Le financement des entreprises françaises par les marchés, une antienne toujours d’actualité
Même si le poids des actions cotées au sein du PIB en France a doublé de 1998 à 2019, passant de 50 à 98 % du PIB, les entreprises françaises se financent essentiellement par emprunt. Les faibles taux d’intérêt en cours depuis une dizaine d’années ont conduit à une forte progression de leur endettement qui est passé de 1 100 à 1 800 milliards d’euros de 2008 à 2019. La Banque de France s’inquiétait avant la crise sanitaire de la forte croissance du crédit aux entreprises. Cet endettement rend les entreprises françaises vulnérables en période de crise. Elles peuvent être mises en liquidation en cas d’impossibilité de faire face à leurs échéances. La multiplication des créances douteuses pourrait, en outre, mettre en difficulté les établissements financiers. La crise sanitaire actuelle avec la multiplication des prêts garantis par l’État ne fait qu’accroître la dépendance des entreprises au crédit. Si dans un premier temps, le recours à l’endettement évite des faillites, il pourrait se révéler coûteux à terme.
À la différence de leurs homologues allemandes ou anglo-saxonnes, les banques françaises acquièrent peu d’actions. Les actions cotées au sein de l’actif des banques représentent moins de 8 % du PIB quand les crédits au passif des entreprises atteignent plus de 125 % du PIB (78 % en 1998). Le faible poids des actions dans les fonds propres des banques est en partie imputable à la réglementation en vigueur. En Allemagne, les caisses d’épargne et les banques locales ont réussi à s’en affranchir en raison de leur faible taille.
Les actions cotées à l’actif des assureurs représentent moins de 4 % du PIB en 2019 contre plus de 6 % en 2000. La décrue est intervenue au moment de la crise financière et avec la mise en œuvre du cadre prudentiel Solvency II. Cette réglementation les dissuade de détenir des actions en raison de la consommation induite de fonds propres. Pour changer la donne, le mode de calcul des stress-tests des assureurs (volatilité longue et non courte) devrait être modifié.
En France, les ménages comme les banques et les assureurs détiennent peu d’actions. Leur comportement est assez proche de celui de leurs homologues allemands ou italiens. Il tranche en revanche avec celui des Américains, des Britanniques ou des Néerlandais. Les actions cotées dans le patrimoine financier des ménages s’élèvent à moins de 20 % du PIB contre 80 % pour les produits de taux. Le nombre de détenteurs de PEA est passé de 7 à 4 millions de 2007 à 2020. Si 150 000 nouveaux actionnaires ont acquis des actions au mois de mars dernier au moment de la chute des cours, leur nombre reste faible.
Depuis des années, les pouvoirs publics invitent au renforcement des fonds propres des entreprises à travers une plus large détention par les agents économiques d’actions. La loi PACTE de 2019 visait justement à favoriser leur diffusion notamment à travers le nouveau Plan d’Épargne Retraite. Celui-ci avait reçu un bon accueil avant la crise. Avec le retour à la normale, sa souscription devrait reprendre.
Pour réduire le poids de l’endettement des entreprises, les achats d’actions ne doivent pas se limiter au seul marché secondaire. Les épargnants, les investisseurs doivent souscrire à de nouvelles actions. Le marché « actions » tend à rétrécir. Des entreprises se retirent de la cote du fait des contraintes que cette dernière impose. D’autres effectuent des rachats d’actions pour augmenter artificiellement leur valeur. La valorisation du financement par les actions suppose que le cadre réglementaire soit simplifié. Par ailleurs, l’Europe reste trop divisée sur le plan financier. À la différence des États-Unis, la profondeur du marché « actions », constituée de plusieurs marchés nationaux, demeure faible.
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