Attention aux mirages de la croissance automnale
Durant la période estivale, la France a connu une vive croissance, +3,3 %, la plaçant sur le peloton de tête de la zone euro, loin devant l’Allemagne. Ce résultat dont nous devons nous réjouir est imputable à la réouverture des établissements de tourisme et de loisirs, et à un effet rebond après la forte récession de l’année dernière qui fut bien plus forte en France que chez notre partenaire d’outre-Rhin. À la fin du troisième trimestre, notre pays a presque retrouvé son niveau de production de 2019, essentiellement grâce aux services. Plus de la moitié de la croissance du dernier trimestre est imputable aux activités liées au tourisme au sens large du terme, prouvant la dépendance de l’économie française à ce secteur. En revanche pour l’industrie, le compte n’y est toujours pas, en particulier pour l’automobile et l’aéronautique.
L’amélioration forte et rapide du marché de l’emploi constitue la bonne surprise de la reprise post-covid. Dès la fin du premier semestre, le nombre d’emplois a dépassé le niveau atteint à la fin de l’année 2019, loin des sombres prévisions en vertu desquelles 2021 devait être une année noire. Le taux de chômage est en net recul reprenant ainsi l’évolution qu’il connaissait avant le début de l’épidémie. De plus en plus d’entreprises se trouvent même confrontées à des difficultés de recrutement. Les jeunes diplômés sont particulièrement recherchés et cela avant même d’avoir fini leurs études. Le nombre d’emplois vacants augmente que ce soit dans les secteurs de pointe ou dans ceux de l’hébergement, de la restauration ou du bâtiment. Si ces résultats sont encourageants, l’économie française est en proie à un véritable mystère. Pour le moment, cette création en masse d’emplois ne s’accompagne pas d’un réel bond de la production intérieure. Si ce phénomène venait à perdurer, il pourrait signifier une baisse tangible de la productivité, ce qui serait, à terme, une mauvaise nouvelle pour la croissance. Les secteurs à l’origine des nouveaux emplois sont ceux qui avaient enregistré de forts reculs en 2020 comme l’hébergement, la restauration, les loisirs ainsi que le secteur des services aux entreprises. L’économie française repose de plus en plus sur les services à faible valeur ajoutée et à faible emploi. Depuis le début d’année, l’industrie génère malheureusement peu d’emplois et la balance commerciale tarde à s’améliorer. Les emplois créés sont souvent à faible salaire, ce qui ne peut accentuer le ressenti d’érosion du niveau de vie, renforcé par l’accélération de l’inflation. Dans un contexte encore très incertain, ce qui est fort logique en début de cycle de croissance, les employeurs privilégient le recours à des contrats à durée déterminée. Ils sont également contraints de faire face aux changements de comportements des salariés qui sont moins enclins à accepter les horaires décalés et les emplois pénibles. Pour faire face à cette tendance, ils sont parfois obligés de faire appel à plus de salariés qu’auparavant pour répondre à la demande de la clientèle. Ce phénomène concerne avant tout les secteurs du commerce et de la logistique. Ce recours à un plus grand nombre d’emplois pour une production identique est en soi inflationniste. Les entreprises qui ont bénéficié d’importants soutiens pendant la crise covid peuvent accepter, un temps, le surcoût que cette situation provoque. Si la demande venait à faiblir après le rebond post-covid, la situation s’inverserait. La consolidation du marché de l’emploi suppose une réelle reprise de l’investissement qui manquait à l’appel au troisième trimestre, et une augmentation de la production intérieure. En effaçant les stigmates de la crise sanitaire sur le terrain de l’économie, la France a accompli la moitié du chemin ; elle doit désormais trouver l’énergie suffisante pour sortir de la léthargie de ces dix dernières années.
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