Pétrole, demain est un autre monde

27/05/2017, classé dans

Le sommet de l’OPEP qui s’est tenu à Vienne, le 25 mai dernier, a, sans surprise, abouti à une prolongation de neuf mois de l’accord de novembre 2016. À court terme, cette simple prorogation est jugée insuffisante pour peser à la hausse sur les cours du pétrole. Néanmoins, contre toute attente, l’Iran pourrait accepter de signer cet accord ce qui en renforcerait la portée.

Par-delà les négociations de cet accord, le pétrole a connu, en ce début de mois de mai, un petit accès de faiblesse, à 48 dollars le baril qui traduit bien les doutes des investisseurs sur l’évolution du marché. Les experts se divisent en trois blocs, le premier considère qu’un choc est inévitable à moyen terme en raison du sous-investissement, le deuxième parie pour une augmentation progressive des cours de 50 à 60/70 dollars quand le troisième penche en faveur d’une longue période de stagnation du fait de la montée en puissance des pétroles alternatifs.

La baisse des cours enregistrée de mi-avril à mi-mai est imputable à une augmentation, ces derniers mois, rapide de la production américaine, de non dégonflement des stocks dans un contexte de reprise modérée de la demande.

Contrairement aux souhaits et aux prévisions des Saoudiens, les producteurs américains ont plutôt bien résisté à la chute des cours. Il avait été un peu rapidement admis que le prix d’équilibre de production du pétrole de schiste se situait à au moins 60 dollars le baril ; or il apparaît qu’il pourrait, pour de nombreux gisements, être en-deçà de ce niveau. Par ailleurs, de nombreux petits producteurs ont fait l’objet de rachats de la part de compagnies plus importantes permettant des rendements d’échelle. Les nouveaux gisements sont d’une gestion assez souple. La production s’adapte très rapidement à la demande et aux variations de prix. Les gisements peuvent être ouverts rapidement, ce qui contribue à peser sur les prix. Selon une synthèse effectuée par Bloomberg, la production de brut pourrait avoir ainsi progressé de 1,4 million de barils par jour (Mb/j) en 2017, soit l’équivalent des efforts consentis par les partis ayant ratifié l’accord de l’OPEP. Le cabinet Rystad et AlphaValue estime de son côté l’augmentation de production à 1 Mb/j, quand JP Morgan l’estime à 800 000 b/j.

L’investissement qui était en fort recul depuis 2014 est reparti à la hausse. Ainsi, selon certaines études, 100 milliards de dollars devraient être, en 2017, investis dans le pétrole de schiste aux États-Unis. Le nombre de plates-formes de forage actives dans le pétrole, qui était passé de 1609 en octobre 2014 à 81 en mai 2016, est depuis remonté à 720. Par ailleurs, la productivité des puits augmente d’année en année. De janvier 2014 à janvier 2017, la productivité aurait triplé. Les puits de pétrole de schiste seraient rentables avec un baril à 35 dollars contre 60 dollars, il y a peu. Certains imaginent que la production de pétrole de schiste pourrait doubler d’ici cinq ans passant de 4,5 à 9 Mb/j.

L’accord de régulation, un effort payant mais pour combien de temps

En 2016, l’Arabie Saoudite constatant l’échec de sa bataille tarifaire pour reprendre en main le marché pétrolier a accepté la mise en place d’un accord de réduction de l’offre. Au mois de novembre 2016, l’OPEP s’était ainsi engagée à baisser sa production de 1,2 million de barils par jour (Mb/j). L’organisation a été rejointe, en décembre dernier, par des pays non-OPEP comme la Russie qui ont accepté de réduire leur production de de 600.000 b/j. L’écart entre offre et demande de pétrole qui avait atteint, en 2014, deux millions de barils jours s’est réduit pour descendre en-dessous d’un million. Au premier trimestre 2017, il se serait même contracté à 300 000 barils jour. L’accord a réussi à replacer le prix du baril au-dessus de 55 dollars mais l’équilibre est très précaire comme l’ont prouvé les évènements du début de mois de mai.

Les acteurs du marché pétrolier doutent du respect scrupuleux de l’accord. Plusieurs parties prenantes à cet accord sont susceptibles de jouer double jeu. Ainsi, la Russie a accepté une diminution de 300 000 barils/jour mais celle-ci est intervenue après que la production ait atteint un pic historique, l’effort est donc tout relatif. L’Iran, la Lybie et le Nigéria bénéficient de clauses favorables leur permettant d’échapper aux mesures coercitives. L’Irak a décidé d’intégrer l’accord mais pourrait aussi être tenté de ne pas le respecter scrupuleusement. Toute augmentation incite ces pays producteurs à en profiter en accroissant leurs ventes afin d’engranger des recettes supplémentaires.

La demande fera le prix du pétrole

Le pétrole est aujourd’hui bon marché car l’offre est pléthorique. Pour autant, une des clefs du prix du pétrole repose sur l’évolution de la demande. Cette dernière est censée selon les experts de l’Agence Internationale de l’Énergie augmenter de 1,3 million de barils/jour. Une prolongation des quotas permet de rééquilibrer totalement le marché et de commencer à réduire les stocks qui ont atteint des niveaux historiques. Ils pourraient revenir à la fin de l’année à leur niveau moyen de longue période.

Quels sont les facteurs pouvant contrecarrer l’augmentation du prix du pétrole ? La moindre croissance de l’économie mondiale et en particulier des pays émergents peut évidemment influer le cours de la demande de pétrole. Néanmoins, le développement de l’Afrique et l’augmentation du nombre de voitures devraient peser positivement sur la demande. A contrario, le vieillissement de la population mondiale jouera en défaveur de la consommation d’énergie. En effet, une population âgée achète plus de services et moins de biens d’équipement. Elle se déplace, par ailleurs, moins. L’autre point d’interrogation concerne la capacité des pays signataires de la COP21 de respecter leurs engagements de réduction des gaz à effet de serre. Pour éviter un dérapage de la température au-delà des deux degrés entérinés, une substitution d’énergies décarbonées aux énergies fossiles est nécessaire. Mais, le faible prix du baril du pétrole ralentit le développement des énergies dites renouvelables. Il encourage même par ricochet la consommation des sources d’énergie les plus polluantes comme le charbon ou le lignite. Il retarde la restructuration du paysage énergétique et dissuade la mise en œuvre de programmes d’économies.

Pour le moment, peu d’acteurs anticipent un réel rebond du prix du pétrole ce qui pourrait conduire par erreur d’anticipation à un choc très violent à moyen terme. Cette mauvaise appréciation du risque de remontée du cours du baril entraîne des erreurs d’anticipation sur les prix et sur les taux d’intérêt.

Les tenants de la thèse de la hausse violente des prix du pétrole tablent sur une augmentation rapide des besoins des pays émergents en raison de la forte croissance de leur parc automobile et de la progression du transport aérien. Dans le même, temps, ils considèrent que le pétrole de schiste atteindra rapidement ses limites d’autant plus que les cours seront bas durant une longue période. Le sous-investissement du secteur pétrolier serait la principale cause de ce choc. En deux ans, les investissements en exploration et en production de pétrole sont passés à l’échelle mondiale de 700 à 400 milliards de dollars. Le niveau élevé des stocks de pétrole masque la réalité des prix du pétrole. Ils atteignaient, fin 2016, au niveau de l’OCDE 4,7 milliards de barils contre une moyenne de 4,2 milliards en 2014.

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