L’intendance ne suit plus

30/09/2011, classé dans

En France, l’économie n’a jamais été considérée comme une science noble. Il n’est guère surprenant que nous ayons en ce domaine qu’un seul prix Nobel en la personne de Maurice Allais.

L’économie n’est au mieux perçue que sous la forme d’une contrainte qui ne saurait faire obstacle au politique ou au social. Une décision prise par un Gouvernement est rarement étudiée sous son aspect micro-économique, au mieux elle peut l’être au niveau macro-économique.

L’absence de culture économique n’est certainement pas sans lien dans le fait que la population française est une des plus opposées à la mondialisation, au marché, à la concurrence. Il est à noter que cette opposition idéologique ne se traduit pas dans les actes. Les Français comptent parmi les plus attachés à la consommation, aux derniers gadgets fabriqués en Chine, au Japon ou aux Etats-Unis. Le taux d’équipement en téléphone portable, en Smartphones ou tablettes des Français arrive en deuxième ou troisième position. De même, nous sommes de gros consommateurs de fastfoods tout en dénonçant la malbouffe et les effets de l’américanisation sur la santé.

Au-delà de cette contradiction, force est de constater que nous éprouvons les pires difficultés à appréhender les réalités économiques. Les campagnes électorales ne nous aident pas pour améliorer notre culture économique ; par l’accumulation de promesses, elles donnent l’illusion que tout est possible.

En France, il y a un principe « l’intendance suivra ». C’est au nom de ce principe que depuis plusieurs décennies, il est créé de nouvelles allocations, de nouveaux droits, de nouveaux musées, de nouveaux établissements publics sans que pour autant que d’autres soient supprimés. La règle « du toujours plus » du « jamais en arrière » considérée comme un recul s’applique quelle que soit la majorité en place.

Avec 1700 milliards euros de dette publique, avec un déficit public supérieur à 5 % du PIB, déficit qui existe depuis près de 40 ans, il faut bien prendre conscience que l’intendance ne suit plus mais nul se retourne pour constater qu’elle est désormais très loin de nous. Certes, nous pouvons refuser la réalité en maudissant le marché, en condamnant les agences de notation ou en accusant de complots contre l’euro, l’Europe ou la France les Américains mais rien n’y fera nous serons bon gré mal gré forcés d’admettre que tout a un temps surtout en matière de dépenses…

La France se caractérise par l’absence de consensus en matière économique. La prégnance des idées marxistes durant le 19ème et le 20ème siècles ainsi que le rêve du retour à la terre (tendance écologiste ou d’extrême droite) constituent autant de signes du rejet du système capitaliste. Aujourd’hui est pire qu’hier mais mieux que demain. Il y a un refus d’admettre les progrès et les succès enregistrés depuis des décennies et il y a chez nous un véritable pessimisme. Si les Français sont des consommateurs d’antidépresseurs, ce n’est pas sans raison. Nous broyons du noir et nous imaginons toujours que le ciel va nous tomber sur la tête.

Notre soif d’égalité génère de la frustration et de l’angoisse.

Les Français mettent l’égalité, avec son cousin la jalousie, au-dessus de tout et en premier lieu au-dessus de la liberté. Depuis plus de deux ans, la question sociale empoisonne la vie publique. Les causes et les responsabilités sont multiples. La centralisation et la division syndicale ne conduisent ni au consensus, ni à la responsabilisation des acteurs. Nous voulons ce que notre voisin a et si ce n’est pas possible, c’est à l’Etat de corriger la situation. Depuis la nuit du 4 août 1791, la chasse aux privilèges est un sport national mais qui ne se pratique que sur terrain extérieur. Surtout, évitez de regarder mes avantages. Nos privilèges sont légitimes, ceux de nos voisins beaucoup moins. Il en résulte un malin plaisir à l’autodénigrement et au rabotage par le bas. L’élite est honnie ; elle est suspecte d’avoir conquis ses galons non par ses compétences mais par ses relations, son origine… Certes, notre société de castes, notre goût immodéré pour les titres, les décorations, la bienséance créent en permanence des statuts, des inégalités qu’il faut en permanence abattre. La marché vers l’égalité à tout prix a eu comme conséquence contradictoire de fossiliser la société, de bloquer l’ascenseur social.

