La guerre commerciale des vaccins aura-t-elle lieu ?

01/05/2021, classé dans

Mi-avril, un milliard de doses de vaccins anti-covid ont été produites. La montée en puissance des capacités de production en six mois est sans précédent. Logiquement la barre du deuxième milliard de doses sera franchie le 27 mai selon Airfinity, une société d’analyse. De nombreuses chaines de production sont en cours d’installation afin de répondre à une demande mondiale inédite, vacciner au plus vite la plus grande partie de la population. Cette ambition est menacée par la multiplication des contrôles des exportations de matières premières et d’équipements de la part des pays fournisseurs. Vacciner est pour les pays un enjeu stratégique qui incite au protectionnisme. Les lignes de production en Inde, produisant au moins 160 millions de doses de vaccin anti-covid par mois, risquent d’être à l’arrêt du fait de la pénurie de 37 composants critiques. Les autorités indiennes ont demandé aux Etats-Unis de lever tous les embargos sur les matières premières afin de permettre la fabrication, en Inde, des vaccins d’AstraZeneca et de Novavax. Cette demande fait suite à l’annonce de l’administration américaine, le 5 février dernier, d’appliquer le Defence Production Act (dpa) – une loi datant des années 1950 accordant au Président de larges pouvoirs économiques. Elle permet de restreindre les exportations afin de renforcer la fabrication de vaccins au profit des Etats-Unis. Cette législation permet aux sociétés pharmaceutiques américaines de sécuriser leurs approvisionnements (composants et équipements spéciaux). Les exportations américaines liées à la santé étant soumises à autorisation et contrôle, les clients à l’étranger ont tendance à augmenter leurs stocks, ce qui accroît la pénurie et génèrent des goulots d’étranglement.

Les vaccins comme les autres produits industriels nécessitent l’intervention d’un grand nombre d’acteurs. Celui de Pfizer implique 280 composants provenant de 86 fournisseurs issus de 19 pays. La chaine de production est bloquée dès qu’un fournisseur est dans l’impossibilité de produire. Les laboratoires européens éprouvent des difficultés à maintenir les cadences de production du fait des retards de livraison qui s’accumulent. Les entreprises américaines se retrouvent prise entre l’étau et l’enclume. Ayant signé des contrats avec les pays européens afin de fournir des millions de dose, elles font l’objet de contentieux pour non-respect des contrats signés sachant qu’elles sont dans l’impossibilité juridique de les honorer. Elles sont également confrontées à des problèmes de transferts de technologie dans le cadre de la mise en place de chaine de production en France, en Italie ou en Afrique du Sud. Les autorités américaines rechignent à accepter ces transferts. Compte tenu des obstacles de toute nature liés aux positions des différents Etats, la progression de la production de vaccins pourrait se ralentir dans les prochaines semaines avec un risque de rupture d’approvisionnement qui se ferait ressentir pendant des mois. Quand la grande majorité de la population américaine sera vaccinée, la situation pourrait se détendre. Afin d’éviter la multiplication des variants certains pouvant  être résistants aux vaccins, des propositions visant à régler les problèmes d’approvisionnement à l’échelle internationale sont avancées. Les laboratoires pourraient être obligés d’abandonner leurs brevets et de mettre en place des vaccins génériques. L’abandon des brevets nécessiterait une indemnisation des laboratoires. Cette mesure pourrait dissuader les laboratoires de poursuivre leurs recherches. L’instauration d’un code de conduite internationale est l’autre voie préconisée avec l’interdiction de mesures protectionnistes.

L’Organisation mondiale du commerce a été ainsi saisie afin de contrôler le respect des règles commerciales au niveau de l’approvisionnement des composants des vaccins. Les Etats membres de plus en plus schizophrènes sont face à la vaccination. Ainsi l’Inde se plaint des Etats-Unis qui bloquent l’accès des matières premières tout en interdisant de son côté l’exportation de vaccins contrairement aux engagements pris vis-vis de plusieurs Etats.

D’ici fin 2022, l’objectif reste la production de 14 milliards de doses de vaccins anti-covid-19. L’éradication du virus passe par une vaccination du plus grand nombre d’habitants sachant que l’idée d’une troisième dose, voire d’une vaccination régulière comme la grippe, s’impose de plus en plus. Le Président de Pfizer a déclaré qu’une troisième dose  serait certainement proposée d’ici l’automne afin de mieux contrer les éventuels variants. Le retour à une vie aussi normale que possible passe par une réduction des foyers infectieux. Le tourisme international ne pourra retrouver son niveau d’avant-crise qu’à la condition que l’épidémie soit réellement maitrisée. La mise en place de protocoles sanitaires au niveau mondial apparaît incontournable au niveau de la vaccination.

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