Le digital n’est pas l’ennemi de l’emploi
Sur les effets du digital, d’un côté, il y a ceux qui considèrent que c’est une nouvelle terre promise avec à la clef de la croissance ; de l’autre côté, il y a ceux qui considèrent que le numérique aboutit à une paupérisation croissante de la population active, une petite minorité améliorant leur situation au détriment du plus grand nombre qui doit se contenter d’emplois sous-qualifiés.
Est-ce que la prophétie d’Edward Glaeser (économiste américain enseignant à l’université d’Harvard) se réalise ? « Tout se passe comme si un petit nombre de gens très bien payés travaillent à rendre gratuit des biens consommés par des pauvres »
Plusieurs études parues ces dernières années ne nous permettent guère de nous faire un jugement. Les résultats et les conclusions sont assez divergents Ainsi, l’OCDE souligne que 80 % des emplois en 2030 auront une composante digitale et annonce une transformation radicale du monde du travail. Mais, dans les faits, il n’y a rien d’anormal. Aujourd’hui, entre les machines à commandes numériques, les ordinateurs de bureau, les smartphones et les tablettes, la quasi-totalité des emplois intègrent une composante numérique. Même le secteur agricole requiert de plus en plus un savoir digital, aussi bien pour la production avec entre autre le recours à des sondes connectés que pour la vente qui se fait à distance. Une étude de l’Université d’Oxford indique que 47 % des emplois actuels pourraient disparaître dans les vingt prochaines années. Depuis le début de la première révolution industrielle, de nombreux emplois ont disparu et des nouveaux les ont remplacés. Selon le Forum Economique Mondial, d’ici à 2020, 7,1 millions d’emplois pourraient être, détruits quand seulement 2 millions pourraient être créés. Cette prévision ne repose sur aucune donnée statistique. Il en est de même pour l’étude menée par le cabinet Roland Berger qui souligne qu’en France, à terme, 42 % des emplois sont menacés. Plus récemment, le Conseil d’Orientation pour l’Emploi (COE) s’est voulu plus rassurant. Pour cet organisme, placé sous l’autorité du Premier ministre, moins de 10 % des emplois seraient en France directement menacés. L’OCDE considère que ce nombre pourrait être de 20 %.
Les métiers les plus concernés sont ceux qui pourraient faire l’objet d’automatisation à plus ou moins courte échéance. Selon le COE, figurent parmi les emplois menacés les postes d’agents d’entretien (320.215), les postes d’ouvriers qualifiés des industries de process (95.545) ou encore les ouvriers non qualifiés de la manutention (86.000). Le COE souligne par ailleurs que la moitié des emplois pourrait voir leur contenu transformé sous l’effet de la robotisation et de la numérisation.
Contrairement à certaines idées reçues, il n’y a pas une disparition du nombre d’emplois provoqués par le digital ou la robotisation. Il y a une évolution des emplois proposés comme cela a été le cas lors des précédentes révolutions industrielles. En supprimant certes de nombreux emplois, le développement du machinisme agricole a libéré une force de travail qui a été utilisée par l’industrie puis par les services. Pour un fermier ou un ouvrier agricole du début du XIXe siècle, cette évolution était tout aussi terrifiante, voire plus, que celle que nous connaissons aujourd’hui. De même le mineur ou l’ouvrier sidérurgiste des années 1890 n’aurait pas imaginé que plus des trois quarts de la population active seraient employés en 2016 dans le secteur des services.
Les nouvelles technologies sont accusées de détruire de nombreux emplois. Selon un article d’Enrico Moretti « Local Multipliers » cité par Pierre Cahuc dans son dernier ouvrage « le Négationnisme économique », il a été démontré qu’aux États-Unis, la création d’un emploi qualifié génère 2,5 nouveaux emplois. Chaque jour, de nouveaux métiers apparaissent. Ainsi, la plateforme LinkedIn a répertorié dix nouveaux métiers qui ont émergé ces cinq dernières années : analystes de données, développeur IOS, développer Android, Social Media Intern, Big Data Architect, etc. Les pays les plus en pointe en matière de digital, ceux d’Europe du Nord et les États-Unis, connaissent un taux de chômage inférieur aux États qui sont en retard comme la France ou l’Italie.
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