Le capitalisme est l’antithèse de l’esprit français. Il repose sur la transparence de l’information quoi qu’en disent ses détracteurs. Il admet temporairement l’inégalité pour permettre des transferts de richesses. Le capitalisme qui ne peut en aucun être assimilé à une idéologie, aucune situation n’est acquise.

La société française fonctionne selon le principe de la rente, la rente éducative, l’accès aux meilleurs diplômes est réservé aux enfants dont les parents sont également diplômés, la rente de la fonction publique, les enfants de hauts fonctionnaires ont plus de chances d’accéder eux-mêmes à la haute fonction publique, la rente sociale, la socialisation via les réseaux familiaux, éducatifs et professionnels jouent un rôle clef dans le déroulement de la vie des Français.

Contrairement aux idées reçues, le marché récuse l’idée de rentes. Il ne peut y avoir d’accès privilégié, de numerus clausus, d’autorisation pour exercer telles ou telles professions. De même, en situation de marché, le bénéfice est exceptionnel. Il a vocation, par le jeu de la concurrence, à tendre vers zéro. C’est dans les sociétés bloquées, dans les sociétés régulées que le bénéfice prend ses quartiers, s’accroît, prospère et devient insupportable.

La France n’a jamais admis le marché comme principe du système économique. Les tenants du protectionnisme, de l’encadrement ont toujours réussi à imposer leurs vues. L’Europe aujourd’hui contestée car paralysée a été construite pour retarder les évolutions et non pour préparer l’avenir. L’Europe, c’est au départ le charbon et la sidérurgie. Ce fut après l’agriculture qui absorbe encore aujourd’hui 60 % du budget européen qui se limite à 1 % du PIB quand les dépenses publiques représentent, en France, 56 % du PIB.

Certes, avec le marché unique et l’euro, l’Europe est devenu plus libérale mais le rejet du traité constitutionnel en 2005 démontre bien que cette évolution n’a pas été acceptée. Comble de l’ironie, les mêmes qui avaient combattu le Traité de 2005 réclame aujourd’hui plus d‘Europe et de fédéralisme. En se focalisant sur des annexes déjà en vigueur et qui le sont demeurées après le référendum, ils ont contribué à bloquer la construction européenne pour plusieurs années. Ils ont renforcé la vision britannique.

Le marché unique européen reste pourtant très embryonnaire du fait des différences en matière de fiscalité, de droit social et même matière de réglementation technique. La traduction des directives en droit interne s’effectue avec lenteur et en essayant de dénaturer les objectifs de départ. Ainsi, le marché de l’assurance, même s’il dispose d’une réglementation communautaire, demeure purement national.

Avec les Trente Glorieuses, nous avons pensé que le principe de « l’intendance suivra » était pérenne. L’évolution de la société est simple : moins de travail, plus de loisirs, plus d’argent. S’il y a un blocage, c’est à cause des forces conservatrices qui empêchent le progrès et qui captent une part croissante de la rente ou de la croissance. Il faut donc leur arracher des concessions voire leur imposer. L’histoire sociale française est émaillée de ces grandes luttes, de ces grandes conquêtes ; 1936, 1968, 1981… D’un côté, un patronat sur la défensive qui préfère tenir ses acquis car il sait qu’il ne sera soutenu par personne au moment où la rue se fera entendre. De l’autre, des syndicats qui récusent les équations économiques qui ne sont, à leurs yeux, que la traduction d’une domination du capital sur le salariat et qui tentent d’arracher le maximum d’avantages sans tenir compte des réalités économiques. Les syndicats réformistes sont accusés par les autres de faire le jeu du patronat et non de servir l’intérêt de leurs adhérents. La CFDT a payé, en 1995, son soutien au plan Juppé de réforme de la Sécurité sociale. Les syndicats défendent les salariés et non l’entreprise ; ils considèrent que c’est la mission des cadres dirigeants ; les actionnaires étant accusés de récupérer une rente indue. Il est difficile de faire admettre que cadres, salariés et actionnaires sont embarqués sur un même navire et que leurs intérêts convergent.

