Le Grand déménagement

25/03/2023, classé dans

Les confinements en 2020 et 2021 se sont traduits par des migrations de nombreux ménages en-dehors des villes. Ces migrations ont été bien souvent temporaires mais pour certaines d’entre elles définitives. Par ailleurs, l’épidémie a amené également des changements sur le plan professionnel. Un nombre non négligeable de Français souhaitent changer de travail voire de vie. Ces aspirations donnent lieu à des départs des grandes villes. La recherche de logements plus grands à proximité de la mer ou d’espaces verts s’est accrue au détriment de ceux situés dans les grandes agglomérations. Ce phénomène qui préexistait avant l’épidémie s’est amplifié depuis. L’INSEE a réalisé une étude pour mesurer l’ampleur de ces changements à partir de données originales comme les contrats de réexpédition définitive de La Poste, le répertoire statistique des véhicules routiers, les effectifs d’élèves scolarisés dans le premier degré.

En combinant ces données, l’INSEE confirme que les régions de l’arc atlantique et du sud du pays attirent un nombre croissant de Français quand les régions de l’Île-de-France, du Grand Est et des Hauts-de-France en perdent. Pour certaines régions, les évolutions sont plus contrastées. La Bretagne a connu une forte augmentation des entrées en 2021 mais cet effet s’estompe en 2022. Un diagnostic analogue peut être porté sur la Normandie et la Nouvelle-Aquitaine. Les Pays de la Loire qui connaissaient une forte augmentation des entrées de 2017 à 2019, ne progressent pas au cours des années suivantes.

En Île-de-France, les arrivées sont moins nombreuses que les départs. La région connaît un faible taux d’entrées avec une augmentation des sorties. L’accentuation du déficit de l’Île-de-France profite à toutes les régions, y compris celles du nord et de l’est.

Les flux en faveur des villes de taille plus modeste s’accroissent

Les mouvements migratoires observés à l’aide des données de La Poste avant la crise sanitaire deviennent plus favorables aux villes de taille moyenne ou petite. Les aires urbaines de moins de 200 000 habitants dont la population était en hausse avant 2019 ont renforcé leur pouvoir d’attraction. C’est le cas par exemple des aires de Colmar et de Vannes. Les aires urbaines de moins 50 000 habitants attirent des nouveaux arrivants véhiculés.

Avant la crise, les grandes aires de plus de 700 000 habitants hors Paris avaient une attractivité globalement positive. Entre 2013 et 2018 s’y installaient davantage d’habitants qu’il n’en partait, sauf pour Lille et Grenoble. Après 2020, ces grandes aires connaîtraient plus de départs que d’arrivée. À Paris, le phénomène déjà à l’œuvre avant 2020 se serait amplifié. Pour de nombreuses grandes villes, les départs donnent lieu à une augmentation de la population résidant en périphérie.

En 2021, dans les aires de plus de 700 000 habitants, les couronnes accueillent depuis leur pôle 2,68 fois plus de ménages qu’il n’en part. Pour l’agglomération lyonnaise, le rapport est de 1 à 3. Pour l’aire de Paris, le mouvement de périurbanisation du territoire se renforce. Le ratio des entrées sur les sorties augmente fortement, de 1,87 en 2019 à 2,15 en 2022, avec un pic à 2,38 en 2021.Les variations sont moins marquées pour les aires de 200 000 à 700 000 habitants. Elles sont faibles ou inexistantes dans les aires de moins de 200 000 habitants. Le cœur des grandes agglomérations souffrent en raison du coût des logements, du manque d’espace verts et des limitations imposées à la circulation routière. Les familles avec enfants figurent parmi ceux qui partent en priorité des grandes villes au profit des périphéries ou des villes de taille moyenne. Longtemps, le cœur des agglomérations avaient comme atouts l’emploi et les services notamment de santé. Or, les activités migrent de plus en plus en périphérie et l’accès aux services est moins aisé qu’auparavant. À Paris, la possibilité pour les patients d’obtenir un médecin référent est devenue faible voire inexistante.

Le télétravail un facteur important de migrations

Selon l’information sur la pratique du télétravail à partir de l’enquête Emploi en continu et les données du recensement, une corrélation existe entre télétravail et migrations. Les départements où le télétravail est fréquent (activités de services non domestiques) connaissent de forts taux de migration. Les départements d’Île-de-France, du Rhône et de la Haute-Garonne, où les fonctions métropolitaines et les emplois de bureau sont surreprésentés, sont ceux qui ont connu le plus de départs. Les salariés pouvant télétravailler habitent en moyenne plus loin de leur lieu de travail qu’auparavant. La distance domicile/travail dans les grandes agglomérations s’est accrue de 14 % pour les télétravailleurs entre 2019 et 2022.

Une baisse sensible des effectifs scolaires dans les pôles des grandes agglomérations

À Paris, les effectifs scolaires dans le premier degré diminuent de 1,4 % par an depuis 2010 contre une moyenne de -0,2 % entre 2015 et 2019. Les effectifs en périphérie continuent, en revanche, à augmenter légèrement +0,1 %. Dans les aires des autres grandes métropoles également, les pôles (-1,6 %) deviennent moins attractifs que les couronnes (-0,6 %), ce qui n’était pas le cas avant l’épidémie de covid.

Une nouvelle carte des territoires se dessine avec une transformation des cœurs des grandes agglomérations en zones touristiques et une augmentation de la population à leur périphérie et sur le littoral atlantique et méditerranéen. Ces flux migratoires se traduisent par des tensions locales en raison des augmentations des prix de l’immobilier qu’ils génèrent. Ce mouvement devrait néanmoins se poursuivre notamment en lien avec le vieillissement de la population.

Partagez