Emploi, mutations et formation

21/11/2020, classé dans

Les secteurs confrontés à la crise économique provoquée par l’épidémie et à la transition énergétique emploient en France plus de 30 % de la population active. L’automobile, l’aéronautique, la distribution traditionnelle et le tourisme sont amenés à revoir à grande vitesse leur modèle de développement. D’autres secteurs pourvoyeurs de nombreux emplois sont également affectés par la digitalisation, le secteur financier, la presse, la grande distribution, etc. Les activités à forte croissance, la santé, le commerce en ligne, la robotique, les télécommunications, etc. représentent 14 % de la population active. Dans les prochains mois, des transferts d’activités et d’emplois sont attendus avec une transformation importante des structures économiques du pays. La crise sanitaire accélère des processus en cours depuis plusieurs années que ce soit au niveau du commerce en ligne ou de la transition énergétique.

Le e-commerce progresserait, cette année, de plus de 20 %. Le chiffre d’affaires du commerce en ligne qui était de 100 milliards d’euros en 2019, contre 92 milliards d’euros en 2018, pourrait se rapprocher de 150 milliards d’euros. La part de marché des achats en ligne s’élevait alors à 9,5 %. Elle devrait s’élever à 15/17 %. La France rattrape son retard sur les pays d’Europe du Nord et sur le Royaume-Uni. Le site Amazon aurait capté 20 % du marché du commerce en ligne. Selon Kantar, 70 % des Françaises et Français de plus de 18 ans achètent des biens sur internet, soit quasiment 35 millions d’individus. Près d’un Français sur trois, presque 22 millions, achète sur Amazon.

L’interdiction à terme des véhicules à moteur thermique impose une mutation d’une ampleur inconnue dans l’ensemble de la filière automobile, des fabricants aux garages en passant par les stations à essence, aux sous-traitants. Le déplacement de la chaine de valeur au profit des producteurs de batteries n’est pas sans poser des problèmes à l’Europe et à la France qui en importent plus de 90 %. La filière automobile regroupe 4 000 entreprises industrielles et 400 000 salariés pour un chiffre d’affaires de 155 milliards d’euros. L’investissement annuel en R&D de ce secteur dépasse 6 milliards d’euros. L’industrie automobile demeure ainsi le premier secteur, en France, en termes de dépôt de brevets.

Avec près de 50 milliards de chiffres d’affaires et 100 000 emplois, l’industrie aéronautique est depuis plus de vingt ans un des piliers de l’économie française grâce aux succès d’Airbus, de Dassault et des nombreux sous-traitants. 85% du chiffre d’affaires du secteur est réalisé à l’exportation.

Près de la moitié des emplois des industries automobile et aéronautique pourraient être à terme menacés du fait de la crise sanitaire mais également en raison des évolutions technologiques. Ces deux secteurs ont un réel besoin d’’ingénieurs, plus de 8000 pour l’automobile chaque année, afin de pouvoir relever le défi technologique. Or, en France, seulement 21 % des étudiants suivent des études scientifiques contre plus de 40 % en Allemagne. La rémunération des postes d’ingénieurs dissuade de nombreux de poursuivre dans cette voix même en cas d’obtention d’un diplôme scientifique.

L’adaptation de l’économie économique suppose un vaste effort de formation permettant au pays de combler son retard en matière de compétences. La France se caractérise par la surreprésentation des emplois à faible qualification, deux fois plus qu’en Allemagne, et par un nombre élevé de jeunes sortant du système éducatif sans qualification (environ 20 %). Le nombre des jeunes de 25 à 30 ans sans emploi et sans diplôme est également deux fois plus élevé dans notre pays qu’en Allemagne. Par ailleurs, la France souffre de la dévalorisation de certaines professions, ce qui induit leur faible attractivité. Les infirmiers et les enseignants sont, en règle générale, rémunérés 20 % en-dessous de la moyenne de l’OCDE. De moins en moins de jeunes s’inscrivent aux concours de la fonction publique provoquant une baisse du niveau moyen des admis. Pour le moment, les pouvoirs publics éprouvent les pires difficultés à enrayer ce processus. Dans les prochaines années, le processus de sélection par concours pourrait même être remis en cause, les épreuves écrites et la culture générale étant jugées trop discriminantes. L’abandon des concours s’il se réalisait, ne serait pas un gage d’amélioration du niveau des recrutements. Une restauration de l’écrit et des études scientifiques seraient souhaitables pour faciliter la montée en gamme de l’industrie et de l’administration en France.

Depuis cinquante ans, l’économie française a connu plusieurs phases de mutation de ces emplois, le rapide déclin de la population agricole au tournant des années 1960/1970, la fermeture des mines, la contraction du secteur textile, la restructuration de la sidérurgie durant les années 1970/2000, la mutation de l’emploi dans l’automobile avec la fermeture d’usines et la robotisation, etc. En parallèle, de nouveaux secteurs ont généré de nombreux emplois, pharmacie, finances, aéronautique, communication, logiciels, services aux entreprises, grande distribution, etc. Le défi des vingt prochaines années est d’éviter que la mutation ne se réduise à un processus de destruction non créatrice et donc de marginalisation de l’économie française. Les trente dernières années ont été vécues comme un long déclin car de nombreux emplois qualifiés ont été remplacés par des emplois à moindre valeur ajoutée, cette substitution intervenant au moment où le nombre de jeunes atteignant l’enseignement supérieur augmentait rapidement. Ce double phénomène a généré un réel sentiment d’amertume au sein d’une part croissante de la population. Face à l’écueil de la segmentation de la population, tant au niveau social que sur le plan des territoires, la gestion des compétences et donc de la formation sera déterminante sauf à accepter une longue parenthèse économique.

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