Les années 60 avec son taux de croissance supérieur à 3,5 %, avec une population active en augmentation et ayant un emploi, avec une croissance de la masse salariale, avec l’ascenseur social rendaient possible le financement de mesures sociales. Les gains de productivité permettaient d’absorber les surcoûts liés à l’accroissement des congés payés et à l’augmentation des cotisations sociales. Il faut souligner que les dépenses publiques avoisinaient les 35 % du PIB contre 56 % aujourd’hui, les prélèvements obligatoires étaient inférieurs à 40 %. La croissance permettait beaucoup et, par ailleurs, les dépenses de transferts étaient moindres qu’actuellement. A partir de 1973 et surtout après 1979, la croissance, les gains de productivité, l’emploi se sont étiolés. Il y a eu de petites rémissions mais à y regarder de près, il faut souligner que nous avons fait comme si rien ne changeait voire pire nous avons accéléré la vitesse du train de la dépense publique ou lieu de le ralentir. Quand la croissance repartait, il était hors de question d’assainir mais au contraire, il fallait faire plus. Le terme de « cagnotte » et l’expression « de partage des fruits de la croissance » ont été inventés au moment où la France avait des déficits, une dette en progression et un manque d’investissement. Mais le plus grave, c’est que nous n’avons pas voulu admettre que notre croissance était artificielle. Nous vivions à crédit et en important des gains de productivité du fait de la délocalisation de pans entiers de notre économie. Au nom de l’amélioration du niveau de vie et pour masquer certains dysfonctionnements, nous avons précipité l’économie dans un cercle vicieux : délocalisations pour importer moins cher sans pour autant créer de nouvelles activités, développement du chômage et de la pauvreté supposant des efforts supplémentaires en termes de finances publiques, renchérissant les couts de production qui incitent à délocaliser et ainsi de suite…

L’intendance ne suit plus car à force d’acheter de la croissance à crédit, le temps est venu de rembourser le capital et les intérêt.

Nous accusons les Etats-Unis d’avoir entraîné le monde dans l’enfer économique avec leurs subprimes et la titrisation. Ces crédits immobiliers ont généré, sans nul doute, une bulle immobilière et financière qui a entraîné une déflagration que nous n’avons encore terminé de payer. Mais si aux Etats-Unis, la croissance s’est nourrie de la dette privée constituée de prêts à des Américains pauvres qui ne pouvaient espérer rembourser que par les plus-values immobilières, force est de constater que l’Europe et tout particulièrement, la France, ont choisi un mode de développement similaire reposant sur la dette publique.

La dette publique est passée de 20 % du PIB en 1980 à 85 % en 2011. Les dépenses sociales représentent environ un tiers du PIB. Les fonctions publiques hospitalière et des collectivités locales ont augmenté d’environ 2 millions. La diminution de la croissance a été compensée pour les Français les plus vulnérables par l’augmentation des droits minimum. Le RMI puis le RSA pour les revenus, la CMU (CMUC pour les complémentaires) en matière de maladie, les tarifs spéciaux pour l’électricité, le téléphone et bientôt Internet, les allocations logement… prennent une part croissante dans les revenus de millions de Français. Ce système d’édredon de la disparition des gains de productivité s’applique également aux entreprises. Ainsi, le passage aux 35 heures a été acheté par un allègement sur les bas salaires qui coûtent aux contribuables 27 milliards d’euros par an selon la Cour des Comptes (2007).

