La croissance au service de l’environnement

19/11/2022, classé dans

Au cours des près de trois siècles qui se sont écoulés depuis le début de l’ère des combustibles fossiles, niveau de vie et émissions ont augmenté de pair. Le charbon, puis le pétrole et le gaz naturel ont apporté la prospérité tout en augmentant les températures mondiales. Ce lien a conduit certains écologistes et scientifiques à affirmer que seul un programme de «décroissance» permettrait de lutter contre le réchauffement climatique. Pourtant, depuis les années 2000, au sein des pays occidentaux, le lien entre croissance et émissions de gaz à effet de serre est rompu, y compris en intégrant les émissions émanant des importations. Depuis 2010, selon The Economist, 33 pays dont la population totale dépasse un milliard de personnes, ont réussi à augmenter leur PIB tout en réduisant leurs émissions de CO2. Après un pic en 2007, les États-Unis, deuxième émetteur de CO2 au monde, ont réduit ses émissions de 6,13 milliards de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone à 5,26 milliards en 2019. Les émissions de consommation, qui incluent le carbone intégré dans les importations, ont chuté de 15 % au cours de la même période.

Le découplage entre croissance et gaz à effet de serre s’explique en partie par la tertiarisation des économies. Au fur et à mesure que les nations s’enrichissent, leur secteur tertiaire prend le pas sur l’industrie avec, par voie de conséquence, une moindre consommation d’énergie. Au Royaume-Uni, le secteur des services représente 80 % du PIB, en France, plus de 70 %. En Allemagne comme aux États-Unis, le secteur industriel est en baisse au sein de la valeur ajoutée.

Le découplage est également la conséquence d’une production industrielle moins émettrice de gaz à effet de serre. Depuis 2010, le secteur des exportations chinoises s’est décarboné plus rapidement que le reste de son économie. Cet effort a pour effet de réduire l’empreinte carbone totale des pays riches.

À l’échelle mondiale, les émissions de gaz à effet de serre continuent à augmenter. Selon une étude du Global Carbon Project, les émissions de CO2 produites par la consommation d’énergies fossiles – pétrole, gaz ou charbon – dépasseront, en 2022, leur niveau record d’avant la crise Covid. Elles devraient augmenter, cette année, de plus d’un pour cent par rapport à 2021, pour atteindre 36,6 milliards de tonnes. Cette hausse est portée principalement par l’utilisation du pétrole (+2,2 %), avec la reprise du trafic aérien, et du charbon (+1 %). Les émissions de CO2 liées à la production d’électricité baissent partout dans le monde, sauf en Europe, en raison d’un recours plus important que dans le passé aux centrales au charbon.

Dans les prochaines années, l’évolution des émissions de CO2 dépendra de la nature du développement du continent africain dont la population doit doubler d’ici 2050. Si cette croissance s’aligne sur celle de l’Occident, l’objectif d’un réchauffement limité à 1,5 degré sera impossible à respecter. Pour éviter une forte augmentation des émissions de CO2, les pays les plus avancés doivent accroître leur effort pour décarboner plus rapidement et fortement leur économie tout en aidant les pays en développement à se doter d’activités à faibles émissions de gaz à effet de serre. En matière de télécommunication, les pays en développement ont réussi à généraliser les réseaux sans fil avec bien plus de rapidité que les pays dits industrialisés. En passant l’étape du filaire, ils ont gagné du temps et de l’argent. Ce scénario pourrait se reproduire pour les émissions des gaz à effet de serre. Le développement de ressources énergétiques vertes (solaire, éolien, hydraulique) et de réseaux électriques performants pourrait éviter un emballement des émissions de CO2 tout en facilitant l’essor économique de ces États.

La croissance n’est pas l’ennemi de l’environnement, bien au contraire, mais cela suppose un effort d’investissement continu et important avec une répartition des charges sur tous les acteurs économiques. Que ce soit en matière énergétique ou en matière de captation du carbone, d’importantes innovations pourraient accentuer le découplage croissance/émissions de CO2 dans les prochaines années.

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