La Corse, en première ligne dans la crise et pour la refondation économique ?
La récession ne frappe pas toutes les régions de la même manière. Si le recul du PIB doit pour l’ensemble du pays se situer autour de -11 %, il devrait être bien supérieur pour la Corse qui dépend fortement du tourisme, des transports et de la construction. La reprise dans l’île est plus lente qu’ailleurs en raison de la faible activité touristique et des ruptures d’approvisionnement qui pénalisent le secteur du bâtiment.
Le maintien des restrictions de circulation jusqu’au 2 juin a freiné le retour des touristes et des propriétaires de résidences secondaires. Le nombre réduit des vols durant le mois de juin a limité le nombre de touristes.
Au mois de mars, le nombre de passagers aériens s’est effondré de -57 % et le transport maritime a chuté de -60 %. Aux mois d’avril et de mai, le recul a atteint respectivement -98 % et -95 %. En juin, les flux de voyageurs sont restés encore très en deçà de leur niveau habituel, avec moins du quart du volume de juin 2019.
Les établissements hôteliers ont ouvert plus tardivement que sur le continent en raison de l’absence de touristes. À la fin de la troisième semaine de juin (15 au 21 juin), le montant des dépenses payées par carte Bancaire sur l’île restait inférieur de 17 % par rapport à son niveau normal. Dans toutes les autres régions, sauf Île-de-France, il était repassé au-dessus de son niveau de 2019. La reprise plus lente de l’activité s’observe également par les créations d’entreprises. Au cours des mois de mars, avril et mai 2020 les créations d’entreprises s’effondrent en Corse. Cumulant à peine plus de 800 nouvelles entreprises sur ces trois mois, la région enregistre ainsi un recul des créations de près de 41 % par rapport aux mêmes mois de 2018 et 2019.
Au 1er trimestre 2020, la Corse comptabilise 116 560 emplois salariés. L’effectif régional baisse de -0,8 %, après une augmentation de +0,4 % au 4e trimestre 2019. Tous les secteurs d’activité sont touchés, de la construction au secteur tertiaire en passant par l’industrie. Seul l’emploi non marchand public se maintient. L’impact du confinement pourrait être particulièrement fort sur l’emploi en Corse au 2e trimestre. De surcroît, à cette menace sur les emplois présents dans les entreprises s’ajoute celle du report ou de l’annulation de certaines périodes d’emplois notamment des saisonniers. En Corse, les embauches saisonnières interviennent logiquement à compter du mois d’avril. Ces emplois représentent plus d’un cinquième de l’emploi total. Ils devraient être décalés ou supprimés du fait de la baisse de l’activité touristique. Malgré sa petite taille sur l’île (500 salariés en moyenne annuelle), le secteur de l’intérim est particulièrement vulnérable à des annulations d’embauches en cas de chute brutale de l’activité des secteurs utilisateurs. Les bassins d’emploi les plus touchés par la réduction des emplois saisonniers sont Calvi – L’île-Rousse, Porto-Vecchio et Sartène-Propriano.
La réduction du nombre d’emplois saisonniers a comme conséquence une augmentation du chômage et une baisse des revenus. Fin mai, le nombre d’inscrits en catégorie A, B, C s’élève à 28 600 personnes. À la différence du continent, il n’y a pas eu d’amélioration en mai. La Corse est, par ailleurs, la région la plus concernée par le recours au chômage partiel, confirmant de ce fait le niveau élevé d’emplois menacés dans les entreprises privées. Fin mars, 37,6 % des salariés étaient concernés par cette mesure. Ils étaient encore 36,7 % fin avril. Par ailleurs, fin mars, 9,4 % des salariés sont en arrêt pour maladie ou garde d’enfants. Ils étaient encore 6,1 % fin avril. L’île de France figure également parmi les régions où ce recours est le plus fréquent avec la région Bourgogne-Franche-Comté et Grand-Est. Ainsi globalement, en Corse, fin avril 2020, 43 % des salariés étaient en activité partielle ou en arrêt de travail pour cause de maladie ou garde d’enfants.
Du fait des incertitudes qui pèsent sur la saison touristique, la situation économique et sociale en Corse risque de se tendre dans les prochains mois. Les Prêts Garantis par l’État (PGE) empêchent, pour le moment, de nombreuses faillites qui pourraient concerner à terme de nombreux hôtels, restaurants et commerces. La baisse des revenus des ménages du fait du chômage devrait aboutir à une diminution des dépenses de consommation aggravant ainsi la situation économique. Compte tenu du poids du tourisme, des transports et de la construction au sein de l’activité de la Corse, un plan spécifique semble indispensable pour éviter un affaissement de l’économie qui pourrait avoir des conséquences politiques. La Corse est pénalisée depuis plusieurs décennies par la faiblesse de certaines infrastructures. Un plan d’équipement ayant comme axe la transition énergétique pourrait être adopté. Ce plan pourrait ainsi améliorer la liaison Ajaccio/Bastia à travers la réalisation d’une ligne ferroviaire moderne. La création d’une Centre Hospitalier Universitaire serait également un geste fort au niveau de la santé publique. La question énergétique qui est latente depuis des années pourrait être réglée en développant le solaire et l’hydrogène qui a l’avantage d’être stockable. La Corse a un déficit d’emplois qualifiés en raison du nombre insuffisant de centres de recherche et d’établissements d’enseignement supérieur. L’État pourrait inciter certains établissements publics à s’installer sur l’île permettant notamment aux Corses l’accès à des emplois plus qualifiés et mieux rémunérés.
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