Certains rêvent, en lieu et place de feu « le bouclier fiscal », d’instituer un bouclier social. Sur le papier, l’idée est louable mais n’est-ce pas la confirmation de l’instauration d’une société à plusieurs vitesses. Le risque de l’installation d’une part croissante de la population dans l’assistanat n’est pas sans fondement. A défaut d’être capable de faciliter l’employabilité d’une partie de la population, les pouvoirs publics veulent non plus guérir mais contenir la souffrance sociale.

Le coût croissant des dépenses sociales est supporté par les classes moyennes dont le pouvoir d’achat est menacé tant par les prélèvements publics que par la stagnation économique. Pour le cœur de la société française, la crainte du déclassement est fortement ressentie avec l’accroissement du chômage. Il est, en outre, pour ceux qui ne sont sur les marchés mondiaux, de plus en plus difficile de sortir par le haut de la classe moyenne. Robert Reich, ancien secrétaire d’Etat au travail de Bill Clinton, dans un livre paru dans les années 90, « l’économie mondialisée » avait bien analysé les tendances économiques et sociales. Il avait pronostiqué l’avènement d’une élite mondialisée pouvant s’affranchir des contraintes fiscales nationales, créateurs de symboles (innovations, communications, de biens et services uniques) et créateurs de richesses pour eux-mêmes et pour ceux qui les emploient. A leurs côtés, deux autres catégories, une classe d’actifs ne pouvant pas accéder directement au marché mondial mais mis en concurrence du fait des délocalisations. Cette classe centrale est à la merci des aléas de la conjoncture et des progrès réalisés dans les pays émergents ; enfin une classe d’actifs difficilement employables dans les conditions du marché et ne pouvant survivre que grâce à l’assistance.

La sortie de la crise suppose de dépasser cette segmentation de la population qui ne peut qu’aboutir à l’appauvrissement. Aujourd’hui, il y a non seulement un retour des thèses malthusiennes en vertu desquelles nous payons la surpopulation tant au niveau environnemental qu’au niveau économique mais aussi un retour des thèses marxistes avec le développement d’un sous-prolétariat.

La création du bouclier social ne serait que l’acceptation de la défaite économique. Il faudrait mieux opter pour un booster social qui aurait vocation sur une durée déterminée d’épauler ceux qui se retrouvent sur le bord du chemin. Il faut passer d’un traitement indifférencié, d’un traitement impersonnel de l’exclusion à un traitement personnalisé.

Il faut retrouver la logique de l’assurance et non s’abandonner aux délices vénéneux de l’assistance pour redorer le consensus, ne pas donner l’impression qu’un système à double ou triple vitesses s’instaure.

La priorité est de favoriser l’émergence de nouveaux secteurs d’activité. A force de concentrer notre attention sur la demande, nous avons oublié que c’est l’offre qui crée la richesse. Le keynésianisme ou du moins une certaine lecture du keynésianisme pouvait s’appliquer aux économies ayant des stades de développement voisins. Avec la mondialisation, opérer sur la demande permet, certes, de relancer la croissance mais par la consommation et donc par les importations. En 2009, tous les Etats occidentaux ont mis en œuvre des plans de relance qui ont réussi car nous sommes sortis de la récession mais ces plans n’ont pas modifier structurellement la donne. Ils ont eu un effet « drogue » évident. Le mal demeure avec simplement un peu plus de dettes. Face à cette situation, certains réclament la démondialisation. Il ne faut pas oublier que le commerce extérieur représente plus du quart de notre PIB. Par ailleurs, notre croissance, nos gains de pouvoir d’achat résultent en partie depuis dix ans justement de cette mondialisation. Détricoter ne serait pas sans incidence sur notre niveau de vie. De plus, il n’est pas si facile de relocaliser, de réinvestir dans des secteurs que nous avons abandonnés depuis années.

Dans notre histoire quand nous avons choisi le protectionnisme, nous l’avons payé très cher en termes de croissance et de développement. Il a fallu des années de sacrifices pour rattraper le retard. Il faut également se souvenir que la Chine était la première puissance mondiale sous François 1er mais qu’au XVème siècle, les Empereurs chinois ont décidé de ne plus commercer avec les étrangers car ils étaient assimilés à des barbares. Il en a résulté un long déclin qui a pris fin avec l’ouverture de la Chine au monde par Deng Xiaoping.

