La reprise sera-t-elle verte ?

09/05/2020, classé dans

Dans le contexte si particulier de la crise sanitaire, le Gouvernement entend assurer la santé des citoyens, garantir leurs revenus, soutenir la consommation et les entreprises tout en accélérant la transition énergétique.

En sortie de crise sanitaire, les gouvernements pourront agir sur la consommation des ménages ou sur l’offre. La tentation est de jouer sur la demande car les ménages disposent de marges de manœuvre compte tenu de l’élévation du taux d’épargne. Cette demande pourrait être accrue par des mesures sociales d’aides à des publics ciblés. En sortie de confinement, le taux d’épargne en France se situe autour de 30 %. Il y aurait plus de 55 milliards d’euros à réinjecter dans le circuit économique selon l’OFCE, soit plus d’un mois de consommation en temps normal. La carte des ménages apparaît, a priori, plus facile à jouer que celle des entreprises qui après deux mois d’inactivité doivent faire face à une hausse rapide de leur endettement et à l’assèchement de leur trésorerie. Cette situation qui avait été déjà constatée en 2008/2009 devrait provoquer une forte baisse de l’investissement. Pour la zone euro, la contraction de l’investissement avait alors diminué de près de 3 points de PIB. Il avait fallu dix ans pour retrouver le niveau d’avant crise, mais le taux d’endettement des entreprises n’est jamais revenu au niveau qui était le sien en 2008. La reprise de l’investissement est intervenue en 2015 avec la baisse des taux d’intérêt. Pour l’emploi, la résorption du chômage avait nécessité plus de cinq ans au sein de la zone euro sachant que certains pays comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie et la France n’avaient pas réussi à renouer avec le plein emploi.

Compte tenu des aspirations des populations, les gouvernements entendent profiter des plans de relance pour accélérer la transition écologique. Depuis vingt ans, des progrès ont déjà été accomplis. Ainsi, les émissions de CO2 de la zone euro ont baissé 17 % de 2003 à 2019, il est vrai en partie à cause du processus de désindustrialisation. En l’état, le durcissement des normes environnementales applicables aux entreprises pourrait avoir un effet pervers en accentuant leur fragilité. La question se pose en particulier pour Air France. La fermeture au nom de l’environnement des lignes aériennes domestiques pour lesquelles une liaison de moins de 2H30 en train existe, risque d’avoir de fortes conséquences. Les lignes domestiques contribuent à remplir les vols longs courriers. Les concurrents d’Air France pourraient profiter de la fermeture des liaisons nationales pour développer leur réseau. Par ailleurs, Air France joue un rôle important dans l’équilibre des aéroports régionaux, et son départ pourrait entraîner leur fermeture. La compagnie utilise ses avions pour acheminer du fret (presse, médicaments, courriers urgents, etc.). L’arrêt des lignes domestiques mettra plus encore en difficulté l’aéroport d’Orly, déjà menacé de fermeture, et ses 30 000 emplois directs (90 000 emplois en tout).

Pour accélérer la transition énergétique, d’autres solutions pourraient s’imposer. Ainsi, le Gouvernement pourrait proposer des crédits à taux zéro, des réductions d’impôt ou des subventions pourraient être développées afin de faciliter la rénovation énergétique des logements. Ces mesures viseraient à soutenir le secteur du bâtiment. En France, 5 % des logements sont mal isolés, ce taux est assez stable depuis 2007. En Espagne, 9 % des logements pourraient faire l’objet d’améliorations, 14 % en Italie et 3 % en Allemagne.

Des mesures ciblées en faveur de l’achat de voitures électriques pourraient être imaginées. En 2019, le parc automobile de l’Union européenne ne comptait que 291 000 voitures électriques sur un total de 280 millions. Une prime pourrait être également prévue pour moderniser le parc européen qui vieillit, l’âge moyen étant désormais plus de 11,1 ans contre 10,5 ans en 2013.

Des mesures incitatives pour limiter le déplacement des salariés pourraient être instituées en favorisant le télétravail qui concernait, avant la crise, 3,5 % des actifs en Italie en 2019 contre 4,8 % en Espagne, 5,2 % en Allemagne et 7 % en France.

Des actions ciblées sur les ménages et la demande auraient plus d’impacts que des mesures concernant les entreprises, ces dernières n’ayant pas immédiatement les capacités d’investissement suffisantes. Le problème de la relance par les ménages est que cette dernière pourrait conduire à une augmentation des importations en provenance des pays émergents et en particulier de la Chine au moment où les pouvoirs publics, au nom de la souveraineté nationale, souhaitent les limiter.

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