La terreur finale
C’EST LA TERREUR FINALE
La France n’a pas de tradition libérale. L’histoire politique de ces deux cents dernières années a laissé peu de place à la modération et au débat démocratique. La succession de coups d’Etat, les changements de république, les guerres, les restaurations ne constituent pas le meilleur terreau pour le développement d’une pensée libérale qui récuse tous les excès. Plus de 210 ans après la Révolution, la France est toujours à la recherche de ses institutions. La valse de plus en plus endiablée des révisions constitutionnelles depuis 1992 traduit que les institutions de 1958 n’échappent pas à l’usure.
Le libéralisme, au nom d’une dialectique que Marx et Engels auraient, sans nul doute, apprécié, a intégré le dictionnaire des horreurs du XX ème siècle. Dans ce dictionnaire, il côtoie le fascisme, Hitler, Mussolini et le communisme. Quelle hérésie pour un mot qui est une déclinaison de la Liberté.
Le libéralisme est devenu une arme politique pour caricaturer un adversaire. Ainsi, en démissionnant du Ministère de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement a accusé le Gouvernement et le parti socialiste de déviance libérale. C’est l’injure suprême. Tout est dit. De même, pour condamner les propositions de Laurent Fabius qui a chaussé les bottines de Tony Blair, la gauche du PS les qualifie de libérales. La signification du mot n’a plus d’importance, il a été ravalé au rang de simple insulte que l’on se jette au visage. A droite, aussi, le mot fait peur. Il ne faut surtout pas l’employer, il risquerait de blesser. Ainsi, le libéralisme serait la chose la mieux partagée du monde, mais personne ne veut le reconnaître. C’est un peu comme avec les magazines érotiques. C’est bien connu, personne n’en achète, mais il s’en vend toujours de plus en plus.
La terreur libérale s’inscrit dans les grandes peurs millénaristes. Durera-t-elle mille ans en France où assisterons-nous à un retour de la raison dans les prochaines années ? Avons-nous une chance que la science économique et la pensée politique ne soient pas l’apanage exclusif de José Bové et de Viviane Forrester ?
Le retour de la croissance qui est mondial et qui a pour base le secteur privé a redonné espoir aux Français. Le repli sur soi, le tout fonction publique reculent pour laisser place à un goût plus prononcé du risque. L’ENA ne fait plus recettes et les start-up attirent les meilleurs élèves comme les allergiques du système pédagogique français. Une véritable révolution tranquille est peut-être en train de s’opérer. Les gros salaires en particulier dans le milieu sportif ne choquent plus. Ils sont considérés comme la juste valeur d’une rareté éphémère, le talent sportif. Anelka roule en Ferrari ou en Porsche et Zidane a détrôné dans le cœur des Français l’Abbé Pierre. Le footbusiness est plus fort que la religion et la lutte contre la pauvreté. Les stades ont remplacé les églises comme lieu de rassemblement et de communion.
Les Français veulent participer à l’expansion de l’économie mondiale. La bourse, les fonds de pension, les stock-options ne leur font pas peurs. Tous les sondages le confirment. En vertu de quoi les Français devraient être les laissés pour compte de la croissance de l’économie mondiale ? En vertu de quoi, leur travail ne servirait qu’à enrichir les caisses percées de l’Etat et les retraités américains ? En vertu de quoi, ils ne pourraient pas récolter une part des bénéfices réalisés par leur entreprise, c’est à dire réalisés par eux-mêmes ?
José Bové et Viviane Forrester et tous ceux qui les accompagnent dans leur marche antilibérale sont des nostalgiques de l’ordre ancien et sont les parfaits représentants des conservateurs. C’est bien connu, avant c’était mieux. Cette rengaine fait sourire, mais rencontre toujours un succès récurrent. A défaut d’avoir pu triompher du capitalisme avec le communisme ou avec le gauchisme post soixante-huitard, nos héros tentent de discréditer le libéralisme qui a démontré sa supériorité. A défaut de recourir aux grandes utopies qu’étaient le marxisme ou l’anarchisme, ils utilisent la bonne bouffe, le bon pinard et la ruralité pour définir une exception française anti-américaine.
Malgré les raccourcis, les amalgames, les anathèmes, José Bové et Viviane Forrester sont indispensables pour la survie du libéralisme. En effet, à la différence du communisme, le libéralisme n’est pas une doctrine et surtout sera pas une doctrine d’Etat. Sa force, il la tient dans le pluralisme, dans la contestation et dans la concurrence des idées qui le revitalise. Le libéralisme est avant tout un humanisme et pour reprendre Raymond Aron « la reconnaissance de l’humanité en tout homme a pour conséquence immédiate la reconnaissance de la pluralité humaine. L’homme est l’être qui parle mais il y a des milliers de langues. Quiconque a oublié un des deux termes retombe dans la barbarie ». Souhaitons longue vie à José Bové et à Viviane Forrester !
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