L’euro, « quand je me considère, je me désole, quand je me compare, je me console » (Talleyrand)
Depuis quelques mois, l’euro, s’est stabilisé entre 1,05 et 1,08 dollar. La prévision d’une dépréciation jusqu’à la parité prévue pour le courant 2016 puis annoncée à nouveau en ce début d’année ne semble ne pas vouloir se réaliser.
Plusieurs facteurs jouent en faveur de la dépréciation de l’euro. Au premier rang d’entre eux figure la politique monétaire expansionniste de la Banque centrale conduisant à des taux d’intérêt beaucoup plus bas qu’aux Etats-Unis. L’écart entre les taux directeurs atteint 0,5 point. L’écart de taux des obligations à 10 ans de l’Etat américain et de l’Etat allemand est supérieur à 2 points.
Les difficultés budgétaires de plusieurs Etats membres contribuent peser sur le cours de la monnaie européenne. De même, le poids des créances bancaires douteuses en particulier en Italie mais aussi en Espagne ou au Portugal constitue un frein à l’appréciation de la monnaie commune. La faiblesse récurrente de la croissance européenne contribue également à celle de l’euro. Enfin, les incertitudes électorales en France mais aussi aux Pays-Bas voire en Allemagne ne sont pas sans incidence sur le taux de change. La montée en puissance des partis politique demandant la sortie de la zone euro, en France ou en Italie, fragilise la monnaie unique.
Pour autant, malgré ces facteurs et ces menaces, l’euro résiste. La valeur d’une monnaie est déterminée en premier par l’offre et la demande. Or, l’euro est recherché car dans leur ensemble, la zone euro dégage un important excédent structurel de la balance courante, près de 362 milliards d’euros en 2016 soit 3,2 % du PIB. Les importateurs de produits et de services européens ont besoin d’acquérir des euros. L’excédent compensait jusqu’à la fin de 2016 les sorties nettes de capitaux à long terme ; mais ce n’est plus le cas à la fin de 2016.
La capacité de l’euro via la politique de la BCE à surmonter les crises est mise à son profit et contribue à ralentir sa dépréciation.
L’euro qui est de loin la deuxième monnaie de réserve derrière le dollar bénéficie des incertitudes qui s’accroissent du côté de la Chine, des Etats-Unis ou du Japon. La politique américaine est moins lisible quand la Chine est confrontée à un ralentissement de son économie s’accompagnant d’une augmentation de l’endettement intérieur et de sortie de capitaux. La politique monétaire très expansionniste de la Banque centrale japonaise conduit à la dépréciation du yen. Le Brexit affaiblit la livre sterling et améliore par ricochet l’euro.
En prenant en compte la Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) vis-à-vis des Etats-Unis, le taux de change dollar-euro devrait se situer entre 1,15 et 1,17. L’euro est donc, aujourd’hui, sous-évalué d’environ 7 à 9 %. Cette sous-évaluation peut être considérée comme une prime de risques accolée à l’euro en raison des incertitudes pesant sur la zone. Elle constitue un avantage pour les exportateurs hors zone euro que Donald Trump souligne.
La décision de la FED de remonter une nouvelle fois ses taux le 15 mars prochain, même si elle est en grande partie anticipée, devrait favoriser la hausse du dollar. Or, Donald Trump accuse les Européens et en premier lieu les Allemands de maintenir sciemment un euro faible pour favoriser leurs exportations. La BCE pourrait être confrontée à un dilemme. Pour contrecarrer l’effet de contagion sur les taux généré par leur hausse outre-atlantique, elle pourrait être tentée de maintenir plus longtemps que prévu sa politique de rachats d’actifs. Par ailleurs, l’adoption de mesures protectionnistes aux Etats-Unis entraînerait un ralentissement de l’activité en Europe ce qui inciterait toujours la BCE à conserver des faibles taux d’intérêt. Or, cette politique est ouvertement critiquée par la nouvelle administration américaine. Etant donné que l’Allemagne serait la première concernée par l’application de mesures protectionnistes, elle pourrait faire pression pour éviter une trop forte dépréciation de l’euro. En outre, en raison d’élections législatives plus compliquées que prévu, Angela Merkel ne serait pas malheureuse de pouvoir afficher pour ses retraités et ses épargnants une hausse des taux d’intérêt. Dans ces conditions, un gentleman agreement pourrait s’instituer de manière informelle pour éviter une glissade trop forte de l’euro.
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