2005 : réformer l’ISF

17/02/2005, classé dans

Proposition de loi visant à réformer l’impôt de solidarité sur la fortune

Présentée par Messieurs XX, YY, ZZ, WW

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du plan, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du règlement)

Exposé des motifs

Mesdames, Messieurs,

L’impôt de solidarité sur la fortune est un impôt jeune ; il date dans sa forme actuelle de 1988 et a succédé à l’impôt sur les grandes fortunes institué en 1982. Cet impôt institué pour des raisons idéologiques et sans étude d’impact génère des effets négatifs pénalisant l’économie française et ponctionnant un nombre croissant de contribuables qui ne sont pas tous, loin s’en faut, des personnes que l’on pourrait qualifier de riches. C’est un impôt destructeur d’activités et d’emplois. Il a été un facteur non négligeable de délocalisations d’entreprises et de capitaux. Il freine tout particulièrement le développement de nos PME et rend complexe les transmissions d’entreprises.

L’ISF, impôt mal né, a été instauré à contre courant. En effet, cet impôt a été mis en place au moment où nos principaux partenaires supprimaient ou allégeaient leur impôt sur le capital. Ainsi, le Danemark a supprimé son impôt sur le capital en 1996, l’Allemagne en 1997 et les Pays-Bas ont fait de même en 2001.

En outre, malgré les dysfonctionnements dont il est porteur, dysfonctionnements ayant donné lieu à de nombreux rapports et études issus d’horizons divers, le Gouvernement de Lionel Jospin a décidé d’en accroître le poids entre 1997 et 2002. Il a été ainsi créé une nouvelle tranche à 1,8 % et par ailleurs, contrairement à une tradition fiscale bien établie, ce même barème n’a pas été actualisé. En outre, la surcote de 10 % a été intégrée au barème en 1999.

Il en résulte que la France a ainsi un des impôts sur le capital les plus progressifs ayant un taux marginal élevé. En Finlande, le taux marginal est de 0,9 %, au Luxembourg de 0,5 % et en Suède de 1,5 %.

Il faut souligner que la France est un des rares pays à posséder la gamme complète d’impôts sur le capital. En effet, pour un même bien, un contribuable pourra acquitter des droits d’enregistrement, des droits de mutation qu’ils soient gratuits ou à titre onéreux, la taxe foncière, l’impôt sur les plus values et la taxe d’habitation. Bien évidemment, les revenus du patrimoine sont assujettis à l’impôt sur le revenu et à la CSG.

Depuis 2002, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, lors de la discussion de textes à dominante budgétaire ou économique, il a été présenté des amendements visant à moderniser l’impôt de solidarité sur la fortune. A chaque fois, les passions, la démagogie et les craintes n’ont pas permis d’aboutir. Il est vain de réformer au fil de l’eau ; il faut poser l’ensemble des questions et tenter de les résoudre en prenant en compte l’équité fiscale et l’emploi. En effet, l’ISF conduit à l’expatriation de capitaux et conduit des jeunes actifs à privilégier des villes comme Londres ou Bruxelles voire des grandes villes américaines pour y vivre et développer leurs entreprises. Il en résulte une perte de richesse pour notre pays, une perte de croissance et aussi un déficit d’emplois.

C’est pourquoi la présente proposition de loi vise, une fois pour toutes, à corriger les principaux effets pervers de l’ISF. Ainsi, elle propose de corriger le problème de l’imposition de la résidence principale, de trancher une fois pour toute la question du plafonnement et de régler également la question des transmissions d’entreprises.

1. Régler le problème de la résidence principale : porter l’abattement de 20 à 60 %

« Au fil du temps et de l’explosion des prix de l’immobilier, l’ISF est devenu non plus un impôt sur la fortune mais tout simplement un impôt de plus en plus sur les économies et le logement de nos concitoyens qui sont loin d’être tous fortunés » a déclaré Thierry Breton, Ministre de l’Economie et des Finances.

L’augmentation des prix de l’immobilier et la non actualisation du barème constituent les deux grandes explications de l’augmentation du nombre de redevables à l’ISF. De 1997 à 2003, le nombre d’assujettis à l’ISF a augmenté de 67,5 %. C’est ainsi que 120 000 personnes qui sont entrées dans le champ de l’ISF dont près de 90 000 au titre des deux premières tranches du barème.

Dans de très nombreux cas, cet assujettissement s’explique non pas d’un pas enrichissement réel mais de la forte progression des prix de l’immobilier dans les grandes villes et tout particulièrement à Paris.

Ainsi, le seul fait de posséder un appartement de famille à Paris peut entraîner le paiement de l’ISF sans pour autant que les revenus du contribuable aient progressé à du concurrence ou que sa fortune mobilisable ait augmenté. Il peut s’agir d’un appartement acquis il y a une dizaine d’années ou d’un appartement obtenu par héritage. Dans ce dernier cas, le contribuable doit tout à la fois acquitté des droits de mutation et l’ISF. Cette double imposition en conduit un grand nombre à vendre leurs biens immobiliers. Cette imposition en cascade frappe durement les familles moyennes qui sont contraintes à déménager de Paris.

