Les fonds de pension à la française, réalités ou illusions
Quinze ans après l’abrogation de la loi Thomas sur l’épargne retraite, le Gouvernement de Manuel Valls avec le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, a décidé de permettre la création de « fonds de pension à la française ».
Le Cercle de l’Épargne qui a toujours milité en faveur du développement d’un véritable pilier par capitalisation s’en réjouit. En effet, la France pour des raisons avant tout idéologiques a refusé durant de trop nombreuses années la création de véritables fonds de pension et en paie lourdement les conséquences. Les grandes entreprises françaises ont été ainsi contraintes de trouver, à l’extérieur des frontières, les ressources nécessaires à leur croissance. Plus de la moitié des entreprises du CAC 40 est détenue par des fonds étrangers. Il en résulte une perte d’autonomie et des surcoûts. Par ailleurs, l’accès au fonds propres se révèle plus difficile en France que chez nos principaux partenaires économiques. Ironie de l’histoire, l’absence de fonds de pension aboutit à ce que les actifs français financent la retraite des Américains, des Britanniques, des Néerlandais ou des Allemands sans qu’ils puissent en retour profiter de la croissance des entreprises étrangères.
La décision du Gouvernement de créer des fonds de pension est la conséquence de l’application de nouvelles règles prudentielles au secteur de l’assurance, Solvency II, qui rendaient très difficiles l’investissement en actions. Avec la création de Fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS), les produits d’épargne retraite professionnels (article 82, article 83, article 39 et contrats Madelin) ne seront plus soumis à Solvency II comme c’est le cas pour les fonds de pension au sein de l’Union européenne. Ainsi, les gestionnaires de ces produits pourront investir dans les actions qui demeurent, sur longue période, le meilleur placement.
Nous restons néanmoins au milieu du gué. Le Gouvernement aurait dû profiter de cette contrainte réglementaire pour redessiner complètement le paysage bien complexe de l’épargne retraite.
Face à la diminution des taux de remplacement programmé des régimes de retraite par répartition, la généralisation de régimes professionnels aurait été souhaitable ce qui supposerait l’adoption d’un cadre simple et cohérent en lieu et place du mille-feuille actuel.
La véritable création de fonds de pension à la Française nécessiterait, par ailleurs, une certaine dose de mutualisation ce que n’interdit en aucun cas la capitalisation contrairement à quelques idées reçues. Elle supposerait aussi la participation active des partenaires sociaux à leur gestion. Ce qui est la règle pour la retraite par répartition (AGIRC/ARRCO) ainsi que pour l’épargne salariale et le PERCO devrait l’être aussi pour les produits de retraite collectifs par capitalisation. Par ailleurs, le Gouvernement aurait du veiller à ce que tous les produits de retraite soient portables, ce qui n’est pas le cas par définition de l’article 39.
Ce deuxième pilier de retraite (le premier étant celui de la retraite par répartition et le troisième celui de l’épargne retraite individuelle) devrait être également accessible à tous les salariés et non réservé, ce qui est le cas aujourd’hui, essentiellement aux salariés des grandes entreprises. À cette fin, une négociation entre partenaires sociaux devrait intervenir afin de faciliter la généralisation des régimes de retraite professionnel sous forme d’accord de branche sur le modèle de ce qui s’est passé avec les « complémentaires santé ».
Contact presse :
Sarah Le Gouez
06 13 90 75 48
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