L’économie de Gaza, une équation impossible

13/11/2023, classé dans

2,3 millions de personnes vivent dans la bande de Gaza dont la superficie est de 360 kilomètres carrés, soit un territoire grand comme la ville de Marseille. La densité de population est de près de 7 000 habitants par kilomètre carré, une des plus importantes au monde. La population dont une part non négligeable est constituée de réfugiés dépend, pour vivre, de l’appui d’États et d’organisations extérieures. Le Qatar, la Cisjordanie, Israël, l’Union européenne, l’Iran et l’ONU figurent parmi les soutiens financiers de ce petit territoire.

Une situation économique et financière extrêmement tendue

Depuis de nombreuses années, la situation économique de la bande Gaza et plus globalement des territoires palestiniens a tendance à se dégrader. Ces territoires, avec Israël, sont censés constitués un marché unique, régi par un accord de l’ONU de 1994, à la suite de la signature des Accords d’Oslo en 1993. L’accord de 1994 reposait sur le principe d’une libre circulation des biens, des services et de la population. Les Palestiniens devaient pouvoir travailler en Israël et, par leurs revenus, financer le développement économique des territoires palestiniens. Cet accord, compte tenu des problèmes de sécurité, n’a été que partiellement appliqué. Seuls 20 000 Gazaouis sur 2 millions ont reçu l’autorisation de travailler en Israël tout comme 140 000 habitants de Cisjordanie (pour une population de 2,7 millions de personnes). Depuis le retrait d’Israël le 12 septembre 2005 décidé par Ariel Sharon, la dépendance aux donateurs extérieurs s’est accrue avec une montée en puissance du Qatar et de l’Iran.

L’écart de revenus entre Israël et les territoires palestiniens est important. Le revenu moyen des Israéliens est quinze fois supérieur à celui des Palestiniens. Seul un tiers des Cisjordaniens ont accès à un système d’égouts et 10 % n’ont pas accès à l’eau courante. Entre 2007 et 2022, la croissance du PIB par personne en Cisjordanie a été en moyenne de 2,8 % par an entre 2007 et 2022. Dans la bande de Gaza, le PIB par habitant sur la même période a reculé de 2,5 % par an. En un quart de siècle, le PIB par habitant a été divisé par deux à Gaza quand il a progressé de 50 % en Cisjordanie. Plus de la moitié de la population adulte de Gaza vivait, selon le FMI, en 2021, en-dessous du seuil de pauvreté. Le taux de chômage atteint 40 % dans la bande de Gaza. Il s’élève à 12 % au sein de la Cisjordanie. Gaza ne reçoit, en moyenne, qu’un tiers de ses besoins en électricité. Les différentes guerres menées par le Hamas depuis 2007 ont provoqué la perte de l’équivalent d’une année de PIB. Le taux de fécondité est de 3,9 enfants par femme à Gaza et de 3,8 en Cisjordanie, contre 2,9 en Israël. Plus des deux tiers de la population a moins de 30 ans. En 80 ans, la population a été multipliée par dix. Une majorité des habitants de ce territoire sont des réfugiés.

Les sources de financement de la bande de Gaza

Même si l’Autorité palestinienne (AP) ne contrôle plus la bande de Gaza, dirigée par le Hamas depuis 2007, elle contribue aux revenus de 70 000 Gazaouis, essentiellement d’anciens fonctionnaires. L’Autorité palestinienne continue également à payer les factures d’électricité de Gaza. Le Qatar verse environ 10 millions de dollars par mois  sur les comptes bancaires de milliers d’autres habitants avec l’accord implicite d’Israël. L’ONU finance, de son côté, des écoles qui bénéficient à 300 000 enfants de Gaza et un réseau d’hôpitaux qu’elle gère avec des associations caritatives.

Le Hamas a, depuis son accession au pouvoir, structuré la mince économie de Gaza à son profit. Les aides allouées à la population sont souvent assorties de conditions (participation à l’effort de guerre ou enrôlement des jeunes dans les groupes paramilitaires). La branche administrative du Hamas verse des salaires à 50 000 fonctionnaires. Ces derniers étaient 20 000 en 2007. Le Hamas, pour se financer, taxe les importations. Officiellement, elles ne proviennent que de l’Égypte. La nourriture et le carburant traversant la frontière égyptienne sont soumis à une taxe de 16,5 %. Le Hamas  a institué une taxe de trois shekels (0,75 $) par kilo de poisson capturé par les pêcheurs et prélève l’impôt sur le revenu. Au total, les ressources du Hamas atteindraient 1,5 milliard de shekels par an (1,1 milliard de dollars). Les différents groupes islamistes de Gaza reçoivent environ 100 millions de dollars par an de l’Iran. Le Hamas reçoit également des dons individuels du Golfe et de l’Occident, dont certains via des crypto-monnaies. Israël tente de bloquer régulièrement ces transferts en gelant les comptes à Istanbul et à Londres.

De son côté, la Cisjordanie se finance en partie par les taxes sur les importations et les exportations. Ces taxes servent en partie à financer la bande de Gaza. Les droits prélevés représentent environ les deux tiers du budget de l’Autorité Palestinienne. Certains responsables israéliens souhaiteraient réduire ces paiements, soit pour réorienter l’argent vers la reconstruction de Gaza, soit dans l’espoir de mettre un terme aux paiements effectués par l’Autorité Palestinienne aux familles gazaouies. D’autres responsables israéliens soulignent que la stabilisation de la Cisjordanie passe par son développement économique avec la réalisation d’infrastructures qui pourraient être financées par les droits de douane.

L’Union européenne finançait, jusqu’en 2022, à hauteur de 50 millions d’euros par an des actions humanitaires à Gaza. La Commission de Bruxelles a décidé de porter, au mois d’octobre, cette aide à 75 millions d’euros après avoir hésité à la supprimer. La politique de soutien de l’Union est mise en œuvre en étroite coopération avec les Nations unies et leurs agences. Elle fait l’objet de contrôles pour éviter autant que possible que les aides servent à financer des opérations terroristes. Au-delà de cette aide humanitaire, l’Union européenne est le plus important soutien financier des Palestiniens. Une enveloppe de 1,2 milliard d’euros a été prévue entre 2021 et 2024 pour aider les Territoires palestiniens à se développer. Cette somme sert à financer des projets, notamment dans le domaine de l’éducation ou la santé. En 2022, la France a dépensé 95 millions d’euros en faveur des Territoires palestiniens. Selon le Ministère des Affaires étrangères, cette aide est concentrée sur le soutien aux populations dans les domaines de l’eau, de la santé, de la sécurité alimentaire et de l’éducation. Versée notamment par le biais des Nations unies, cette aide bénéfice aux populations palestiniennes résidant à Jérusalem-Est, en Cisjordanie, à Gaza et dans les camps situés dans les pays voisins.

Israël est confrontée à un dilemme, celui de financer les Palestiniens afin de favoriser le développement de leur territoire au risque de financer des groupes terroristes. D’un autre côté, le délitement de l’économie de la bande de Gaza, au-delà du désastre humanitaire, nourrit le terrorisme.

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