Pour un impôt général sur le capital
Pour un impôt général sur le capital
Le patrimoine des Français représente sept fois leur revenu disponible brut contre 4,3 fois en 1978.
La progression du patrimoine est imputable à l’accumulation d’épargne investie dans des actifs et dans leur appréciation. Le fait que la France soit en paix depuis 1945 ou 1962, la guerre d’Algérie si l’on retient le dernier conflit armé ayant duré plusieurs années et ayant mobilisé une part importante de nos forces armées, a facilité la progression de la valeur du patrimoine. Sur ces dernières années, à la différence des Trente Glorieuses et de la stagflation qui l’a suivie, le patrimoine a profité de la désinflation.
Ce sont les générations 55-65 ans qui sont les plus riches en France. C’est assez logique car ce sont celles qui ont tout à la fois profité de la croissance de l’après seconde guerre mondiale et, depuis 20 ans, de la valorisation du capital. Les générations qui les précèdent ont été handicapées par les guerres voire la crise de 29 (héritages plus faibles, biens détruits…). Celles qui les suivent n’ont pas suffisamment accumulé et ont été confrontées plus durement aux différentes crises (économiques et financières).
En matière de répartition de richesses, deux phénomènes contradictoires se superposent. Le premier aboutit à une répartition plus égalitaire entre les Français du patrimoine. Les 1 % les plus riches possèdent 13 % du patrimoine en 2004 contre 60 % en 1913 ou 30 % en 1945. Cette situation résulte tout à la fois à l’enrichissement des classes moyennes, à l’accession à la propriété d’un nombre croissant de Français (57 % des Français sont propriétaires et 75 % le sont au moment de la cessation de leur activité) ainsi qu’à l’impact des impôts et en premier des droits de succession.
Néanmoins, depuis une décennie, les 0,1 % des plus riches français ont tendance à accroître leur capital plus vite que la moyenne. Cette tendance est constatée dans tous les pays. La mondialisation économique s’accompagne d’une mondialisation des riches dont la valorisation du patrimoine obéit de moins en moins à des critères nationaux. Cette dénationalisation d’une partie des plus riches avait été annoncé par Robert Reich, ancien secrétaire d’Etat de Bill Clinton dans un livre « Economie Mondialisée » publié en 1993. Cette catégorie bénéficie de forte expansion de l’économie mondiale, des capacités démultipliées d’investissements et dispose des moyens pour s’affranchir aux mieux et légalement (dans certains cas illégalement) des contraintes fiscales. Cette super classe comprend les « manipulateurs de symbole » comme le souligne Robert Reich, les créateurs d’idées, d’innovations qui sont reprises par l’ensemble de la planète (Google, Apple) mais aussi ceux dont l’activité se situe dans le luxe ou dans les matières premières. La base (énergie, matières premières), le futile (le luxe) et les symboles (la communication) constituent les vecteurs de croissance de cette nouvelle catégorie de citoyens du monde.
Autre phénomène à prendre en compte concernant l’augmentation du patrimoine, c’est l’allongement de la durée de la vie. L’espérance de vie des Français atteint désormais 80 ans. A 60 ans, elle dépasse 22 ans. Tous les ans, nous gagnons de trois à quatre mois supplémentaires. Une telle situation a un double impact. Elle permet une accumulation plus longue d’épargne et favorise la constitution de patrimoine plus important ; deuxièmement, elle ralentit la mobilité du capital. Sauf en cas de donations, les enfants héritent de leurs parents de plus au moment où ils sont à la retraite ce qui ne favorise pas une réaffectation productive du patrimoine ainsi légué. En effet, hériter à 45 ou 50 ans ne conduit pas aux mêmes comportements qu’hériter à 65 ou 75 ans. Dans le premier cas, la tentation d’utiliser l’argent pour s’installer à son compte, pour créer une entreprise pour acheter une maison ou tout simplement pour consommer l’emporte sur la thésaurisation en vue de problèmes à venir (dépendance) ou liée à un comportement devenu plus prudent avec l’âge.
La refonte éventuelle de la fiscalité du patrimoine devrait prendre en compte ces évolutions. Un patrimoine est d’autant plus utile au pays qu’il est créateur de richesses. Taxer les revenus du patrimoine contribue à taxer une création de valeurs qui est positive. Un patrimoine rentable est toujours préférable à un patrimoine dormant.
Contrairement à quelques affirmations vite prononcées, les revenus du patrimoine ne sont pas exorbitants. La rentabilité moyenne du capital tourne actuellement, pour les ménages, autour de 3 %. De toute façon, sauf période exceptionnelle et bulles spéculatives, ce taux n’est jamais très éloigné du taux de croissance. Compte tenu de l’inflation et des impôts, les revenus du patrimoine ne sont pas des gisements fiscaux fantastiques et l’idée d’une taxation au même niveau que le travail n’a pas beaucoup de sens sachant que l’épargne ayant servi de base à ses revenus a déjà subi une taxation pour sa constitution.
Il conviendrait donc plutôt d’inciter les détenteurs d’actifs à les rentabiliser au mieux. De ce fait, l’idée de la suppression totale de l’ISF pourrait être contreproductive. Il faudrait au contraire assujettir tout le capital, biens professionnels et œuvre d’art compris, à un impôt mais dont le taux serait compatible avec le taux de rendement du capital. Il est certain que le taux de 1,8 % applicable à la tranche supérieure de l’ISF ne peut qu’inciter qu’à l’expatriation. Fixer un taux maximum autour de 0,3 à 0,5 % mais en supprimant toutes les niches fiscales serait certainement plus utile tant aux finances de l’Etat qu’à l’économie.
Par ailleurs, il convient non pas de revenir sur les mesures en faveur des donations mais les encourager pour favoriser la mobilité du capital. A ce titre, l’introduction réelle de la fiducie ou du trustee en France résoudrait un certain nombre de problèmes liés à la succession. La possibilité de transmettre en franchise fiscale des successions à des trusts, en particulier pour des PME, contribuerait à accroître la taille des PME françaises. Aujourd’hui, sauf à passer par des montages complexes, il est toujours difficile pour un chef d’entreprise à pérenniser son activité en la transférant à un trust qui offre aux héritiers d’un cadre juridique clair tout en pouvant les dégager des responsabilités de la gestion.
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