Faut-il sauver l’épargne française ?

11/07/2012, classé dans

L’épargne française représente environ 16 % du revenu disponible brut des ménages, soit 212 milliards d’euros. Cette somme sert tout à la fois à rembourser le capital des emprunts immobiliers à hauteur de 120 milliards d’euros ; le reste, c’est-à-dire 92 milliards d’euros est placé en épargne financière.

L’ensemble des placements annuels des Français en produits financiers est inférieur au montant du déficit public. Or, cette épargne est sujette à bien des convoitises de la part des pouvoirs publics. Le principe à la mode est l’égalité de taxation des revenus du capital et de ceux du capital. Ce principe fait fit que les deux revenus sont de nature différente, que le capital a déjà été soumis à taxation au moment de sa constitution. Par ailleurs, cette taxation identique signifie qu’il faut que les revenus du patrimoine supportent les cotisations salariées et employeurs, la CSG et l’impôt sur le revenu…

Actuellement, à l’exception de l’épargne défiscalisée, livret A, LDD…, les revenus de l’épargne sont assujettis aux prélèvements sociaux à hauteur de 15,5 % depuis le 1er juillet. A ces prélèvements, il faut ajouter l’impôt sur le revenu. Ce dernier peut prendre la forme d’un prélèvement libératoire qui varie entre 21 et 24 % en fonction du produit. En cas d’application de l’impôt sur le revenu, le taux peut atteindre 41 %.

A l’automne, le barème de l’impôt sur le revenu comportera une tranche à 45 % et une à 75 %. Le Gouvernement a indiqué son souhait de limiter le recours aux prélèvements libératoires. Par ailleurs, il étudie la possibilité d’augmenter la CSG d’environ 3 points portant les prélèvements sociaux à 18,5 %. De ce fait, le taux de taxation globale pourrait atteindre 93,5 %. Pour les contribuables se situant au taux de 45 %, le taux de taxation serait de 63,5 %.

A de tels taux, l’intérêt d’épargner est nul. Au-delà de la recherche d’une justice fiscale, avec une augmentation rapide des prélèvements sur l’épargne, le Gouvernement entend adresser un message aux revenus aisés, « consommer » car de toute façon vous serez taxés. Ces derniers risquent d’entendre d’autres sirènes, celles les appelant à franchir les frontières. Il faut prendre en compte que l’effort d’épargne est concentré sur les 10 % des ménages les plus aisés.

En termes économiques, entre la volonté de relancer la consommation, la nécessité de réindustrialiser l’économie et l’objectif de justice sociale, les pouvoirs publics sont contraints à la schizophrénie. Il est admis que les entreprises françaises sont entravées par un faible taux de marge qui les empêche d’investir et de se positionner sur le haut de gamme. Elles sont pénalisées par des difficultés d’accès aux sources de financement bancaires. Le financement des entreprises s’effectue à plus de 80 % par les banques quand dans les pays anglo-saxons, ce taux est de 20 %. Or, à défaut d’inciter les Français à orienter leur épargne vers des placements longs dans le cadre d’un soutien à l’économie dite productive, il est pris acte que l’épargnant récuse le risque. De ce fait, il vaut mieux tuer l’épargne ou encourager l’épargne de court terme, à charge pour l’Etat via la Caisse des Dépôts, de porter le risque et de jouer le rôle d’intermédiation. C’est dans cet esprit que tous les candidats à l’élection présidentielle étaient favorables à la création d’une banque d’investissement public qui existe déjà plus que mois avec OSEO. Il n’est pas certain que l’Etat soit le mieux placé pour jouer ce rôle d’intermédiaire et que l’efficience soit au rendez-vous.

L’orientation de la politique prise par le Gouvernement est assez en phase avec leurs principes keynésiens. Il privilégie le multiplicateur de dépenses à celui de l’investissement. Par ailleurs, les responsables actuels considèrent que le financement par les bénéficies ou par l’épargne réinvestie n’est pas une source de croissance. La primauté est donnée à un effet de levier public. Or, dans le passé, cette politique a débouché sur quelques accidents graves. Il suffit de se remémorer le Crédit Lyonnais. Le banquier public est rarement plus prudent que le banquier privé. In fine, le contribuable est amené à payer.

Faut-il réformer la fiscalité de l’épargne ? Oui, mais pour inciter l’épargnant à prendre des risques et à placer son argent sur le long terme. Au-delà de la poche de l’épargne de proximité représentée par le légendaire Livret A, il conviendrait de créer des outils, des supports que ce soit par le Plan d’Epargne en Actions ou l’assurance-vie qui soient réellement productifs pour les entreprises européennes.

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