Un long travail de remise en ordre à venir
Avant la survenue de la crise du coronavirus, le taux de croissance pour la zone euro était prévu selon les instituts économiques entre 0,9 et 1,3 % en 2020 après avoir été de de 1,2 % en 2019 et de 1,9 % en 2018.
La propagation du virus sur l’ensemble des continents génère, dans la zone euro, à la fois un choc de demande et un choc d’offre négatifs avec un risque de crise financière qui pourrait se nourrir du krach boursier. Compte tenu des éléments d’information disponibles, la crise sanitaire devrait durer de 4 à 12 semaines. La crise économique pourrait, en fonction des réponses apportées, durer de quelques mois à quelques années. Lors de la précédente crise, les stigmates n’ont disparu en moyenne au bout de 6 à 10 ans. La crise actuelle est plus traditionnelle dans sa forme mais elle est plurielle et internationale.
Du sanitaire à la finance en passant par l’offre et la demande, une crise totale
Au niveau de la zone euro, le choc a commencé avec la baisse des exportations en direction de la Chine et de la zone asiatique en lien avec l’affaissement de la consommation et de l’activité. L’industrie allemande est la première concernée par ce ralentissement. Les indices des directeurs d’achat en Chine (PMI manufacturier et services) ont plongé à compter du mois de janvier passant de 55 à 30 (en-dessous de 50, signe de contraction de l’économie). Les exportations de la zone euro sont en baisse depuis plus de deux mois. L’Europe est également confrontée, depuis la fin du mois de février, à un choc de demande en relation avec la diminution du nombre de touristes étrangers. Ce choc de demande concerne désormais tous les secteurs qui dépendent du public, loisirs, hôtels-restauration, distribution. Le confinement aboutit à freiner à un niveau sans précédent la consommation. L’anxiété générée par la crise pousse de toute façon les consommateurs à repousser leurs achats.
Le choc d’offre s’est matérialisé au début par la rupture des chaînes d’approvisionnement de produits finis comme de produits intermédiaires. Les secteurs des transports, de l’électronique, de l’informatique mais aussi du médicament sont concernés Il s’amplifie par la réduction du nombre d’actifs au travail. en raisin d’un nombre croissant de personnes infectées et du confinement. La fermeture des établissements scolaires et universitaires peut également pénaliser la production, les parents devant s’occuper de leurs enfants.
Le choc financier prend deux formes. Le premier en cours est un choc émotionnel, d’anticipation de la destruction potentielle de valeurs que la crise porte en elle. Le second pourrait toucher le cœur même de la sphère financière. Cette dernière pourrait faire face à un problème de solvabilité avec des faillites en chaîne en liaison avec la multiplication des créances non recouvrables.
Face à cette crise totale, la priorité pour les pouvoirs publics est de maintenir les capacités de production et de distribution de leur pays. Le maintien d’un minimum de transports est crucial pour assurer l’approvisionnement de biens intermédiaires et de produits finis. Les services vitaux doivent être assurés.
Pour enrayer une spirale récessive qui engendrait un chômage massif avec un affaiblissement de la demande, les pouvoirs publics soutiennent l’offre en autorisant des reports de charges et d’impôts. Le recours au chômage partiel indemnisé est également une solution. Quand le pic de la crise sera passé, les gouvernements pourront prendre des mesures de soutien à l’investissement pour conforter l’appareil productif. Au niveau de la demande, ils joueront sur les prestations sociales qui joueront le rôle d’amortisseurs. Le chômage partiel devrait être fortement pratiqué.
Le maintien de faibles taux d’intérêt est certainement incontournable pour favoriser l’investissement et réduire le poids de l’investissement. En revanche, cette politique fragilise, en revanche, l’ensemble de la sphère financière ce qui conduira à des mesures spécifiques en faveur de ce secteur qui sera, en outre, confronté aux faillites d’entreprise et au report d’échéances pour les crédits.
La crise en cours devrait aboutir à un accroissement du déficit public au sein de la zone euro qui s’élevait 0,5 % du PIB en 2019. Pour mémoire, il avait atteint plus de 6 % en 2009 lors de la crise financière. Un déficit moyen de 3 à 4 % du PIB est probable en raison de la baisse des recettes fiscales et l’augmentation des dépenses publiques. L’endettement public qui s’élevait à 85 % du PIB devrait à nouveau vivement augmenter et se rapprocher de 100 % du PIB. Les Etats italien et français, fortement endetté pourraient subir des écarts de taux avec l’Allemagne en l’absence de coordination au niveau européen.
La nécessaire réparation de l’économie
La crise devrait aboutir à une réduction du stock de capital en lien avec la multiplication des faillites, à une hausse du stock de dette des entreprises provoquant une fragilité financière accrue des entreprises, et à une augmentation du stock de dette publique, donc une dégradation de la solvabilité budgétaire des États. Dans ces conditions, le ralentissement de la croissance devrait réduire la croissance potentielle de la zone euro. Cette croissance qui est celle que la zone euro peut normalement obtenir, compte tenu de l’évolution de la population active, des gains de productivité et de la demande extérieure, autour de 1 %.
Après l’épidémie, les gouvernements seront contraints de conforter l’économie et d’essayer de relever le taux de la croissance potentielle. Il devrait en résulter pendant une période plus ou moins longue un interventionnisme public plus élevé. La situation pourrait alors s’apparenter à une sortie de guerre, sachant que tous les pays n’avaient pas récupéré de la même façon de la crise de 2008.
L’Allemagne qui depuis 1949 se refuse d’assumer son rôle de grande puissance économique et industrielle, sera sans nul doute amener à jouer un rôle international plus élevé, pour se sauver et pour sauver l’Europe. Par son poids économique et ses résultats, elle est de fait la puissance clef de la zone euro. Jusqu’à maintenant, ses dirigeants optaient pour un pouvoir en creux, ils devront certainement s’afficher davantage et prendre leurs responsabilités. Ils devront également tirer les conséquences de la fin de l’alliance privilégiée avec les Etats-Unis qui a modelé la vie économique et politique de l’Allemagne fédérale depuis soixante-dix ans.
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