il annuler l’élection ? Un coup d’Etat plus ou moins accepté par les Etats européens empêchera-t-il la France d’être gouvernée par l’extrême droite ? La faiblesse des partis donnera-t-elle au contraire les clefs du pouvoir au FN avec un blocage social total et une accélération de la déliquescence ?

François Hollande comme les responsables de la droite et du centre ont, entre leurs mains, plus qu’ils ne le croient, le destin du pays. Ils peuvent choisir ou plutôt ne pas choisir pour le renoncement ou essayer de briser le cercle du déclin. L’Union nationale n’est peut-être pas la solution. En revanche, l’idée de faire travailler ensemble des représentants de droite et de gauche durant deux ans afin d’avancer sur des réformes structurelles. Le débat stérile sur la réforme institutionnelle qui fait suite à la non-réforme des retraites montrent bien qu’il faut dépasser certains clivages. Avec 56 % de dépenses publiques, rien ne peut se faire, en France, sans les collectivités publiques. Or, aujourd’hui, le défi, c’est relancé l’investissement qui s’étiole, d’orienter les dépenses de fonctionnements vers des dépenses d’avenir. François Hollande s’est fait élire sur le double thème de la jeunesse et des banlieues or, depuis deux ans, rien ou presque n’a été fait. L’enseignement supérieur doit être une priorité. Les campus universitaires doivent être remis au niveau international. Les écoles primaires, les collèges et les lycées de banlieues doivent être dotés de moyens humains supplémentaires. L’école doit reprendre la main face aux religieux et face aux voyous. S’il faut un professeur pour dix élèves pour mettre à niveau les enfants vivant en banlieue, il faut le faire. De même, la réalisation des lignes de transports en commun prévue dans le Grand Paris ne doit pas s’étaler sur vingt ans, c’est-à-dire une génération. Sans être la Chine, la France peut être un peu plus rapide dans la construction de ses infrastructures. Dans cet esprit, notre pays, premier pays d’accueil de touristes étrangers peut-il différer pour des questions d’égos d’élus locaux la construction de moyens de communication reliant les deux aéroports parisiens au centre de la capitale. Cela fait déjà 40 ans que ce sujet est sur la table. Relier Roissy à Orly en passant par la gare de Lyon et la Gare Montparnasse, les deux principales gares TGV de Paris est une priorité comme celle visant à relier Roissy à la Défense. Evidemment, cela coûte cher mais combien de milliards d’euros dépensés en dépenses de fonctionnement ces dernières années qui n’ont pas réellement servi l’économie ? Au niveau des infrastructures, est-il acceptable que la France ne tire pas profit de ses deux ou trois grands ports ? Marseille, le Havre et Dunkerque sont les concurrents logiques de Rotterdam et de Gênes. Or, telle n’est pas la situation. Les blocages syndicaux et l’incapacité à développer un réseau ferroviaire de fret expliquent le retard pris. Or, dans une économie mondialisée, les accès maritimes sont capitaux.

La France dispose d’un atout, celle d’avoir un nombre d’enfants plus élevé que ces partenaires du fait du maintien du taux de fécondité autour de 2. Or, cet atout est gâché par la qualité décroissante de son système éducatif. Au-delà de jouer le statuquo, n’est-il pas possible d’associer les professeurs à une réforme de grande ampleur. C’est un peu idéaliste mais il faut oser faute de quoi d’année en année, la France reculera dans le classement Pisa de l’OCDE.

A force d’avoir reporté les réformes, les chantiers à ouvrir sont nombreux. Plus nous attendons, plus la sclérose   nous guette. Il en est ainsi avec le financement des régimes sociaux. Le système de cotisations sociales avec ses exonérations multiples, ses effets de seuil, ses mécanismes de compensation est à bout de souffle. Il faut simplifier, nettoyer, créer peut être un système progressif de cotisations sociales avec une franchise à la base. Dans tous les cas, il faut réformer. Il en est de même avec l’impôt sur le revenu dont la dernière grande refonte date de 1958. Les impôts locaux sont également hors d’âge. Au niveau du droit du travail, nous vivons en pleine hypocrisie. Tout est bâti en faveur des contrats à durée indéterminée mais dans le même temps, ces derniers ne représentent plus que 8 % des embauches. Le marché du travail français est à trois vitesses ; 5,5 millions de fonctionnaires ayant une garantie d’emploi ; les salariés en CDI bénéficiant d’un régime protecteur surtout s’ils travaillent dans une grande entreprise et les autres dont le nombre augmente et qui sont en situation de précarité croissante. Faut-il conserver cette illusion ou rebattre les cartes ? De même, pouvons-nous nous contenter de rapports sur les professions réglementées ? En matière de distribution, pouvons-nous débattre sur la nécessité d’instiller de la concurrence afin de redonner aux producteurs des marges de négociation et aux consommateurs des gains de pouvoir d’achat. Aujourd’hui, trois à quatre centrales d’achat réalisent plus de 70 % du commerce en France. Il en résulte des prix plus élevés et une offre standardisée. Il faudrait peut-être obliger à la division des méga-centrales comme dans le passé les Etats-Unis avaient mis un terme aux oligopoles des télécommunications.

Le toboggan est agréable à condition qu’à l’arrivée il y ait du sable ou de l’eau. En ce qui concerne la France, le toboggan du déclin risque d’entraîner un violent atterrissage. La France, le pays souffrant de l’Europe, pourrait devenir dans les prochaines années pourrait devenir son grand sujet d’inquiétude. La situation est d’autant plus grave que les Français semblent se résigner à ce déclin et à la faillite de l’Etat. Certains pourraient même l’espérer. C’est quand l’esprit moral disparaît que tout devient possible. Il est donc urgent que collectivement nous bâtissions le retour de la France.

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