Nous devons agir sur l’offre en favorisant l’émergence de nouveaux secteurs et favoriser la concurrence. L’économie française mais plus largement l’économie mondiale souffre d’une insuffisance de concurrence. Il y a une concentration trop importante dans plusieurs grands secteurs notamment financier, énergétique, sidérurgique, informatique, dans les télécommunications… Nous avons laissé la main à des oligopoles qui disposent de rentes de situation. Les Etats-Unis avaient avec leurs lois antitrust réussit à casser les oligopoles, avant la seconde guerre mondiale et juste après, des compagnies pétrolières et des sociétés de télécommunication. Depuis, il a été impossible de mettre un terme aux situations de quasi monopoles de Microsoft ou de Google. Certes, aujourd’hui, Microsoft se fait dépasser justement par Google mais ces sociétés captent une rente indue et freine la diffusion des innovations.

Si régulation mondiale il doit y avoir, elle devrait surtout viser à fluidifier les marchés, à les rendre plus transparents et surtout à éviter des situations de monopole. Ce n’est pas le libéralisme qui est en cause dans la crise actuelle mais l’absence de libéralisme dans le sens que les asymétries d’information ont provoqué les subprimes et que le maintien de taux d’intérêt bas décidé par les pouvoirs publics a nourri un machine à bulles spéculatives.

L’emballement de l’endettement provient en grande partie de la décision des Etats ou plutôt des banques centrales de soutenir la croissance en abaissant les taux d’intérêt. Depuis 2001, à quelques rares exceptions, nous vivons avec des taux d’intérêt très faibles. Après l’éclatement de la bulle Internet et après les attentats du 11 septembre 2001, un consensus s’est dégagé en faveur d’une politique accommodante avec comme conséquence une altération de l’appréciation du risque. Pourquoi investir à long terme sur des investissements à la rentabilité aléatoire quand l’argent ne rapporte rien ? Il est plus avantageux de spéculer à court terme.

Le souhait de maintenir un volant de croissance par tous les moyens a tué la croissance à venir et a empêché une régénération de l’offre. Keynes était partisan de soutenir la demande pour éviter un arrêt de l’économie et donc l’instauration d’un cercle vicieux récessif mais il considérait que l’investissement matériel fournissait le multiplicateur le plus fort.

Aujourd’hui, la dérégulation financière est accusée de tous les maux mais il convient de se souvenir que la mise aux rebuts des dispositions nées de la grande crise de 1929 (séparation banque de dépôts, banques d’affaires, maisons de titres et banques…) a été décidé par les gouvernements afin de faciliter le placement des titres publics. En France, c’est Pierre Bérégovoy qui, entre 1984 et 1990, a engagé la grande mutation du marché financier français au moment où la dette publique et le déficit commençaient à exploser. Il est peut-être souhaitable de mieux encadrer la sphère financière et d’éviter la dilution du risque mais il faut être conscient que les Etats ont dans la dérive actuelle une lourde part de responsabilité.

Face à la crise qui s’étend, certains rêvent d’un nouveau modèle qui puisse s’affranchir des règles économiques actuelles. Le fantasme utopique se nourrit des contradictions. A la fois, nous crions à la destruction de l’environnement avec en filigrane la prise en compte de la rareté des ressources mais nous ne sommes pas prêts à en payer le prix.

Sur l’énergie, le débat se focalise sur le nucléaire. Avec l’accident de Fukushima, l’énergie nucléaire est remise en question par une partie des élites et de la population. Le principe de la sortie du nucléaire est de plus en plus évoqué sans pour autant que soit pris en compte l’ensemble des données du problème.

