Les curseurs du Rendez-vous 2010
Depuis vingt ans, la question de l’avenir de nos retraites est au cœur du débat public. De la parution du Livre Blanc de Michel Rocard en 1991 au Rendez-vous de 2010, la France tente de relever le double défi de l’allongement de la durée de la vie et du papy-boom.
Le système de retraite de plain-pied dans le triangle de tous les dangers :
La montée des périls s’accroit au fil des jours. La vérité c’est que nous avons, pour les déficits des régimes de retraite, dix ans d’avance sur les prévisions les plus sombres. En effet, nous sommes entrés dans le vif du problème avec le départ des premières générations nombreuses d’après guerre. L’année dernière, plus de 700 000 actifs ont pris leur retraite.
Ce système qui repose sur la solidarité intergénérationnelle est également en péril du fait d’évolutions démographiques structurelles et conjoncturelles..
L’objectif n’est pas de remettre en cause la retraite par répartition mais bien de la préserver et de la conforter. Notre système de retraite est au cœur de notre contrat social tel qu’il avait été défini, en 1944, par le Général de Gaulle.
Nous ne pouvons pas ignorer que le déficit du régime de base de la Sécurité sociale dépassera, cette année, 10 milliards d’euros et que les régimes complémentaires comme l’Agirc et l’Arrco puisent déjà dans leurs réserves au point qu’elles auront totalement disparues dans trois ans. Du fait de l’évolution de la démographique, nous sommes passés de 4 cotisants pour un retraité au début des années soixante dix à aujourd’hui, 1,5 ; d’ici 20 ans, ce rapport sera de 1,3 et de 1,2 en 2050. Les gains d’espérance de vie, un trimestre par qui ont conduit au doublement de la durée de la retraite en un demi-siècle ont obligatoirement des incidences sur l’équilibre de nos régimes…
La crise économique actuelle n’a fait qu’accélérer le processus en empêchant le basculement des cotisations chômage sur les cotisations retraite provoquant un manque à gagner de 6 milliards d’euros et réduisant également le montant des cotisations perçues du fait de la stagnation de la masse salariale.
L’art des possibles
Depuis 1993, année d’ouverture du chantier de la retraite, les gouvernements et les partenaires sociaux ont touché à plusieurs curseurs. La choix de la réforme au fil de l’eau s’est imposée en France comme ailleurs car les régimes de retraite sont des tankers qui ne se manipulent qu’avec douceur faute de quoi ils peuvent s’échouer en provoquant d’importantes marées noires.
En 2010, quels sont les curseurs disponibles et comment les actionner ? Convient-il de prendre davantage aux actifs ? Faut-il explicitement ou implicitement réduire le pouvoir d’achat des futurs retraités ? Faut-il accroître le coût du travail en augmentant les cotisations ?
L’allongement de la durée de cotisation La durée de cotisation a été portée de 37,5 à 40 ans puis à 41 ans. Elle pourrait conformément à l’esprit de la loi Fillon qui prévoit de maintenir constant le rapport entre la durée de cotisation et l’espérance de vie durant la retraite être portée à 41,5 ans en 2020 voire à 43,5 en 2050. Aller au-delà semble bien difficile !
Reculer les âges légaux, une délicate évidence A la différence de certains de nos partenaires, la France n’a pas touché à l’âge légal de départ à la retraite transformé à tort ou à raison en graal. Avec l’allongement de la durée de cotisation que ce soit pour l’âge légal de 60 ans ou pour celui de la retraite à taux plein à 65 ans, une évolution est inévitable sous réserve de laisser le temps aplanir les tensions.
La retraite par points, l’objectif du prochain rendez-vous des retraites d’après 2012
Aujourd’hui, les pensions sont calculées sur la base des 25 meilleures années pour les salariés du privé et des 6 derniers mois pour les fonctionnaires, faut-il aller au-delà en retenant l’ensemble de la carrière ? Une telle évolution ne pourrait être réalisée qu’à travers une réforme globale du système et l’instauration d’un régime général unifié par points et en comptes notionnels. Cette transformation aurait l’avantage d’offrir à notre système de retraite une cure de jeunesse et de la simplicité. Cette mutation souhaitée par de nombreux experts ainsi que par la CFDT exige un fort consensus social et au préalable un large débat public qui pourrait intervenir à l’occasion, par exemple, de la prochaine élection présidentielle.
