Juste un autre monde ou un juste un autre jour !
Le Royaume-Uni a fait le choix de la sortie de l’Union européenne 43 ans après son entrée. 51,9 % des votants ont voté, en effet pour le « leave ».Le départ de la deuxième puissance économique de l’Union constitue une rupture car c’est la première fois qu’un pays décide d’en sortir. Il y aura des conséquences politiques, économiques et financières. Désormais, le Royaume-Uni et l’Union se doivent de réussir le divorce tout en évitant de générer un effet de contagion. Il faut que le divorce soit le meilleur possible mais il ne doit pas apparaître facile. La tentation économique serait évidemment de donner au Royaume-Uni un statut d’associé ressemblant à celui de la Suisse ou de la Turquie mais c’est remettre en cause le principe même de mutualisation qui est un des fondements de l’Union qui s’appelait auparavant Communauté Economique Européenne. Faire un exemple du Royaume-Uni peut évidemment être coûteux économiquement parlant. L’autre voie, c’est le renforcement de la coopération entre les Etats membres avec des avancées fédérales. Dans la tourmente, l’Europe nous a appris à avancer….
Un mouvement de stupeur doublé d’un mouvement de panique
L’effet de stupeur crée un mouvement de panique sur les places financières. Ces derniers jours, la tendance était au « remain ». La victoire du « leave » peut donc apparaître comme une surprise néanmoins relative car les sondages présageaient des résultats serrés.
Face à l’onde de choc, face à l’effet de surprise, la forte baisse des bourses mondiales était inévitable. En effet, que Londres qui est une des premières places financières soit amenée à évoluer en dehors de l’Union, ne peut pas être sans incidence sur le cours des actions. En outre, l’intégration économique et financière est forte, la City jouant un rôle de plateforme mondial comme New-York, Hong-Kong ou Singapour. La livre sterling a payé le prix fort de ce vote avec un recul de près de 10 %, recul qui a pu contribuer à réduire la chute de la bourse de Londres.
Plusieurs secteurs d’activité touchés
Les entreprises financières et celles ayant des liens avec le Royaume-Uni sont évidemment exposées. Les banques et les compagnies d’assurance du fait du rôle de la City sont en première ligne. Il faut également citer l’industrie automobile (Toyota, Nissan, Peugeot, BMW, Tata…) qui utilisent le Royaume-Uni comme un porte-avion afin de produire et d’exporter dans toute l’Europe. Le secteur de l’aviation est également impacté, le Royaume-Uni étant un important fournisseur d’Airbus (moteurs, éléments de fuselage…).
Le Royaume-Uni pays structurellement déficitaire en ce qui concerne sa balance commerciale est très dépendant des échanges avec les autres pays de l’Union. L’industrie agro-alimentaire est en première ligne.
Ce votre devrait avoir des incidences sur l’économie européenne en pesant sur les investissements. Le Royaume-Uni devrait être pénalisé en premier mais l’Union devrait être également impactée. Les investisseurs pourraient revoir leurs plans et opter pour d’autres implantations.
Le pouvoir d’achat des Britanniques pourrait baisser
La livre sterling fait l’objet d’une forte dépréciation. Il en résulte une baisse du pouvoir d’achat des Britanniques en-dehors de leurs frontières. Cela renchérit le coût des importations et devrait accentuer le déficit commercial britannique. En cas de forte chute, un problème de liquidité pourrait se faire ressentir surtout en cas de sortie de capitaux. Cela pourrait nécessiter de la part de la Banque d’Angleterre d’augmenter les taux et donc de casser la croissance. Cette dépréciation de la livre sterling devrait occasionner un surcroit d’inflation.
La croissance en sursis ?
Les études réalisées par différents instituts, OCDE, cabinets privés, tablaient sur une récession au Royaume-Uni et une stagnation en zone euro en cas de Brexit. Les prochaines semaines seront importantes pour éviter une autoréalisation d’une spirale récessionniste. La principale menace est constituée de l’attentisme et d’un fort recul des investissements. Au Royaume-Uni, la baisse du pouvoir d’achat peut peser sur la consommation qui est le principal moteur de la croissance. La problématique de l’accès aux liquidités peut se poser en cas de dépréciation continue de la monnaie et au regard du déficit commercial qui devrait s’accroître. La Banque centrale d’Angleterre peur régler la question du financement de la dette mais celle des paiements courants.
