L’endettement sans fin ?
De 1995 à 2018, la dette totale (privée et publique) est passée, au sein de l’OCDE, de 200 à 260 % du PIB. Son envolée a commencé avant la crise de 2008. Durant les huit années précédant la crise, la dette augmente de 20 points de PIB. Cette hausse est imputable à la baisse tendancielle des gains de productivité. Les Etats ont continué à augmenter les dépenses publiques en prenant comme référence une progression de ces gains autour de 2 %, soit plus d’un point au-dessus de leur niveau actuel. La grande récession de 2008 se traduit par une explosion de la dette publique qui atteint 110 % du PIB en 2012 contre 70 % en 2007. Elle est l’occasion d’un grand transfert de dettes. Cette explosion s’accompagne, en effet, d’un dégonflement de la dette des ménages qui passe de 120 à 108 % du PIB de 2008 à 2012. La dette des entreprises augmente, en revanche, à partir de la crise de 2008 en passant de 70 à 80 % du PIB. Une grande substituabilité des dettes entre les différents agents économiques est constatée ces dernières années. Les États ont ainsi récupéré avec la crise une partie des dettes du secteur bancaire, expliquant la brusque augmentation de leur endettement. Le transfert au détriment des pouvoirs publics a été facilité par la mise en œuvre des politiques de rachats d’obligation d’État décidées par les banques centrales et par le maintien de taux historiquement bas. En outre, l’aversion croissante aux risques a poussé les investisseurs à privilégier les titres publics. Au sein de l’OCDE, les taux d’intérêt à 10 ans sur les emprunts d’État sont passés de 8 à moins de 2 %. Depuis la crise, à l’exception de l’Allemagne, les dettes publiques sont, dans les pays de l’OCDE, soit juste stabilisées, soit en hausse.
La progression de l’endettement des Etats, au-delà de l’effet crise, est liée à celle des dépenses sociales. Du fait du vieillissement de la population, les dépenses publiques sont, de plus en plus, déconnectées de la croissance, des gains de productivité. Le vieillissement accroît les dépenses de retraite, de santé et de dépendance. Il pèse sur les recettes publiques car il s’accompagne d’une contraction ou d’une moindre progression de la population active. Le passif social des États a tendance à augmenter. Il se situe bien souvent à plus de 200 % du PIB, ce qui ne peut que provoquer à terme une augmentation substantielle de l’endettement. Les administrations publiques, du fait d’importants recrutements dans les années 80, sont confrontées au vieillissement de la population active. Cette problématique est un des points clefs de la future réforme des retraites. Avec le futur régime universel, l’uniformisation des taux de cotisation pourrait aboutir à sortir du champ budgétaire une partie des dépenses de retraite des agents publics.
Si aux Etats-Unis, l’endettement des ménages est en retrait, il en est différemment en Europe. Il est alimenté par l’augmentation des valeurs des différents actifs et en particulier de l’immobilier. Ce mouvement est favorisé par l’accroissement des liquidités. Au sein de l’OCDE, le prix des maisons a été ainsi multiplié par 2,5 depuis 1995.
Les entreprises et les investisseurs sont enclins à s’endetter du fait des effets de levier. La forte croissance des indices boursiers qui ont battu record sur record ces quatre dernières années (à l’exception du CAC 40) confortent cette tendance. Les entreprises s’endettent de plus en plus aux Etats-Unis pour racheter les actions afin d’améliorer les revenus immédiats des actionnaires.
Depuis 2012, l’endettement global est en hausse en raison d’une mauvaise appréciation de la croissance. Aux Etats-Unis, la mise en œuvre du plan fiscal par Donald Trump conduit à faire passer la croissance américaine au-dessus de sa croissance potentielle. Les agents économiques peuvent considérer que cette croissance est amenée à perdurer et peuvent donc s’endetter au-delà de raison. La progression de la dette est actuellement donc imputable à la politique expansionniste des banques centrales, au refus de lutter contre la hausse des prix de l’immobilier et pà une surévaluation de la croissance.
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