La nécessaire mais non exclusive augmentation des ressources Il faut oser l’avouer, nous ne pourrons pas nous passer d’une augmentation des recettes du fait de l’ampleur des dépenses à financer. Le maintien de la compétitivité de nos entreprises et du pouvoir d’achat des Français, moteurs de la croissance, limite néanmoins les marges de manœuvre en la matière. Un arbitrage entre cotisations et CSG devra être négocié.
Oser la réforme
Les réformes menées depuis 1993, avec notamment l’application de la simple indexation sur les prix, aboutissent à une baisse du taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre la pension versée et le dernier salaire reçue. Cette baisse dans les vingt prochaines années est évaluée entre 10 points pour les non-cadres et 20 points pour les cadres.
Si le recours aux curseurs permettra d’atténuer une partie la dérive des déficits, il n’assure pas le maintien du taux de remplacement.
Assurer l’avenir des retraites par le collectif et l’individuel
Pour maintenir la solidarité et solidifier le pacte social, il faut garantir un taux minimal de remplacement. Celui-ci doit être essentiellement atteint par la répartition mais aussi par des régimes assurantiels. Jusqu’à maintenant, Il faut avouer qu’en la matière, nous avons pratiqué l’expérimentation avec peu de succès en multipliant les dispositifs. Le plan d’épargne retraite populaire est tout sauf populaire et le Perco est tout à la fois un produit d’épargne salariale et de retraite or quand on fixe à un dispositif deux objectifs, il n’en atteint aucun.
Impliquer davantage les entreprises
Les prochaines années seront marquées par la poursuite du processus d’unification des caisses de retraite. Aux 120 régimes de base et 600 régimes complémentaires de 1990, ne devraient rester que quelques grandes caisses ayant la charge de gérer l’ensemble de la répartition. De ce fait, les partenaires sociaux disposent d’un nouvel espace pour créer de véritables régimes professionnels offrant des suppléments de retraite à l’échelle des entreprises ou des branches avec affiliation automatique ou obligatoire des salariés comme cela se pratique en Suède, en Allemagne ou en Italie.
De l’assurance-vie à l’assurance retraite Cet étage collectif demandé par les salariés devra être complété par un étage individuel ouvert à tous. Aujourd’hui, à défaut de trouver un bon produit retraite, les Français se sont rabattus sur l’assurance-vie, le véritable produit d’épargne populaire en France, 12 millions de contrats et 1300 milliards d’euros d’encours. A côté des assurances dommages (voiture, habitation), prévoyance (complémentaire santé) et vie (succession), il est temps de couvrir le champ de la retraite. C’est pourquoi il serait judicieux de partir de l’assurance-vie, le couteau suisse de l’épargne française. A cette fin, il suffirait de lui adjoindre une lame supplémentaire en créant un volet retraite. Les Français disposeraient ainsi d’une poche spécifique dans leurs contrats d’assurance-vie ouvrant droit à une rente au moment du départ à la retraite. La rente pourrait être défiscalisée, seules les contributions sociales étant appliquées. L’assuré, pour alimenter cette poche retraite, pourrait, soit le faire directement, ou à partir d’autres placements en franchise d’impôt jusqu’à l’âge, par exemple, de 55 ans. Afin de favoriser le financement de nos entreprises, il conviendrait d’éviter que ce type de placement soit soumis à des contraintes réglementaires byzantines que l’Europe entend imposer, avec Solvency II, au secteur de l’assurance tandis que les fonds de pension anglo-saxons ont négocié pour y échapper.
Les gouvernements et les partenaires sociaux devront être des artistes du possible afin de sauver la répartition mais ce pragmatisme nécessaire ne doit pas les empêcher de créer de nouveaux espaces de négociation et d’étendre des systèmes d’assurance qui donnent pleine satisfaction aux Français. Entre l’art du possible et la réforme, une route peut être tracée pour plusieurs décennies.
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