Faut-il augmenter le SMIC ?

22/05/2022, classé dans

Avec la résurgence de l’inflation et afin de réduire les inégalités, la campagne présidentielle comme celle des législatives donnent lieu à des propositions de revalorisation substantielle du SMIC. Cette mesure simple et socialement séduisante n’est pas sans effets sur l’économie, les entreprises, l’emploi et la hiérarchie des salaires.

Avec la crise sanitaire, puis avec le rebond de l’inflation, les revendications concernant la hausse du salaire minimum se sont multipliées aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne, en France ou encore au Portugal. L’objectif d’une telle revalorisation est de soutenir le pouvoir d’achat, en particulier des plus modestes et de contribuer à la réduction des inégalités…

La France se caractérise par un salaire minimum proche du salaire médian qui partage en deux les salariés. Il représente 62 % du salaire médian, contre 30 % aux États-Unis, 50 % en Allemagne ou 52 % en Espagne.

En France, le salaire minimum a tendance à augmenter plus vite que le salaire moyen. Depuis 2002, il a progressé de 20 % en valeur réelle, contre 16 % pour le salaire réel moyen. L’instauration des 35 heures en 2002 a provoqué une forte progression du SMIC jusqu’en 2007.

Quels sont les effets d’une augmentation du SMIC ?

En se référant aux études réalisées dans le passé, les hausses du SMIC jouent tendanciellement contre l’emploi des jeunes et des salariés à faible qualification. Elles entraînent une hausse du salaire moyen conduisant à une augmentation légère de la consommation, sous réserve que l’inflation n’érode pas les gains de pouvoir d’achat.

Les effets négatifs de la revalorisation du salaire minimum sont plus faibles dans les pays dans lesquels l’écart avec le salaire médian est élevé. C’est le cas en Corée du Sud, en Allemagne, au Portugal ou aux États-Unis. Ils sont plus importants en France ou en Espagne. Une étude en Espagne a démontré que la forte hausse de 2018 avait conduit à une destruction de 100 000 à 180 000 emplois.

Une hausse du SMIC touche par définition avant tout les entreprises à faibles marges bénéficiaires. Le taux de marge des entreprises françaises est inférieur à celui de ses partenaires économiques. Aux États-Unis, a contrario, compte tenu des marges élevées, les entreprises peuvent absorber plus facilement les augmentations de salaires. Dans ce pays, de nombreuses entreprises disposent de position de rente. L’élasticité de l’emploi face à la hausse du salaire minimum y est positive. Plus la transmission de la hausse du salaire minimum sur les autres salaires est importante, plus les effets négatifs sont élevés. En France ou en Espagne, l’effet contagion n’est pas négligeable ; aux États-Unis, il est faible. Les faibles gains de productivité de ces dernières années rendent difficiles l’absorption des hausses réglementaires des salaires.

Une augmentation rapide du salaire minimum peut contribuer à une dégradation de la compétitivité économique du pays concerné avec un risque de déficit important de la balance commerciale. Ce déficit est amené à s’accroître d’autant plus que l’augmentation du pouvoir d’achat provoqué par la hausse du salaire minimum aboutit à renforcer la consommation de biens importés. Pour la France, ce problème n’est pas mineur, le pays ayant enregistré 100 milliards d’euros de déficit commercial au premier trimestre 2022 en rythme annuel.

Le relèvement du salaire minimum peut inciter les entreprises à substituer du capital au travail. Un salaire minimum élevé favorise l’automatisation ou la robotisation. Il peut également induire des délocalisations au profit de pays à faibles salaires.

La hausse des salaires minimums peut également amener des effets économiques positifs. Avec des marchés de l’emploi confrontés à des problèmes de recrutement, une augmentation du salaire minimum peut contribuer au retour de salariés qui les avaient quittés et ainsi améliorer le taux d’emploi.

Les effets d’une hausse du salaire minimum sur l’emploi diffèrent d’un pays à un autre. L’existence de gains de productivité, d’excédents commerciaux, de marges importantes au niveau des entreprises permettent de limiter les effets négatifs d’une telle hausse. La France n’apparaît pas en l’état dans la meilleure des situations pour absorber une augmentation significative du SMIC.

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