Europe, cherche pilote désespérément …
Faible perspectives de croissance, des déficits publics non maîtrisés depuis des années, une population vieillissante, l’absence de politiques communes et de projets communs une soif de précaution couplée à une aversion du risque, l’Europe est en proie aux doutes et aux affres du déclin.
La crise grecque qui est devenue européenne et voire un peu plus n’est qu’un symbole du malaise qui est plus profond et qui date de plusieurs années. L’Europe n’a pas su opérer sa mutation après la chute de l’URSS et du mur de Berlin. La réunification de l’Europe s’est réalisée sans enthousiasme et surtout sans réel projet. L’élargissement de l’Union européenne a été plus contraint par les évènements que voulu. De même, la création de l’euro en 1999 a couronné un processus engagé dès la fin des années soixante avec le plan Werner et auquel étaient attachés les personnalités historiques de l’Europe d’après guerre. Fruit de concessions tant de la part de la France qui a du se résoudre à accepter la politique monétaire de l’Allemagne que de la part de l’Allemagne qui ne voulait pas des Etats de l’Europe du Sud, l’euro n’est pas né sous une bonne étoile. L’adhésion des peuples s’est fait par défaut ; la monnaie commune est devenue le bouc émissaire de tous les problèmes européens : inflation, déficit de la balance commerciale, rigueur avec le pacte de Maastricht…
Les difficultés éprouvées pour sauver la Grèce qui pèse 2,6 % du PIB de la zone euro démontre l’état de l’Union européenne. La crise économique et financière de 2008/2009 s’est muée en crise politique. En 2008, les investisseurs se méfiaient des banques et ‘eux-mêmes. Aujourd’hui, la méfiance a envahi les Etats qui ont absorbé une partie de la dette privée. Accuser les spéculateurs, le marché qui n’existe que dans les mots est un peu facile. Face à l’indécision des gouvernements, face à leur incapacité à assainir leurs finances, les investisseurs veulent voir avant de jouer et non s’engager en pure perte.
La crainte du scénario à la japonaise (faible croissance, dépréciation des actifs) commence à s’emparer de l’Europe d’où la chute des cours de bourses. Or, la chute de la maison européenne a obligatoirement un impact sur l’économie mondiale. Les investisseurs sont désormais à la recherche de valeurs sûres qui sont rares. Le rendement des actifs ne peut que diminuer dans ces conditions.
Depuis sa création, l’Europe est à la dérive. L’échec du fait en particulier de la France du traité constitutionnel qu’elle voulait et qui était porté par Valéry Giscard d’Estaing a confirmé que le vieux continent s’enfermait dans un huis clos.
Le rejet du traité constitutionnel s’est organisé autour du thème du libéralisme. Le traité a été considéré comme le vecteur du libéralisme en vigueur dans les pays anglo-saxons. Cette lecture excessive traduit bien le fait que l’Europe récuse la notion de risque. Le principe de précaution est devenu un leitmotiv. Le blocage du ciel européen durant plusieurs jours au mois d’avril 2010 a démontré toute la force de ce principe et l’incapacité des Européens d’organiser en commun le rapatriement de leurs ressortissants.
Le risque récusé s’exprime par l’omniprésence de l’Etat providence qui par sa taille ne réussit même plus à atteindre ses objectifs.
Les Etats européens sont de mauvaises nounous, le preuve est donnée par le taux de pauvreté et le taux de chômage. Les Etats absorbent en moyenne plus de 45 % du PIB mais sont de plus en plus incapables de répondre aux besoins de leur population. De plus en plus de citoyens sont laissés au bord de la route, incapables de rentrer dans les mécanismes d’aides.
La faillite des Etats providences est de deux natures : leur incapacité résoudre les problèmes économiques et sociaux, leur incapacité à maîtriser leurs dépenses.
Plus grave, la tentation de pouvoir embrasser une partie croissante de la population dans un système généralisé de protection sociale a généré un refus du risque, de l’initiative individuelle… Il y a plus d’intérêts à jouer du système ou de jouer en dehors que jouer avec et pour le système.
La Grèce en est le parfait exemple. Avec une économie étatisée à plus de 40 % du PIB, la population est tout à la fois incitée à consommer sans modération des biens publics et à frauder pour échapper aux prélèvements obligatoires.
L’Europe s’est le refus de l’aventure économique ou humaine. Bien que nous soyons deux fois plus riches que dans les années soixante, nous sommes incapables de lancer de nouveaux programmes spatiaux ou de nouveaux concordes. Les aventuriers que nous connaissons mais qui sont détestés sont les financiers, les traders, les spéculateurs…
L’Europe a ravi à la Chine au XVIème siècle le leadership car les Etats, les villes, les hommes et les femmes se sont tournés vers l’extérieur. Ils ont accepté l’aventure, les découvertes, les remises en cause. De Christophe Colomb à Einstein en passant par Copernic et bien d’autres, l’Europe a été le berceau des découvertes. La Chine qui était alors la première puissance mondiale a refusé l’extérieur et s’est enfermé dans le déclin durant plusieurs siècles.
L’Europe, première puissance commerciale, première marché de consommation est entrée dans une phase de déclin confortable depuis plus de vingt ans. Elle n’a bénéficié que partiellement de la mondialisation et des NTIC. De phénomènes de rattrapages internes ont été enregistrés : l’Irlande, l’Espagne, certains pays d’Europe de l’Est. Il n’en demeure pas moins que l’écart avec les Etats-Unis s’est accru et qu’il ne peut que s’accroitre si un nouvel élan n’est pas donné avec à la clef de sévères remises en cause.
L’affaire grecque devrait amener les dirigeants et la population à admettre que le système d’Etat providence actuel est à bout de souffle et qu’il est contreproductif socialement et économiquement. Le démantèlement est nécessaire mais peut ne pas rimer avec appauvrissement. La question lancinante du logement, en France, montre que l’allocation des ressources est aujourd’hui inefficace et pernicieuse. Le logement social est vécu comme un droit à vie et non comme un phénomène de transition. Dès qu’il y a automaticité, il y a risque d’abus.
Il faut redonner l’envi du risque et le récompenser ce qui signifie non pas d’augmenter les impôts mais de les diminuer. Il faut redonner un nouvel élan à la construction européenne avec un projet mobilisateur. Les Etats européens devront dans les prochaines années ouvrir leurs frontières afin de retrouver une concurrence et dynamisme sur le marché du travail. L’immigration limitée à l’extrême telle qu’elle est pratiquée dans plusieurs pays dont la France (l’immigration officielle est de 70 000 par an) joue en défaveur de la croissance. Sauf à vouloir se transformer en musée et en zone de repos international, l’Europe se doit avoir un volant supplémentaire de population active. Il y a corrélation entre croissance économique et croissance de la population.
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