Le va-tout du Gouvernement sur l’investissement était-il nécessaire ?

14/04/2015, classé dans

Le point noir de l’économie française mais plus globalement européenne est la faiblesse de l’investissement. La faible utilisation des capacités de production, autour de 76 %, en France, tout comme les incertitudes économiques n’incitent pas, jusqu’à maintenant, les chefs d’entreprise à casser leur tirelire. Or, l’investissement par son effet multiplicateur sur la croissance est indispensable pour conforter la reprise et pour améliorer la compétitivité des entreprises.

C’est dans cet esprit que Manuel Valls a annoncé un plan en faveur de l’investissement intégrant un système d’amortissement majoré applicable entre avril 2015 et avril 2016. Une entreprise procédant à un investissement industriel pourra donc, à titre exceptionnel, déduire 140 % de ce montant. Cela devrait représenter une économie d’impôt de plus de 13 % du montant de l’investissement, au taux normal de l’impôt sur les sociétés. Ce dernier impôt devrait être réduit en 2015 de 25 milliards d’euros. Il ne s’agit pas d’un crédit d’impôt et ne sera donc pas accessible aux entreprises enregistrant des pertes. L’instauration d’un crédit aurait pu être requalifiée de subvention par la Commission de Bruxelles et jugée illégale.

Le Gouvernement a également validé un plan de travaux autoroutiers à hauteur de 3,2 milliards d’euros. Les compagnies d’autoroutes se sont engagées à réaliser 80 % des travaux dans les trois ans. L’effort par rapport aux programmes déjà prévus est d’environ 500 millions d’euros. Cela devrait avoir un effet positif sur le secteur des travaux publics qui fait face à la baisse des commandes de la part des collectivités locales. Concomitamment, le Gouvernement a signé le jeudi 9 avril dernier, un accord avec les sociétés d’autoroutes. Cet accord prévoit un gel des tarifs de péages autoroutiers pour 2015 en contrepartie d’un allongement de deux ans de la durée actuelle des concessions.

La Banque publique d’investissement devrait accorder 8 milliards d’euros de prêts d’ici 2017, soit 2 milliards d’euros de plus qu’initialement prévu. Ces prêts additionnels seront en partie financés grâce au plan Juncker de la Commission de Bruxelles.

Le Gouvernement a également annoncé le prolongement du crédit d’impôt transition énergétique afin de permettre aux ménages de réaliser des travaux l’année prochaine. Le budget alloué aux aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) sera également augmenté de 70 millions d’euros en 2015, l’objectif étant de venir en aide à 50 000 ménages.

Le Premier Ministre a confirmé la nouvelle mouture des plans Etat-Région afin de soutenir de grands projets d’infrastructure. 17 ont d’ores et déjà fait l’objet d’un accord avec les assemblées régionales. Ils ont pour objectif de financer de grands projets d’infrastructure : lignes de train, routes, ports, campus étudiants… Les contrats de plan mobilisent plus de 25 milliards d’euros d’investissement public pour les six années à venir, auxquels s’ajoute la participation des autres collectivités locales. En la matière, les annonces ne faisaient que confirmer des projets déjà validés.

Le Premier Ministre a confirmé le déploiement de la fibre optique sur tout notre territoire. L’objectif est que tous les Français puissent avoir accès au très haut débit en 2022, dont 50 % dès 2017. Pour la téléphonie mobile, les zones blanches devront être supprimées d’ici 2016. 20 milliards d’euros seront investis d’ici 2022 : 13 milliards d’euros proviendront d’opérateurs privés et 7 milliards de subventions publiques grâce au programme d’investissements d’avenir et la Caisse des dépôts et consignations.

Des mesures ont été révélées afin de soutenir l’investissement au sein des collectivités locales. Le remboursement de la TVA devrait être amélioré et accéléré. Des décisions concrètes seront présentées d’ici le mois de mai. D’ici là, il est prévu que la Caisse des dépôts puisse mettre des prêts à taux zéro à disposition des collectivités locales pour qu’elles bénéficient d’une avance sur les sommes que l’Etat leur verse au titre du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA).

Les préfets de région devront d’organiser des conférences régionales de l’investissement public dans les deux mois, en lien avec les présidents de région et d’agglomération.

Au moment où le crédit aux entreprises est en croissance, est-ce que ces mesures ne sont-elles pas superflues ? Elles risquent de créer des effets d’aubaine et de réduire les recettes fiscales. Elles peuvent générer un effet de paille. Les entreprises vont se dépêcher à investir en 2015. De ce fait, en 2017, la France pourrait connaître un contrecoup avec un ralentissement de l’investissement. Il est certain que les entreprises ont repris le chemin du crédit et de l’endettement en ce début d’année. Ainsi, selon la Banque de France, l’endettement des sociétés non financières a progressé au mois de février de 5,1 % après une hausse de 4,6 % au mois de janvier. Le taux de croissance du crédit aux entreprises était de 2,9 % en février après 2,6 % en janvier et celui de l’endettement de marché de 8,9 % après 8 % en janvier. En un an, l’endettement des entreprises non financières a progressé de 66 milliards d’euros. Le coût moyen des crédits bancaires était, en février, de 2,0097 % et celui du financement de marché de 1,18 %.

Le Gouvernement fait le pari inverse. En annonçant son programme d’investissement, le Premier Ministre veut pousser les entreprises réfractaires à investir. Il entend casser la spirale du scepticisme. Le financement de ce plan se ferait par la réalisation de nouvelles économies. Manuel Valls a surtout le secret espoir que le retour de la croissance génèrera un surcroît de recettes…

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