Le marché de l’immobilier à Paris et dans certaines grandes villes dépend de facteurs de plus en plus internationaux. A Paris, la part croissante des investisseurs étrangers et le benchmarking des capitales induisent une augmentation des prix du mètre carré. Il en résulte que les Parisiens subissent une augmentation des prix. Il apparaît indispensable de limiter les effets de cette hausse et d’éviter qu’à l’augmentation des prix se surajoute une majoration fiscale.

L’intégration de la résidence principale dans l’assiette de l’ISF est illogique. Par définition, une résidence principale ne génère pas de revenus ; il y a donc possibilité du simple fait de posséder sa résidence principale de s’appauvrir.

En la matière, l’ISF apparaît inéquitable du fait qu’il ne prend que très marginalement en compte les revenus des redevables et leurs charges familiales.

La résidence principale représente une base de 68,8 milliards d’euros en 2003 sur une assiette totale de 486 milliards d’euros. La résidence principale correspond à 12,8 % de l’assiette de l’ISF en augmentation constante depuis cinq ans, près de deux points.

Depuis 1996, le prix de l’immobilier dans les grandes villes a augmenté de 5 à 10 % soit beaucoup plus que l’inflation qui n’a pas été prise en compte dans le barème jusqu’en 2005.

Une part non négligeable des nouveaux redevables à l’ISF a entre 40 et 50 ans, vit à Paris avec plusieurs enfants. L’alourdissement de la fiscalité les conduit aujourd’hui à vendre et à s’installer en banlieue. L’ISF favorise ainsi le départ des familles de cadres des centres-villes.

En la matière, l’ISF est destructeur et inéquitable d’autant plus qu’il ne prend que très faiblement en compte la taille des familles, la réduction d’impôt étant de par personne à charge.

Jusqu’à maintenant, le contribuable peut, après avoir déterminé la valeur vénale du bien par référence aux valeurs de marché, ajuster cette dernière en prenant en compte les caractéristiques juridiques ou physiques propres à ce bien susceptibles d’en affecter sa valeur vénale. C’est ainsi qu’il est autorisé de déduire sur la valeur de la résidence principale en cas de possession directe un abattement de 20 %.

Afin de mieux prendre en compte la spécificité de la résidence principale et d’intégrer l’augmentation des prix immobiliers en centre-ville, la présente proposition de loi vise à porter cet abattement de 20 à 60 %.

2. Régler la question du plafonnement : revenir à un plafonnement à 70 %

La loi de finances pour 1989 avait introduit un plafonnement de la cotisation de l’impôt de solidarité sur la fortune pour éviter que cet impôt n’excède les revenus perçus au cours de l’année.

Il avait été décidé que le montant de l’impôt global dû au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune, de l’impôt sur le revenu des personnes physiques et du prélèvement libératoire ne devait pas dépasser 70 % du revenu annuel global. Ce taux déjà important a été porté à 85 % par la loi de finances pour 1991.

En raison de certains abus de droits liés à des montages fiscaux complexes, la loi de finances pour 1996 a limité les effets du mécanisme de plafonnement de la cotisation d’impôt de solidarité sur la fortune en fonction du revenu disponible.

Le mécanisme de plafonnement est donc limité pour les redevables dont le patrimoine taxable excède, au jour du fait générateur de l’impôt, la limite supérieure de la 3ème tranche du barème de l’ISF.

Le déplafonnement a un double impact :

Pour régler le problème lié à des montages complexes, les pouvoirs publics ont adressé un message négatif à destination des investisseurs et des créateurs de richesse. L’impact psychologique a été fort et désastreux. Savoir que tout ses revenus, voire plus passe dans le paiement des seuls IR et ISF n’encourage pas l’esprit d’initiative, le travail.

Un effet économique et fiscal ; le déplafonnement est une réelle incitation à l’expatriation. Une étude commandée par le Sénat a montré que sur ces cinq dernières années, plusieurs milliers personnes se sont expatriées avec à la clef une perte de 11 milliards d’euros de capital.

Le retour du plafonnement constitue une nécessité. Comment peut-on accepter qu’un redevable soit contraint de liquider une partie de son capital chaque année pour acquitter un impôt. C’est anti-économique et inéquitable.

A ce titre, la France gagnerait à s’inspirer d’un pays comme l’Allemagne. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a jugé le dispositif de l’impôt sur la fortune, inconstitutionnel. Elle a en effet considéré que l’impôt, compris comme l’addition de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur la fortune, ne devait pas dépasser 50 % du revenu annuel et a interdit aux services fiscaux allemands de percevoir l’impôt sur la fortune à compter du 1er janvier 1997.

