L’épineuse question des salaires modestes

20/08/2022, classé dans

En France, la crise sanitaire a relancé le débat sur la question de la revalorisation des bas salaires. Durant des années, les gouvernements ont tenté de favoriser l’emploi des personnes sans qualification en multipliant les exonérations de cotisations sociales. Cette politique a freiné la montée en gamme de l’économie, et provoqué l’augmentation du nombre de salariés à faible rémunération. Pour augmenter les bas salaires et créer un écart entre ces derniers et les revenus de l’assistance, les pouvoirs publics ont mis en œuvre des dispositifs comme celui de la prime d’activité ?

En France, près d’un cinquième des salariés gagnent moins de 1500 euros net par mois et 30 % gagnent entre 1500 et 2000 euros. Plus des Deux tiers des actifs (68 %) gagnent mois de 2500 euros quand 1,6 % gagnent plus de 8000 euros par mois.  Les salaires nets sont inférieurs en France à la moyenne de la zone euro du fait de la spécialisation de l’économie dans les secteurs domestiques et du niveau élevé des cotisations sociales ainsi que des impôts de production.

Compte tenu de la progression des dépenses pré-engagées (dépenses récurrentes sur lesquelles les capacités d’arbitrage des ménages sont limitées. Ces dépenses comprennent celles liées au logement, aux abonnements et aux assurances. Ces dépenses sont passées de 2001 à 2021 de 27 à 33 % sachant qu’elles sont proportionnellement plus fortes pour les ménages à revenus modestes. L’augmentation du coût des logements explique cette évolution qui contribue au ressenti d’appauvrissement des Français.

Pour augmenter les revenus des ménages modestes, plusieurs solutions existent : le relèvement des salaires et notamment du SMIC ou la hausse des transferts sociaux.

Un des principaux canaux d’augmentation des salaires repose sur le processus de revalorisation du SMIC. Ce dernier est revalorisé chaque année en fonction de l’inflation mesurée pour les 20 % des ménages ayant les revenus les plus faibles et sur la base de la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire moyen des ouvriers et des employés. Le Gouvernement a la possibilité de faire des ajustements en cours et des relèvements supérieurs à la formule. Les revalorisations du SMIC ont abouti à un écrasement des salaires. En 2021, le SMIC représentait 61 % du salaire médian, alors que ce ratio est inférieur à 50 % au sein de l’OCDE. Pour éviter cet écrasement, les pouvoirs publics peuvent inciter les entreprises à relever les bas salaires. En France, deux millions de salariés sont payés au SMIC, soit 12 % de la population salariée.

Une hausse généralisée des bas salaires

Ces dernières années, l’Etat a contribué à la hausse des salaires à travers les exonérations ou au transfert des charges sociales payées par les salariés. Cette politique peut être générale ou ciblée sur les bas salaires. Dans ce dernier cas, elle génère des effets de seuil qui freine l’ascension sociale. Elle maintient un nombre important de salariés dans des emplois à faible valeur ajoutée. L’Etat peut inciter les entreprises à verser des primes ou à proposer des heures supplémentaires. De telles mesures ne sont pas sans limites car elles peuvent nuire à la compétitivité prix. Les entreprises qui n’arrivent pas à dégager des gains de productivité suffisants ou qui n’arrivent pas à répercuter la hausse de leurs coûts sur leurs prix, sont contraints de comprimer leurs marges bénéficiaires. Celles des entreprises françaises sont traditionnellement inférieures à celles de leurs homologues européennes. Il en résulte de moindres capacités d’investissement et d’innovation. Le taux d’investissement net des entreprises françaises, malgré la reprise post-covid, reste anormalement bas depuis la crise financière.

La hausse sélective des salaires

Les entreprises ayant des marges élevées sont censées redistribuer une partie des gains de productivité au profit de leurs salariés. En France, les écarts de salaires entre les différents secteurs d’activité sont relativement faibles du fait de l’existence du SMIC et d’une forte pression égalitaire. Néanmoins, avec l’apparition de goulets d’étranglement en matière de main d’œuvre, la situation pourrait être amenée à changer. Les entreprises pour attirer et fidéliser leurs salariés devront leur offrir de meilleure rémunération. Les entreprises les plus productives seront ainsi favorisées ce qui amènera un renouvellement du tissu économique, renouvellement qui est traditionnellement lent en France.

Le renforcement des transferts publics

Pour compenser la modicité des bas salaires et accroître l’écart entre ces derniers et les revenus de l’assistance, les pouvoirs publics peuvent jouer sur les transferts publics aux ménages. Dans cet esprit, ils ont institué la Prime d’Activité en 2016. Elle prend la forme d’un complément de revenus en vigueur et dont les conditions d’accès ont été élargies lors de la crise des « gilets jaunes » en 2019. Pour en bénéficier, une personne célibataire doit percevoir moins de 1,5 SMIC. Le plafond mensuel est croissant en fonction de la situation maritale et du nombre d’enfants à charge. 4 578 700 touchaient la Prime d’activité en mars 2022. Le coût total pour les finances publiques est de 9,4 milliards d’euros (2019). L’Etat se substitue aux entreprises pour assurer une partie des revenus des ménages. Pour les 20 % des ménages les plus modestes, les prestations publiques représentent plus de 30 % de l’ensemble de leurs revenus. Cette socialisation n’incite pas les entreprises à relever les salaires et à monter en gamme. La France se caractérise par une forte inégalité salariale avant prestations et par une tout aussi forte égalité après prestations. Les agents économiques se sont ainsi défaussés sur l’Etat pour la réduction des inégalités. La socialisation des revenus contribue ainsi à l’augmentation des dépenses publiques, des prélèvements obligatoires et de l’endettement.

Les pouvoirs publics peuvent donc opter pour une hausse du salaire minimum, avec en conséquence soit une perte de compétitivité-prix, soit une compression des marges bénéficiaires. Ils peuvent choisir une augmentation des transferts publics (Prime d’Activité), avec le problème de coût pour les finances publiques ou inciter les entreprises à relever les salaires en tenant compte des gains de productivité. La troisième solution si elle a comme défaut d’être inégalitaire est la plus à même d’améliorer le contenu de la croissance.

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