Désindustrialisation et déclassement
Le sentiment de déclassement de la population n’est pas sans lien avec l’évolution des emplois. La mondialisation, la digitalisation ainsi que la crise de 2008 ont accentué le processus de désindustrialisation en cours depuis la fin des années 60. L’emploi industriel a diminué de 25 % de 1998 à 2018. Le secteur secondaire n’emploie plus que 9 % de la population en 2018 contre 14 % en 1998. Depuis la crise de 2008, les capacités de production ont baissé de plus de 10 %. En 2018, leur niveau correspond à celui qui avait été atteint en 1998.
Les emplois industriels ont été remplacés par des emplois de services. Dans les années 80 et 90, le secteur financier a été un fort contributeur d’emplois à forte valeur ajoutée et à salaires élevés. Depuis dix ans, cela n’est plus le cas. Les créations d’emploi sont avant tout issues des secteurs domestiques à faibles salaires. La « qualité » des emplois en France s’est donc beaucoup dégradée.
Les emplois dans le secteur tertiaire se sont accrus de 22 % depuis 1990. Le salaire moyen par tête s’élève à 29 000 euros (hors cotisations sociales) dans les services domestiques (tourisme, services à la personne, distributions) contre 41 000 dans le secteur manufacturier.
La baisse rapide des emplois manufacturiers dans les années 2010 explique la progression forte du chômage qui a pris une forme très structurelle. Les demandeurs d’emploi ont éprouvé de réelles difficultés à changer de secteur d’activité. Par ailleurs, l’industrie s’était délocalisée à partir des années 60 dans les petites villes de province et dans les banlieues des grandes agglomérations à la recherche de foncier et d’une main-d’œuvre bon marché. La fermeture des usines a accentué ainsi les déséquilibres économiques au sein des territoires. Elle a contraint les actifs à se rendre dans les métropoles qui concentrent une grande partie des créations d’emploi dans le secteur tertiaire. Les VTC, les livreurs ne peuvent exercer leur métier que dans des zones à forte concentration de population. Les activités touristiques se situent dans les grandes villes, sur le littoral ou dans les stations de ski. Internet permet le travail à distance mais a également comme conséquence de réduire le nombre d’agences en milieu rural ou en banlieue. Le digital réduit les hiérarchies, les étages de commandement. Il permet une plus grande centralisation des activités sur quelques sites.
La désindustrialisation a conduit à l’augmentation de la population des grandes métropoles. Cette dernière a par ricochet provoqué un relèvement des prix de l’immobilier. Or, les salaires proposés dans les nouveaux emplois ne permettent pas de faire face à des charges locatives élevées. Cela a induit l’allongement des transports domicile/travail. Tant pour des raisons de logistique que de formation, les entreprises dans le tertiaire rencontrent des difficultés pour recruter. Depuis cinq ans, un nombre croissant d’entreprises rencontre des problèmes de recrutement. Le nombre d’emplois vacants est passé de 60 000 à 200 000 de 2003 à 2018 (source DARES).
La désindustrialisation, combinée à la digitalisation,
entraîne une profonde évolution des emplois. Ce processus génère pour le moment
de la précarité et pèse sur l’évolution des rémunérations, ce qui freine
d’autant la consommation et donc la croissance.
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