Il paraît probable que, lorsque la Cour européenne des droits de l’homme aura à se prononcer, ce qui sera fait tôt ou tard, sur l’impôt de solidarité sur la fortune français, elle prendra en considération les mécanismes de plafonnement. Elle jugera alors sans doute le plafond de 85 % contraire au droit de propriété et déclarera objectivement confiscatoire le mécanisme de plafonnement du plafonnement.

Il y a aujourd’hui un réel consensus pour réinstituer un plafonnement intégral. Ainsi, Michel Charzat, député PS de Paris, chargé lors de la précédente législature par le Premier ministre, Lionel Jospin, de mener une mission sur l’attractivité du territoire français jugeait indispensable de revenir à la règle du plafonnement de l’ISF antérieure à 1996.

Il a ainsi écrit : « En terme d’attractivité et de maintien en France des centres de gravité des entreprises, cette mesure est l’une des causes les plus souvent citées pour expliquer la délocalisation des patrimoines et des personnes. Cela vaut particulièrement pour des créateurs d’entreprises à forte croissance, rapidement exclus de l’exonération au titre de l’outil de travail du fait de la dilution rapide de leur participation, mais qui se retrouvent avec des liquidités faibles face à un actif composé de titres non réalisables dans l’immédiat, et dont la valeur est extrêmement fluctuante. La réforme de l’ISF effectuée dans la loi de finances pour 1999 n’a fait qu’accroître l’acuité du problème. […] « Dans ces conditions, le mécanisme mis en place en 1996 apparaît générateur d’effets pervers nuisibles à l’emploi et à la croissance […]. Il apparaît donc souhaitable de supprimer purement et simplement le mécanisme de « plafonnement du plafonnement ».

La présente proposition de loi propose de revenir au dispositif en vigueur en 1989, c’est-à-dire un plafonnement à 70 %. Il apparaît raisonnable qu’un contribuable ne puisse pas acquitter au titre de l’IR et de l’ISF plus de 70 % de ses revenus

3. créer un environnement favorable à l’offre

Le Gouvernement de Dominique de Villepin a placé au cœur de ses priorités l’emploi et d’exploiter au maux les gisements d’emplois que constituent les PME.

• L’ISF dissuade les investisseurs à placer des capitaux dans des entreprises en création ou en phase de décollage.

• L’ISF est un frein incontestable à l’ouverture des entreprises de taille moyenne

• L’ISF incite à la délocalisation en pénalisant les transmissions d’entreprise.

L’ISF constitue, en effet, un frein notoire pour le développement des PME en France. Cet impôt empêche bien souvent l’ouverture du capital à des investisseurs extérieurs et pose un réel problème financier au moment des transmissions.

L’article 47 de la loi pour l’initiative économique a commencé à réformer le régime concernant la transmission d’entreprise. Cet article en introduisant l’article 885 I bis au sein du Code général des impôts permet une exonération partielle d’ISF afin d’encourager la participation au capital de PME avec un objectif de stabilisation de ce capital.

L’article 47 limite le champ d’exonération aux parts et aux actions de sociétés ce qui exclut les participations dans les entreprises individuelles. Par ailleurs, les entreprises doivent exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale. L’octroi de l’exonération est conditionné à la conclusion d’un engagement collectif de conservation avec un ou plusieurs détenteurs de parts ou d’actions de la même société, où chacun s’engage pour lui-même et ses ayants droit à titre gratuit, à conserver les titres visés dans l’engagement pour une durée minimale de six ans. Cet engagement doit porter sur au moins :

• 25 % des droits sociaux en cas d’entreprise cotée
• 34 % des parts ou actions en cas d’entreprise non cotée.

La présente proposition de loi vise de 50 à 75 % le taux de l’abattement instauré par la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique ; cette mesure permet d’aligner avec le régime institué par la loi en faveur des PME de juillet 2005, lequel soumet lui aussi à un engagement de détention d’au moins six ans l’abattement de 75 % sur la valeur de l’entreprise transmise, pour le calcul des droits de mutation. Par souci d’homothétie, dans ces deux cas, il s’agit de conforter la stabilité de l’actionnariat en préservant les entreprises de toute fragmentation excessive de leur capital. L’objectif poursuivi est de renforcer le tissu des PME.

Tel sont les motifs de la présente proposition de loi organique que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

Proposition de loi

Article 1er

Le taux « 20% » au deuxième alinéa de l’article 885 S du Code Général des Impôts est remplacé par le taux « 60 % ».

Article 2

La dernière phrase du premier alinéa de l’article 885 V bis du code général des impôts est supprimée

Article 3

Au 1er alinéa de l’article 885 V bis du Code Général des Impôts, le taux « 85 % » est remplacé par le taux de « 70% ».

Article 4 (transmission d’entreprise)

Dans le premier alinéa de l’article 885 I bis du code général des impôts, les mots : « la moitié » sont remplacés par le taux : « 75 % ».
Article 5

La perte de recettes du fait de l’adoption de la présente proposition de loi est compensée à due concurrence par la création de taxes additionnelles sur les droits prévus aux articles 575 et 575 A du Code Général des Impôts.

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