Du défaut souverain au référendum, la Grèce sur la corde raide
La Grèce a été au cœur des préoccupations de la semaine écoulée. Le 30 juin, le pays a officiellement basculé en défaut souverain. Pour éviter des retraits massifs d’argent liquide et une fuite des capitaux, les autorités ont été contraintes de fermer les banques.
La Grèce n’a pas été capable ou n’a pas voulu rembourser la somme de 1,5 milliard d’euro au Fonds monétaire international (FMI) avant le 30 juin. Un tel défaut de paiement n’est pas exceptionnel, 71 Etats ont été dans cette situation depuis 1978. Néanmoins, la Grèce est le premier pays membre de l’Union européenne à être confronté à ce problème.
Depuis le début du 19ème siècle, presque tous les pays européens ont fait défaut sur leur dette. La série de conflits avait mis en danger les finances des Etats européens. Entre le 14ème et le 18ème siècle, la France a connu huit défauts de paiement (10 au total répertoriés). L’Espagne a été sept fois en défaut au cours du 19ème siècle (14 répertoriés dans son histoire).
L’Argentine a enregistré cinq défauts de paiement depuis 1985, le dernier datant de 2014. En Amérique latine et centrale, tous les pays ont été victime de défauts de paiements sauf la Colombie et le Suriname. L’Afrique est dans la même situation. Le Congo arrive en tête avec neuf défauts de paiement de 1980 à 2007.
Dans ce chapelet de défauts de paiement, la Grèce bat néanmoins un record celui du montant de la dette à rembourser, plus de 317 milliards d’euros. Il s’agit aussi et surtout du plus gros défaut de paiement jamais enregistré par l’institution du FMI, créée en1944. En outre, autre record, depuis 1830, la Grèce cumule le plus grand nombre d’années, depuis son indépendance en 1830, en défauts de paiement ou en rééchelonnements de dettes.
Parmi les pays les moins souvent confrontés à des déboires financiers figurent les Etats-Unis, la Nouvelle Zélande, l’Australie et le Canada. Le Royaume-Uni a connu quelques problèmes, il y a certes longtemps entre 1340 et 1584.
Le défaut de paiement a une série de conséquences pratiques qui peuvent provoquer un blocage complet de l’économie grecque au moment même où la saison estivale commence. Si les touristes étrangers peuvent toujours retirer de l’argent aux distributeurs, les problèmes d’approvisionnement en biens de consommations pourraient dissuader de nombreux touristes à séjourner en Grèce. En effet, le contrôle des capitaux et des devises gêne considérablement les importations en particulier d’hydrocarbures. Un marché parallèle risque de se mettre en place. L’accès aux médicaments pourrait poser problème. Les fonds de pension par manque de liquidités ne versent qu’une partie des prestations. De même, les entreprises commencent à réduire le montant des salaires qu’elles versent à leurs employés. Enfin, en rétorsion, les entreprises et les ménages ont tendance à ne plus acquitter les impôts. La déliquescence rapide de la situation économique et sociale pourrait peser lourd sur le vote de dimanche. Syrisa considère que la victoire du « non » au référendum sur le projet d’accord renforcerait les positions du Gouvernement ; en revanche, une victoire du « oui » pourrait remettre en cause la ligne dure. Si, dans un premier temps, l’opinion publique s’est rangée derrière son gouvernement face aux demandes des Européens, notamment en ce qui concerne la TVA et les retraites, les risques liés à une sortie de la zone euro et l’impact du contrôle des changes peuvent modifier l’orientation du vote.
De toute façon, après le référendum, il faudra reprendre le chemin de la négociation. Pour les Grecs, la crise ne peut plus s’éterniser.
En cas de vote « oui », il est fort probable que le gouvernement d’Alexis Tsipras soit contraint à la démission ou à minima soit remanié. Un gouvernement de transition pourrait être nommé avec comme objectif la conclusion rapide d’un accord avec les créanciers. La Banque centrale européenne pourrait alors être amenée à relever son plafond d’urgence ; les prêts internationaux pourraient être étendus. La Grèce resterait dans la zone euro et un troisième plan de financement serait engagé. Un étalement du paiement de la dette et une diminution des taux devraient être assez rapidement actés. En contrepartie, la Grèce devra poursuivre son programme de réformes.
En cas de vote « non », la Grèce risque d’être rapidement sur la corde raide. Rapidement, il faudra malgré tout reprendre le chemin des négociations. Le contrôle des capitaux et des changes serait maintenu. La question du départ de la Grèce de la zone euro se poserait avec encore plus d’acuité qu’actuellement.
Depuis sa création en 1957, l’Union européenne a connu de nombreuses négociations difficiles, en particulier dans le domaine agricole (politique de la chaise vide de la France jusqu’au Compromis de Luxembourg en 1965) mais jamais un Etat n’est parti.
Le départ éventuel de la zone euro serait un évènement avec la question cruciale « du jour d’après ». Les autorités grecs devraient alors parer au plus pressé, c’est-à-dire empêcher une paralysie du pays du fait d’une incapacité à importer. Le Gouvernement pourrait être tenté de négocier des accords bilatéraux avec la Russie ou avec la Chine mais le prix à payer pourrait être élevé. Il est toujours plus confortable de négocier avec plusieurs interlocuteurs qu’avec un seul. La Russie aurait demandé en contrepartie du pétrole et du gaz la vente de lignes de chemin de fer et l’accès militaire à certains ports. Au ban des Etats, la Grèce serait de toute façon condamnée de renouer le dialogue, au minimum, avec le FMI pour trouver des subsides. Les partenaires de la Grèce ne pourraient pas laisser ce pays dériver compte tenu de son positionnement géostratégique. Les Etats-Unis qui pour le moment laissent le FMI manœuvrer sont, de longue date, attachés à l’appartenance de la Grèce à la sphère occidentale. En cas de fuite en avant des autorités grecques, une intervention plus ou moins discrète de l’Oncle Sam n’est pas à exclure.
Pour les Etats européens, un départ de la Grèce de la zone euro créerait un regrettable précédent. Il serait porteur de défiance à l’enontre de la monnaie et de l’économie européenne. En termes d’image, ce serait perçu comme un échec collectif et la fin d’un cycle de construction européenne.
Les Européens devraient empêcher le risque de contagion sur le maillon faible suivant. Par voie de conséquence, des mesures de coopération renforcée devraient être prise pour prouver que le cas grec n’a pas vocation à se répéter.
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