La guerre des générations est-elle derrière nous ?
Les conflits entre générations sont moins violents que dans le passé même s’ils n’ont évidemment pas disparu. Autrefois, les rapports parents / enfants étaient marqués par l’autorité. Ils étaient descendants. Aujourd’hui, depuis les baby-boomers, l’autoritarisme n’est plus dans l’air du temps. La nécessité d’être et de rester jeune constitue un leitmotiv pour les plus de 30 ans. Le complexe de Peter Pan est largement partagé. De ce fait, les enfants sont des sources d’inspiration, bien plus que de répulsion pour les plus âgés. En matière de connaissances, les parents sont en concurrence avec les supports numériques. Les enfants ont une ouverture sur le monde plus précoce et plus importante que les générations précédentes. Ils sont amenés à aider leurs aînés dans le maniement des outils digitaux, ce qui change les rapports. Les médias, les psychologues ont placé les enfants au cœur de la société, l’enfant roi en étant la figure extrémisée. Si autrefois, les jeunes étaient au service des parents, aujourd’hui, l’inverse devient la règle. Les grands-parents sont également mis à contribution financière ou physique à travers la garde des petits-enfants, le soir ou durant les vacances, et les soutiens financiers ponctuels.
En politique comme dans la vie économique, l’époque est au rajeunissement. Les digital nativ sont devenus incontournables dans une société à la recherche de solutions pour sortir de la crise, qu’elle soit économique ou d’ordre philosophique. Pour autant les jeunes ont plus de difficultés pour s’insérer professionnellement. Du fait de l’augmentation du coût du logement, un nombre croissant d’entre eux est contraint de rester vivre chez leurs parents.
Sur le plan culturel, les jeunes des années 2010 ne remettent pas en cause les goûts de leurs parents. La musique rock et pop fait partie d’un socle largement partagé permettant à des jeunes d’assister à un concert des Stones avec leurs grands-parents, situation improbable il y a quarante ans. Pour ceux nés dans les années 1960, il était, en effet, peu imaginable d’écouter Maurice Chevalier ou Joséphine Baker. Malgré tout, l’avènement du rap comme mode musical dominant chez une partie de la jeunesse crée à nouveau un clivage avec les parents. Les conflits au sein des familles sont moins politiques ou générationnels qu’autrefois. Ils sont liés à la religion ou aux mœurs. La montée de l’intégrisme religieux dans certaines communautés fracture les familles. De même, la question de l’homosexualité demeure un sujet sensible dans certains milieux. Néanmoins, selon l’INSEE, les deux-tiers des jeunes de 18 à 24 ans déclarent n’avoir aucun problème avec chacun de leurs parents. Seuls 21 % connaissent des tensions de temps en temps et 14 % des tensions fréquentes avec au moins l’un des deux parents. Les tensions, même occasionnelles, sont un peu plus fréquentes avec le père (dans 27 % des cas) qu’avec la mère (22 %). De plus, 7 % des jeunes adultes n’ont plus de relation avec leur père, alors que l’absence de relation avec la mère ou avec les deux parents est rare (1 %).
Les problèmes relationnels sont plutôt le fait des jeunes garçons. Près de 70 % des jeunes filles affirment ne pas rencontrer de problèmes particuliers avec leurs parents contre 61 % pour les jeunes garçons.
Les parents sont plus optimistes que leurs enfants sur l’état de leurs relations. En effet, plus des trois-quarts indiquent que les tensions sont rares, 18 % évoquent des tensions de temps en temps, 3 % souvent et 2 % n’ont plus de relations avec un ou plusieurs de leurs enfants. La perception des jeunes est plus souvent proche de celle de leur mère que de celle de leur père.
Que les jeunes habitent ou pas chez leurs parents ne modifient pas réellement la nature de leurs relations avec leurs parents.
Les relations parents / enfants restent fortes même après le départ des seconds du logement familial. Huit jeunes adultes sur dix non-cohabitant appellent au moins une fois par semaine leur mère, et les jeunes femmes davantage que les jeunes hommes (près de neuf sur dix sont concernées). En revanche, filles comme garçons échangent moins avec leur père (sept jeunes sur dix). Les pères ont tendance à moins s’investir dans la vie de leurs enfants une fois que ceux-ci ont quitté la demeure familiale. Les mères reçoivent plus de confidences sur la vie sentimentale ou sexuelle que les pères. Elles sont également consultées plus fréquemment sur les choix professionnels. La possibilité d’aborder différents sujets ne dépend pas de la profession ou catégorie socio-professionnelle des parents, sauf pour la politique ou la culture : 93 % des jeunes dont les deux parents sont soit professions libérales, soit cadres ou professions intellectuelles et artistiques, parlent politique avec au moins un de leurs parents, contre 74 % parmi les jeunes adultes dont les deux parents sont ouvriers ou employés (respectivement 93 % et 83 % des jeunes pour la culture).
Le chômage ou les difficultés financières sont souvent sources de tensions. Parmi ceux qui ont rompu toute relation avec au moins l’un de leurs parents, 33 % sont au chômage, contre 18 % parmi les autres jeunes adultes. Les difficultés financières sont également fréquentes quand les relations avec les parents sont inexistantes (48 % expriment alors des difficultés financières), et dans une moindre mesure pour ceux dont un parent est décédé (34 %).
L’argent ne fait pas le bonheur mais peut aider. Ainsi quand les parents ont un faible niveau de vie, les jeunes déclarent plus souvent des tensions fréquentes avec au moins un de leurs parents : c’est le cas pour 23 % des jeunes adultes dont les parents font partie des 20 % les plus modestes, contre 8 % des 18-24 ans dont les parents (ou au moins l’un des deux s’ils sont séparés) appartiennent aux 20 % les plus aisés. Le montant des aides données par les parents à leurs enfants joue un rôle dans l’état des relations. S’il est égal ou inférieur à 200 euros, ces dernières ont tendance à être dégradées ; quand il est supérieur à 320 euros, elles sont, en moyenne, meilleures.
Les jeunes dont les parents sont séparés ont neuf fois plus de risques de connaître des tensions importantes avec au moins un de leurs parents. Quand les parents sont séparés, les relations familiales sont davantage marquées par des tensions (40 % contre 4 % parmi ceux dont les parents vivent ensemble). Ces tensions concernent essentiellement les relations avec le père. À ce titre, l’absence de relations avec le père est plus fréquente quand les parents sont séparés (elle concerne 28 % des cas), alors qu’elle est très rare dans le cas de parents vivant ensemble (inférieure à 1 %). Quand les contacts avec le père sont maintenus, ils sont plus rares : 55 % des jeunes décohabitant dont les parents sont séparés appellent leur père au moins une fois par semaine, contre 78 % de ceux dont les parents vivent ensemble.
La qualité des relations avec les parents contribue fortement au bien-être des jeunes adultes. Les jeunes sont moins satisfaits dans la vie lorsqu’il existe des tensions avec au moins un de leurs parents : lorsqu’ils s’entendent bien avec leurs parents, leur satisfaction s’établit en moyenne à 7,5 sur 10. En cas de tensions avec les deux parents, elle n’est plus que de 6,1.
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