Une période d’incertitudes plus ou moins longues
Ce vote ouvre une période d’incertitudes tant au sein de l’Union européenne qu’au sein du Royaume-Uni. Les demandes irrédentistes devraient s’accroître.
Au sein de l’Europe, certains gouvernements pourraient être tentés de jouer en solitaire. Les partis nationalistes devraient sortir renforcés et exiger des référendums sur le sujet du maintien ou pas dans l’Union (Pays-Bas, Hongrie…). Au Royaume-Uni, les tentations sécessionnistes de l’Ecosse, de l’Irlande du Nord voire du Pays de Galles devraient rebondir. Au cas où ou une de ses régions deviendrait indépendante, Bruxelles pourrait avoir à traiter son adhésion à l’Union. Cela serait une source de complexité et un précédent qui pourrait amener à se généraliser.
Des négociations longues et multiples
Après le référendum s’ouvre une période de négociation qui sera longue et complexe. Il faudra régler un nombre important de points. Les gouvernements des Etats membres souhaitent aller assez vite pour éviter un pourrissement de la sortie et un effet de contagion. Les réunions des membres fondateurs sont prévues ce dimanche avant la tenue du Conseil européen du début de la semaine.
Ainsi, le Royaume-Uni devra rebâtir sa politique commerciale avec l’Union mais aussi avec les autres pays car aujourd’hui, c’est l’Union européenne qui le représente dans les négociations commerciales internationales. Il faudra que des conventions commerciales soient signées avec un grand nombre de pays.
Le Royaume-Uni pourrait devenir membre de l’Espace Economique Européen ce qui suppose un accord néanmoins avec les autres Etats membres de cet espace et de l’Union.
L’Europe et le Royaume-Uni auront intérêt à négocier un accord commercial global. Cela pourrait passer par l’Espace Economique Européen auquel appartiennent la Norvège ou la Suisse. Cela permettrait d’éviter l’application de droits de douanes et la mise en œuvre de normes divergentes. Les pays européens ne peuvent guère se passer du marché britannique qui est dynamique et en croissance. Les Britanniques ont tout intérêt à éviter des surcoûts sur leurs importations. Par ailleurs, pour les investisseurs, il est important que les règles de libre circulation des biens et des capitaux demeurent.
Le Royaume-Uni pourrait pousser à la signature du traité transatlantique avec les Etats-Unis qui lui permettrait d’intégrer de facto un marché commun. Il n’est pas certain que cela incite l’Union européenne d’accélérer la négociation.
La question de la libre circulation des personnes sera au cœur des négociations. Le Royaume-Uni accueille de nombreux ressortissants européens dont 300 000 Français qui pouvaient travailler librement au Royaume-Uni et qui bénéficiaient de l’accès à la Sécurité sociale. Avec la sortie, ce ne sera plus automatiquement le cas. Il en est de même pour les 400 000 Britanniques résidant en France.
Des conséquences variables pour les finances publiques
Le Royaume-Uni étant contributeur net, à hauteur de 10 milliards d’euros, ce montant sera à la fin de la négociation pris en charge par les autres contributeurs nets, essentiellement l’Allemagne, la France et les Pays-Bas. Jusqu’à maintenant, contrairement à quelques idées reçues, le Royaume-Uni était le deuxième contributeur net. Le Royaume-Uni fera une économie budgétaire mais devra mettre en place une politique agricole et devra subir des droits de douane. Il n’est pas évident que les finances publiques déjà dégradées du Royaume-Uni en sortent améliorés.
Les épargnants au milieu de tout ça
Au niveau immobilier, le marché des résidences secondaires pourrait être déprimé dans certaines régions françaises (Aquitaine – Poitou Charentes – Limousin – Languedoc Roussillon – Midi Pyrénées). En effet, les Britanniques sont les premiers acheteurs étrangers de maisons secondaires en France (un tiers des achats étrangers). Les Britanniques seront pénalisés dans leur politique d’achat par la dépréciation de la livre sterling.
