Quelles capitales pour demain ?
Cet article s’inscrit dans le prolongement de celui sur les forces et faiblesses des nouvelles régions. Il a été élaboré à partir des données fournies par l’INSEE et la DATAR.
Le nouveau redécoupage régional fait la part belle aux grandes métropoles. Une liste provisoire des villes susceptibles de devenir chef-lieu des régions ayant fusionné sera prochainement élaborée par le Gouvernement et mise en débat auprès des Conseils régionaux, des élus locaux et des assemblées parlementaires. Si pour certaines régions une ville semble s’imposer comme capitale régionale, dans d’autres ce choix suscite des débats. C’est le cas notamment pour la région Bourgogne – Franche-Comté, la Normandie ou encore la région Languedoc- Roussillon – Midi-Pyrénées. Plusieurs villes pressenties pour devenir capitales régionales ne s’imposent pas comme cœur économique et politique naturel de leur région.
Certaines capitales régionales risquent d’être concurrencées par une ou plusieurs villes au sein des nouvelles régions. Par ailleurs, elles pourraient avoir du mal à fédérer certaines marges territoriales. Dans plusieurs régions, des départements peuvent être mal reliés à leur nouvelle capitale ou être attirés par un autre chef-lieu se situant dans une autre région. La décision de ne pas modifier les anciennes frontières régionales conduit, en effet, à la marginalisation de certains territoires dans le cadre des ensembles nouvellement définis.
Comment choisir la bonne capitale ?
En France, une capitale régionale se doit d’être le cœur démographique, économique, politique et culturel de sa région.
Aux Etats-Unis, au Canada ou en Australie, une capitale régionale n’est pas obligatoirement la ville la plus puissante de son Etat ou de sa région. En revanche, il est admis qu’une capitale doit être facilement accessible en voiture ou en transports en commun et qu’elle doit fédérer la population.
Pour déterminer le rayonnement d’une métropole, plusieurs critères peuvent donc être retenus le poids démographique, le rayonnement économique avec le nombre d’emplois, l’accès, les routes de circulation, les moyens de transports…
Le critère démographique
En France, le choix d’une capitale se porte généralement sur la ville, la plus peuplée et économiquement la plus importante mais cela n’a pas toujours été le cas. Des raisons historiques, politiques ou liées à la géographie ont pu imposer le choix d’une capitale qui n’était pas le cœur économique de sa région ou de son département. Ce fut le cas de Rouen par rapport au Havre, Rouen était moins peuplée mais disposait de l’atout historique. Par ailleurs, le facteur politique a certainement joué, le Havre étant longtemps dirigé par le Parti communiste à la différence de Rouen.
Certaines capitales ont pu connaître un déclin sans pour autant perdre leur titre, c’est le cas de Châlons-en-Champagne par rapport à Reims voire d’Orléans par rapport à Tours. Certaines grandes villes sont entrées dans le giron d’autres métropoles comme Orléans vis-à-vis de Paris.
Le rayonnement économique
Pour déterminer le rayonnement économique d’un territoire au sein d’une région, il est fréquemment utilisé deux critères : l’attraction exercée sur les travailleurs des autres territoires de la région et le contrôle exercé à travers les liens capitalistiques (liens d’actionnariat) avec les entreprises implantées dans les autres territoires de la région. Ainsi, une capitale régionale est d’autant plus centrale dans la vie économique de la région qu’elle attire des travailleurs venus des autres départements et qu’elle est le siège d’entreprises qui diffusent des capitaux vers les autres départements de la région.
Pour plusieurs régions, le capitale qui accueille le plus de travailleurs en provenance des autres départements de la région est également celui qui contrôle le plus d’emplois dans les autres départements de la région via des liens d’actionnariat Paris, Lyon, Toulouse, Lille, Nantes et Rennes sont sans conteste des capitales régionales naturelles sans concurrence au sein de leur région respective.
Dans d’autres régions, la situation est beaucoup moins claire. Ainsi, dans la région Bourgogne – Franche-Comté, Besançon attire le plus de travailleurs en provenance des autres départements de la région, mais Dijon contrôle le plus d’emplois dans les autres départements de la région via les liens d’actionnariat. La concurrence économique et politique entre ces deux villes risque d’être forte et cela commencera par le choix du futur nom de la région.
Dans les six autres régions, la métropole qui contrôle le plus d’emplois dans les autres départements via les liens d’actionnariat n’est pas nécessairement celle qui reçoit le plus de travailleurs en provenance de la région.
