Demain, une nouvelle monnaie ?

02/01/2021, classé dans

L’augmentation de la masse monétaire provoquée par les rachats d’obligations opérés par les banques centrales peut-elle provoquer une défiance générale à l’encontre des devises et entraîner une substitution au profit des cryptomonnaies ? Pour le moment, le risque est faible car aucune cryptomonnaie n’a la capacité de s’imposer comme une réelle monnaie tant pour les réserves que pour les échanges. A terme, le débat est ouvert, sachant que les banques centrales pourraient elles-mêmes être à l’origine de la création de nouvelles monnaies qui circuleraient en parallèle avec celle des États. Mais, en vertu du théorème de Gresham, la mauvaise monnaie chasse la bonne. En effet, quand deux monnaies dans un pays circulent, l’une considérée comme bonne par le public et l’autre comme mauvaise, les agents économiques préfèrent thésauriser la bonne monnaie et utiliser la mauvaise pour payer leurs échanges dans le but de s’en défaire au plus vite. Ce phénomène aboutit alors à une inflation et à une dépréciation de la mauvaise monnaie.

Le risque de perte de la confiance dans les monnaies publiques existe en raison de l’augmentation importante de l’offre de monnaie. La base monétaire de 1000 à 7000 milliards de dollars de 2008 à 2020 aux Etats-Unis et de 1500 à 5000 milliards d’euros pour la zone euro. La base monétaire représentait en 2002 35 % du PIB aux États-Unis contre 5 % en 2008. Pour la zone euro, les ratios respectifs sont 37 et 10 %. Au Japon, la base monétaire représente 130 % du PIB et en Suisse 100 %. La progression de la base monétaire est intervenue dans la majorité des pays en deux vagues, la première après la crise des subprimes (pour la zone euro après la crise de la dette grecque), la seconde avec la crise sanitaire de mars 2020. Cette augmentation considérable de l’offre de monnaie de banque centrale peut conduire au recul de la valeur de la monnaie ou à l’augmentation du prix de certains actifs. Depuis la crise des subprimes, ce dernier scénario l’a emporté. Le prix des maisons a été multiplié par deux en vingt ans et les indices boursiers par 2,5. Dans les faits, cette valorisation des actifs est également une perte relative de la valeur de la monnaie.

En cas de forte inflation ainsi que de défiance à l’encontre de la monnaie, les agents économiques, anticipant la perte de valeur de leur monnaie, seraient tentés de s’en séparer au plus vite et de se constituer des réserves avec des monnaies qui s’apprécieraient. Pour cela, les monnaies de rechange devraient inspirer confiance avec des règles d’émissions transparentes. Le bitcoin est pour le moment loin de répondre aux exigences des agents économiques. Le nombre de bitcoins offert est exogène, prédéterminé, et augmente de moins en moins. Une demande croissante de bitcoins génère une augmentation exponentielle de son cours. Tout choc sur la demande de bitcoin aboutit à une variation violente de son prix. Le coût croissant des nouvelles émissions rend également le processus de création monétaire peu adapté à une économie d’échanges. L’encours de bitcoins exprimé en dollars est pour le moment faible, autour de 400 milliards de dollars quand la masse monétaire mondiale dépasse 100 000 milliards de dollars. De ce fait, le cours des bitcoins peut varier très fortement en fonction des achats ou des ventes des investisseurs. La cryptomonnaie est un actif très spéculatif. Le 15 août 2013, un bitcoin valait 89 euros ; le 3 décembre 2017, il avait atteint 13 298 euros avant de redescendre à 2 792 euros le 7 décembre 2018. Le 30 décembre 2020, il s’échangeait contre 22 725 euros. En dix ans, la masse monétaire mondiale a été multipliée par deux, l’encours de bitcoins par 400 et son cours par 420 000. Certains ont pu réaliser de belles fortunes…. Le bitcoin peut s’assimiler à l’or qui connaît également d’importantes fluctuations. L’once d’or est ainsi passée de 1100 dollars à 1900 dollars en 2011 avant de retomber à 1100 dollars en 2016. Avec la crise sanitaire, il a franchi en 2020 la barre des 2000 dollars l’once. Tant que cette volatilité existe, le bitcoin ne peut pas jouer le rôle de monnaie d’échanges et de réserve. Pour éviter ces variations, Mark Zuckerberg souhaitait que sa cryptomonnaie, le libra, repose sur un panier de devises existantes.

Le défaut de la création exogène des cryptomonnaies peut également s’appliquer aux monnaies traditionnelles. Avec la monétisation des dettes publiques, les banques centrales ont perdu le contrôle de la création monétaire au profit des gouvernements. De ce fait, certains avancent l’idée à terme de mettre en place des monnaies concurrentes sous la forme de monnaies digitales de banque centrale qui pourraient tout à la fois concurrencer les cryptomonnaies et se substituer aux monnaies actuelles qui seraient discréditées. La fixation des règles d’émission sera déterminante pour assurer le succès d’une telle monnaie. Des critères liés à la croissance, à la vitesse de circulation de la monnaie, aux échanges, etc. pourraient être pris en compte afin d’éviter tout arbitraire. L’offre de monnaie serait censée s’adapter aux évolutions de la demande sans connaître de trop fortes variations. Les taux d’intérêt et de change devraient jouer leur rôle de régulateur qu’ils ont perdu dans le système actuel en raison de l’interventionnisme des banques centrales.

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