En effet, la sortie du nucléaire suppose de trouver une énergie ou des énergies de substitution pour l’électricité dont la consommation ne fait que croitre. Certes, les tenants de la décroissance rêvent d’une meilleure maîtrise énergétique, c’est souhaitable mais il faut prendre en compte l’augmentation de la population et la volonté de développer des transports propres. Tout conduit à une augmentation assez rapide de l’énergie électrique dans les prochaines années. Aujourd’hui, la France produit près de 80 % de son énergie électrique par le nucléaire. Il faut souligner que cette situation nous garantit une certaine indépendance et nous affranchit, en partie, des variations du prix du pétrole.

Les possibilités, en l’état actuel des techniques, de remplacer l’énergie nucléaire par de nouvelles énergies sont limitées. Le solaire ou l’éolien ne peuvent être que des compléments. L’ensemble des éoliennes installées en France produit moins d’électricité qu’une tranche d’une centrale nucléaire. En outre, l’énergie électrique ne peut pas être stockée ; il est donc délicat de dépendre du soleil et du vent pour fournir l’électricité de base. A défaut d’énergies nouvelles et renouvelables, la sortie du nucléaire se traduirait immanquablement par la construction de centrales au fuel, au gaz ou au charbon, polluantes, émettrices de CO2 et coûteuses pour les consommateurs. L’arrêt de la construction de l’EPR serait un non-sens économique. Si, aujourd’hui, il y a des surcoûts et des retards, c’est en grande partie à cause du sous-investissement de la part d’EDF et de l’Etat dans la filière nucléaire dans les années 90. Il y a eu alors une perte de compétences, de savoir-faire, une insuffisance de formation d’ingénieurs que nous payons à l’exportation mais aussi pour la construction de la centrale de Flamanville.

Du fait des contraintes en matière de pollution et du renchérissement des matières fossiles, l’accès à l’énergie sera un des enjeux majeurs des prochaines années. Bizarrement, la France qui a en la matière une tradition et des entreprises de pointe décident de se mutiler. En récusant d’office les gaz de schistes, la France accepte de se priver d’énergie et de capacité de développement. Bien évidemment, il faut préserver l’environnement mais cela ne doit pas empêcher de tenter de développer notre économie. Il en est de même avec les OGM où au nom du principe de précaution, la France a décidé d’opter pour le splendide isolement. En appliquant un tel principe, aurions-nous importé les pommes de terre, les tomates ou les kiwis en France ? En rejetant tout OGM, la France risque de passer à côté d’une révolution technologique. A force de récuser l’offre, il ne faut pas s’étonner que le moteur économique soit anémié.

La France se caractérise par l’étroitesse du moteur économique. Pourtant, nous disposons d’atouts non négligeables avec, en particulier, des infrastructures de bonne qualité. Il faut néanmoins ne pas les surestimer. L’Espagne possède un réseau de lignes à grande vitesse supérieur à celui de la France. Les lignes ferroviaires classiques sont rustiques et notre trafic de fret est condamné à prendre la route. Les liaisons interrégionales sont faibles que ce soit en train ou en avions. La région parisienne est menacée d’asphyxie par sous-investissement dans les transports qu’ils soient ferrés ou routiers. La France est également confrontée à une crise du logement qui est le produit de mesures malthusiennes. Elle est l’enfant de l’insuffisance de foncier constructible. Le caractère tatillon de la réglementation limite les possibilités de construction. Ce sont bien souvent ceux qui réclament plus de logements sociaux qui renforcent les contraintes pesant sur la construction de logements ou de maisons. Il est difficile de transformer la France en musée et de loger tout le monde.

Par ailleurs, les études Pisa de l’OCDE ont démontré que nous prenons du retard dans le domaine de la formation. Nous hypothéquons nos capacités à améliorer notre compétitivité dans les prochaines années en formant mal les jeunes. En outre, cela n’incitera pas les investisseurs étrangers à venir en France.

Pour développer nos atouts et renforcer notre compétitivité, il faut mieux orienter l’épargne, la dépense publique. Il faut oser remettre l’investissement, l’innovation et la formation au cœur des priorités.

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