Au niveau de l’épargne financière, après l’onde de choc qui devrait durer quelques jours, tout dépendra des négociations et des mesures prises au sein de l’Europe pour contrer ce départ. Les valeurs des entreprises fortement impliquées au Royaume-Uni seront évidemment les plus impactées (automobile, agro-alimentaire, énergie, transports, tourisme….). Les entreprises travaillant avec de la livre sterling devraient être également pénalisées. Du fait que le nombre d’actionnaires directs est limité en France, un peu plus de 3 millions, l’impact direct de la chute des bourses a peu d’incidences sur le pouvoir d’achat mais cela pourrait inciter les épargnants à jouer la prudence en maintenant un fort volume de liquidités. Il faudrait mieux réaliser des arbitrages en fonction de valeurs qui ont subi de fortes baisses et qui devraient remonter la pente assez facilement.
La moindre croissance attendue de part et d’autre de la Manche pourrait peser sur les cours boursiers. Compte tenu de la forte aversion aux risques qui est la norme depuis 2008, les investisseurs pourraient bouder les valeurs actions.
Les prévisions sont délicates à réaliser car elles dépendent du chemin qui sera pris par les États membres pour négocier avec les Britanniques et de leurs capacités à renforcer l’Europe.
Les États-Unis peuvent mieux faire
Sept ans après la crise financière, l’économie des États-Unis a, selon l’OCDE, rebondi grâce à la politique monétaire et à une politique budgétaire bien modulée dans le temps. Le taux de croissance dépasse depuis plusieurs années les 2 % ce qui place largement en tête les États-Unis avec le Royaume-Uni au sein des pays avancés.
À la différence de l’Europe, les stigmates de la Grande Récession sont effacés. Le niveau de la production est supérieur de 10 % à celui d’avant la crise. Le taux de chômage est de 4,7 % et la viabilité des finances publiques a été en partie restaurée même si cela est la conséquence de coupes parfois aveugles. Le marché immobilier a retrouvé ses niveaux d’avant crise. En revanche, les écarts de revenus continuent à s’accroître et les gains de productivité demeurent faibles. En outre, la question de la pérennité de la reprise se pose de plus en plus sachant que les phases de croissance n’excèdent pas 8 ans, en règle générale, aux États-Unis.
L’OCDE dans son rapport annuel souligne néanmoins que la reprise est, pour les États-Unis, timide et qu’elle risque de s’essouffler. Un rééquilibrage des politiques publiques semble nécessaire avec comme objectifs une augmentation de la productivité, une réduction des inégalités et un développement plus durable de l’économie.
Comme pour l’ensemble des pays avancés, la faiblesse de la reprise tient à la nature financière de la crise de 2008. Cette dernière a modifié la perception des risques. Par ailleurs, l’assainissement des comptes publics constitue un important frein à la montée en puissance de l’activité. Le remboursement des dettes provoque des transferts financiers de la part d’acteurs qui investissaient au profit d’agents qui ont une propension à épargner. À cela, il faut ajouter que les États-Unis doivent faire face à aux départs à la retraite des baby-boomers. Le pays ne peut pas compter sur d’autres locomotives au sein de l’économie mondiale, l’Europe connaissant un faible rythme d’expansion quand la Chine ralentit.
Les États-Unis ont tendance à s’européaniser. Il y a moins de créations d’entreprises et les marchés sont de plus en plus dominés par des oligopoles. L’OCDE réclame une réactivation de la politique antitrust afin d’éviter la constitution de méga-groupes dans le secteur du numérique.
La montée des inégalités freine la diffusion des innovations et pèse sur le niveau de la consommation. L’activité économique est en moyenne bien supérieure à ses niveaux d’avant la crise, mais la reprise n’est pas visible partout et apparaît de moins en moins bien partagée.
Les États-Unis, malgré les engagements pris par Barack Obama restent en retard dans la lutte contre le réchauffement climatique et les pollutions. L’OCDE réclame l’adoption d’une législation sur les émissions de dioxyde de carbone.
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