INFLATION TO BE OR NOT TO BE

16/04/2009, classé dans

Au moment où tous les signaux sont au rouge, certains experts répètent que l’inflation est à nos portes. L’injection de milliers de milliards de dollars de liquidités, l’abaissement à des niveaux historiquement bas des taux d’intérêt, la progression sans retenue des déficits publics et donc des dettes publiques conduiraient immanquablement à une augmentation des prix. Les partisans de cette thèse annoncent que l’inflation pourrait prendre ses quartiers au sein de l’économie mondiale dès la fin de l’année.

L’inflation correspond à une mécanique bien connue qui repose sur plusieurs facteurs. L’inflation peut être importée en cas de progression des prix de certains biens importés. C’est que nous avions connu à l’occasion des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979/1980. C’est dans une moindre mesure ce nous avons constaté en 2007/2008 avec l’envolée des cours des matières premières et des produits alimentaires.

L’inflation peut être occasionnée par des variations des taux de change. Les dévaluations en appréciant le coût des biens et services importés ont, en règle générale, un effet inflationniste.

L’inflation peut être le résultat de tensions sur les marchés. Quand l’offre ne peut répondre à la demande, les prix ont une tendance naturelle à augmenter.

L’installation de l’inflation suppose qu’une spirale se mette en place avec l’interaction de tous les facteurs. L’augmentation des prix des matières premières entraine celle des biens manufacturés et engendre celle des salaires qui par définition provoque l’accroissement des coûts de fabrication qui entraîne celui des biens… Les acteurs économiques ont de plus tendance à anticiper l’inflation à venir et donc à en prendre les devants.

Du fait des milliers de milliards de dollars jetés sur les marchés, l’inflation est inévitable.

Or, toutes les conditions sont loin d’être réalisées pour l’installation de l’inflation.

• L’ajustement des prix de certains biens et valeurs n’a pas été encore terminé ;

• Il n’y a pas d’excès de la demande sur l’offre sur les marchés et la concurrence internationale demeure vive ;

• Les milliards de dollars injectés ont surtout eu pour objectifs de consolider des établissements financiers qui n’étaient plus solvables ;

• Les acteurs économiques souhaitent avant tout reconstituer leur patrimoine et non dépenser.

La correction sur le prix de certaines valeurs n’est pas encore achevée

Si le cours des actions, des matières premières et celui des biens agricoles ont enregistré une rapide correction à la baisse, certains biens et services demeurent surcotés.

L’immobilier

En dix ans, la hausse de l’immobilier a été de 140 %. Cette hausse s’est traduite par une augmentation sans précédent du poids des prêts immobiliers. Selon une étude de l’INSEE, il représente 69 % du revenu disponible brut des ménages en 2007 contre 26 % en 1978.

La hausse de l’immobilier est avant tout liée à celle du foncier qui représentait en 1978 26 % de la valeur du bâtiment et qui en représente désormais plus de 56 %. En 30 ans, le prix du foncier aurait augmenté de 572 % quand le bâtiment n’a augmenté que de 32 %.

Si l’ajustement sur le cours des actions a été brutale passage du CAC 40 de près de 6000 à moins de 3000 points en moins de deux ans, celui sur l’immobilier est par définition plus lent compte tenu de la moindre fluidité des biens et du caractère non centralisé du marché. Les experts s’attendent ainsi à une baisse de 10 à 25 % sur la période 2009/2010.

En relation avec le prix du foncier, il faut également prendre en compte que le secteur du bâtiment du fait d’une forte demande avait eu tendance à accroître ses marges.

Les services

Avec la mondialisation et le développement d’une nouvelle caste de millionnaires voire de milliardaires, le secteur du luxe, l’hôtellerie et la restauration haut de gamme avaient augmenté considérablement leurs tarifs ces cinq dernières années. Ainsi, le prix des chambres en haute saison avait doublé dans les grandes chaines d’hôtels sur la côte d’azur. Avec la raréfaction des nouveaux millionnaires et le recentrage des établissements de luxe sur une clientèle plus locale, une décrue des prix est à attendre surtout que l’offre devrait s’accroître.

Cet ajustement devrait concerner l’ensemble du secteur de l’hôtellerie et de la restauration.

Il en sera de même pour toutes les activités liées à l’automobile qui devront prendre en compte les changements de comportement des consommateurs : réparation, location…

L’offre reste surabondante et la concurrence internationale vive

Les capacités de production demeurent importantes du fait des investissements réalisés dans les pays émergents et de la faiblesse de leur marché intérieur. La contraction du commerce mondial, -9 % prévue en 2009, a pour conséquences une sous-utilisation des capacités de production.

Par ailleurs, l’existence d’une main d’œuvre pléthorique dans les pays émergents et l’augmentation rapide du chômage dans les pays développés limitent les possibilités de dérapage des coûts salariaux.


Les liquidités sur les marchés sont capitalisées plus que déversées sur les marchés

Les centaines de milliards de dollars injectés pour assurer la solvabilité des institutions financières et assurer le fonctionnement du marché interbancaire qui ont pour corollaire une vive progression de l’endettement public n’ont pas d’effets inflationnistes immédiats. Compte tenu des dépréciations d’actifs liés à la chute des cours bousiers, les établissements financiers se doivent de respecter leurs ratios de solvabilité. La méfiance des banques vis-à-vis des éventuels emprunteurs limite également les tensions inflationnistes.

Il faut souligner que les banques prêtent à des taux relativement élevés compte tenu des taux d’intervention des banques centrales et des taux d’inflation. En matière de prêts immobiliers, les taux bruts avoisinent les 4,7 % quand la BCE a fixé son taux d’intervention à 1,25% et quand l’inflation est de 0,2 %.


Priorité à la reconstitution du patrimoine

En période de crise, les acteurs économiques ont une tendance naturelle à accroître leur effort d’épargne afin de se prémunir face à d’éventuels risques et pour reconstituer leur patrimoine qui a été atteint par la dépréciation. De ce fait, il est constaté une remontée du taux d’épargne des ménages en période de crise ce qui limite d’autant la consommation et donc les menaces inflationnistes.

La menace à court terme est avant tout la déflation avec la création d’une spirale de baisse des prix, les acteurs repoussant leurs décisions d’achat dans l’attente d’une future baisse. Un scénario à la japonaise n’est pas à exclure.

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Certes, les efforts combinés de tous les pays, pays émergents compris, devraient contribuer à soutenir la demande. Certes, l’injection de liquidités, voire le retour de la planche à billets devenue virtuelle, certes la fixation de taux d’intervention par les BCE, certes la progression exponentielle des dettes publiques concourent à une remontée des prix mais afin qu’elle se manifeste il faut au préalable que la croissance refasse surface. Il est a priori peu probable que l’inflation soit de retour avant 2009 voire avant la fin du premier semestre 2010.

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