En Normandie, Caen contrôle plus d’emplois mais Rouen reçoit plus de travailleurs. Les deux villes disposent d’un fort passé historique. Rouen bénéficie d’être près du Havre et de Paris quand Caen est en déclin et plus rural. Rouen devrait à terme remporter le match surtout si elle s’associe avec le Havre.
En région Centre – Val de Loire qui n’est pas impactée par le redécoupage, il est à noter que Tours contrôle le plus d’emplois mais à peine davantage qu’Orléans alors qu’Orléans et Blois sont deux pôles qui exercent la force d’attraction la plus forte sur les travailleurs des autres départements. Tours dispose d’atouts en étant un carrefour autoroutier et en étant bien relié à Bordeaux et Nantes. Mais, ayant perdu la bataille au moment de la mise en place des régions sous le Général de Gaulle, elle ne peut guère espérer devenir capitale régionale.
En région Provence – Alpes-Côte d’Azur, également pas concernée par le redécoupage, Nice contrôle le plus d’emplois quand Marseille accueille le plus de travailleurs des autres départements de la région. Le poids de l’histoire joue pour Marseille même si sur le plan économique la capitale régionale s’étiole en raison de la perte d’attractivité de son port.
Dans la région Aquitaine – Limousin – Poitou-Charentes, Bordeaux exerce sans conteste un contrôle actionnarial sur le plus grand nombre d’emplois. C’est cependant le couple Bayonne-Pau qui reçoit le plus de travailleurs du reste de la région, du fait des déplacements domicile-travail des résidents des Landes.
Dans la région Alsace – Lorraine – Champagne-Ardenne, quand bien même que Strasbourg ait été désignée comme capitale régionale par la loi de 16 janvier 2015, Nancy contrôle le plus d’emplois via les liens d’actionnariat et Metz attire le plus de travailleurs des autres départements. C’est sans nul doute la région la plus complexe à coordonner sur le plan économique.
Nombre d’emplois contrôlés ou de travailleurs attirés par départements
Les moyens d’accès à la capitale et les forces centrifuges
Au-delà des effets de rayonnement économique, une capitale régionale peut s’imposer par sa force fédérative, par le fait qu’elle est facilement accessible des quatre coins de la région. C’est le principe qui avait prévalu au moment de la constitution des départements, le chef-lieu devant se situer à une heure de cheval. Paris et Lyon sont les deux capitales les mieux reliés aux différents départements de leur région. La capitale parisienne bénéficie du réseau national en étoile tant ferroviaire que routier. Lyon a valorisé son rôle de carrefour traditionnel nord-sud et est-ouest.
Mais à l’exception des deux métropoles précédentes, la décision de ne pas modifier le périmètre des régions fusionnées aboutit à ce que plusieurs départements soient, à l’avenir, attirés par d’autres régions.
Le Gard est davantage lié physiquement et économiquement à la région PACA qu’à la région Midi-Pyrénées – Languedoc-Roussillon. Marseille est plus présent dans une partie de l’ancienne région Languedoc Roussillon que Toulouse.
Plusieurs capitales régionales sont aujourd’hui mal reliées à une partie de leur territoire. C’est le cas du Languedoc-Roussillon – Midi-Pyrénées mais aussi de la Normandie et du Centre – Val de Loire. En région Alsace – Lorraine – Champagne-Ardenne, la moitié des dix départements se trouvent à plus de 2 h 30 en voiture de Strasbourg qui a été pourtant d’office désignée capitale régionale. Les quatre départements de la Champagne-Ardenne ainsi que la Meuse sont concernés. Sans nul doute que Nancy ou Metz étaient géographiquement mieux placés. Ces deux villes sont, en outre, économiquement assez dominantes. L’idée d’une ville tierce à la mode américaine aurait pu également être suggérée.
Dans le cas de la Normandie, Caen devrait être choisie en fonction du critère du temps de transports. Si Caen était désignée capitale régionale, seul un département se trouve à plus de 1 h 30 de la capitale régionale, contre deux dans le cas de Rouen.
Le choix des capitales sera donc délicat et devrait obliger les pouvoirs publics à maintenir de nombreux services régionaux et de l’Etat dans les anciens chefs-lieux des ex-régions, en particulier à Montpellier, à Metz ou à Besançon. Une autre conséquence de l’existence de forces centrifuges est certainement le maintien de nombreuses compétences aux départements. Si initialement l’objectif était de réduire les missions dévolues aux Conseils départementaux, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Le conservatisme et la réalité territoriale se sont imposés. Il faudra regarder si une disjonction entre puissance économique et rôle politique intervient dans le cadre des nouvelles régions. Aujourd’hui, il y a un précédent, celui de Châlons-en-Champagne, future ex capitale régionale qui avait été supplanté par Reims.
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